[Lire la première partie de cet article]
Comme nous l’avons expliqué précédemment, la réaction des puissances internationales au choc qu’a provoqué le soulèvement du peuple tunisien et le départ du dictateur a été la mise en place du partenariat de Deauville [1], outil principal de l’ingérence étrangère afin d’empêcher les tunisiens de mener à bien leur révolution, dont un des objectifs essentiel est la remise en cause du modèle économique dicté par le FMI.
L’objectif du partenariat de Deauville : étrangler l’économie tunisienne par un surendettement tel qu’il prépare le défaut de paiement et ainsi l’accélération des réformes économiques « douloureuses » : le gouvernement est ainsi contraint d’appeler le FMI à l’aide, qui conditionne cette dernière. Au programme : austérité et appauvrissement généralisé.
Le 4 février 2013, lors d’une conférence de presse à la Banque centrale tunisienne (BCT), le gouverneur Chedly Ayari annonce les grands axes d’un accord de confirmation avec le FMI, négocié depuis décembre 2012 avec les autorités tunisiennes. Un accord qui préfigure des « réformes douloureuse [2] » selon les dires du président de la Banque mondiale lors de sa venue en Tunisie en janvier 2013. Lors de cette conférence, la tension était palpable notamment de la part du personnel de la BCT, comme si une nouvelle très grave allait être annoncée.
Le gouverneur de la BCT cherche à rassurer. La première chose qu’il précise : « Nous n’avons encore rien signé, nous n’avons pas engagé l’État tunisien. » Puis quelques minutes plus tard : « Les fonds débloqués par cet accord ne seront utilisés par le gouvernement qu’en cas de choc exogène. »
Les journalistes en face ont préparé leurs questions, cela fuse… C’est un programme d’ajustement structurel, oui ou non ? Vous allez nous endetter encore plus ? Quelles sont les conditions du FMI ? Quelles seront les réformes en échange de ce financement débloqué par le FMI ?
Contexte économique de l’accord de confirmation
La vulnérabilité et la dépendance de l’économie tunisienne aux conjonctures internationales
Selon les dernières recommandations provisoires du FMI [3], plusieurs facteurs d’ordre structurel mettent en péril la stabilité économique générale de l’État. Parmi ces facteurs, nous retrouvons : la grande dépendance de la Tunisie vis-à-vis de l’Union européenne, engendrant un creusement structurel du compte courant de l’État ; un creusement du déficit budgétaire ; une fonte des avoirs en devises de l’État à la BCT ; un système bancaire fragile.
En effet, au niveau de la balance courante, la dépréciation du dinar et la hausse des prix sur les marchés mondiaux ont provoqué l’augmentation de la facture des importations, contrairement à celle des exportations qui a diminué à cause de la chute de la demande dans la zone euro. En somme, le déficit courant s’est largement creusé pour atteindre 7,1 % du PIB en 2013. D’où l’alourdissement de la facture des dépenses de la caisse de compensation (hausse du prix des importations des produits alimentaires et énergétiques). Autre répercussion, l’augmentation du coût d’endettement pour financer le déficit budgétaire qui s’est traduit par la hausse du service de la dette.
Ces constats relèvent des problèmes conjoncturels mais également structurels concernant l’économie tunisienne.
La forte dépendance vis-à-vis du marché européen (80 % des échanges commerciaux) a montré ses limites avec la crise de la dette en Europe et la récession économique. Malheureusement, la dépréciation du dinar n’a pas profité aux exportations à destination de l’Europe. Du coup, une réflexion sérieuse doit voir le jour pour favoriser une diversification des marchés étrangers pour dynamiser les exportations vers les autres régions non affectés par des chocs récessifs (Amérique latine, Asie, BRICS, entre autres)
La dépendance alimentaire de la Tunisie aux marchés mondiaux (60 % des importations de céréales) est à l’origine du déficit de la caisse de compensation, les produits subventionnés importés étant de plus en plus chers. Or, les prévisions du conseil international des céréales [4] indiquent clairement une baisse de la production mondiale des céréales dans les mois à venir et donc une hausse des prix sur les marchés mondiaux (le déficit va continuer à se creuser). Le problème de fond reste notre dépendance : une réflexion sur la production agricole sur le territoire tunisien doit voir le jour.
Ce qui a poussé le gouvernement à solliciter le FMI est le déficit budgétaire qui se creuse et qui risque de se creuser dans la perspective des chocs exogènes à venir en 2013. Tous les analystes macro-économistes qui analysent les prévisions économiques et financières indiquent l’aggravation de la crise européenne, la montée des prix alimentaires sur les marchés mondiaux et l’effondrement proche du dollar.
La BCT a indiqué, dans un communiqué, que « la Tunisie n’aura pas recours à ces ressources sauf en cas de chocs exogènes : dégradation de la conjoncture économique en Europe, flambée des prix des hydrocarbures ou des matières de base ».
Bien que le gouverneur cherche à nous rassurer, il est clair que cet accord sera mis en application au vu de la conjoncture internationale. Autant informer les Tunisiens sur ce qui les attend.
L’accord de confirmation et le partenariat de Deauville : une application accélérée des réformes économiques préconisées par le plan « Jasmin »
Cet accord de confirmation consiste en un prêt de 2,73 milliards de dinars sous forme de DTS (la valeur du DTS est déterminée par rapport à un panier de monnaies, qui comprend actuellement le dollar, l’euro, la livre sterling et le yen), conditionné par l’application, entre 2013 et 2015, d’un programme de réformes très strict visant à remédier au déficit budgétaire qui se creuse.
Chedly Ayari a affirmé que « le FMI ne conditionne pas l’accès de la Tunisie à ces financements par des réformes précises, mais œuvrera à soutenir celles présentées par le gouvernement » puis d’ajouter lors de la conférence : « Tout cela se fait dans le cadre du partenariat de Deauville, c’est par là que passe notre programme, c’est l’armature même. Et le FMI y joue un rôle central. Toutes les ressources financières qui viennent de ce partenariat, tous ceux qui financent nous demandent : avez-vous un accord avec le FMI sur les réformes structurelles ? Le FMI est un passeport à condition que l’on ne touche pas au petit sentier de la croissance qu’a repris la Tunisie. »
Pour rappel, les réformes économiques et sociales du gouvernement Jbali sont celles élaborées par le gouvernement de Béji Caïd Essebsi dans le cadre du partenariat de Deauville (expliqué précédemment) [5].
Les décaissements prévus par le FMI sont conditionnés par un respect strict des conditionnalités établies dans l’accord, selon un calendrier bien précis. Que l’ANC approuve ou pas toutes ces réformes, peu importe, les conditionnalités des décaissements doivent s’appliquer à un rythme régulier.
Accord de confirmation avec la FMI : un « traitement de choc » ?
Rappel de la stratégie du choc
La stratégie du choc, comme nous l’avons précisé dans notre étude sur le partenariat de Deauville, a été théorisé par Naomi Klein en 2007. Le principe est le suivant : à la suite d’un choc violent (révolution politique, guerre, catastrophe naturelle, assassinat politique, ...), il s’agit de profiter du trouble provoqué par ce choc pour s’introduire et faire perdre à un État sa souveraineté, son self-control, pour la placer sous un contrôle extérieur. Friedman, un des fondateurs de l’ultralibéralisme, conseilla aux hommes politiques d’imposer immédiatement après une crise des réformes économiques douloureuses avant que les gens n’aient eu le temps de se ressaisir. Il qualifiait cette méthode de « traitement de choc ». Le mieux étant de déléguer les reines des pays concernés à des technocrates qui feraient croire à leur neutralité et à leur objectivité mais qui, au final, défendraient bec et ongle le modèle d’ultralibéralisme. Ce sont ce que Naomi Klein a appelé les « Chicago Boys ».
Si l’on est attentif au calendrier, on constate que le projet de cet accord sera soumis au Conseil d’administration du FMI pendant le mois de mars prochain, et que mi-février est prévu la mise en place d’un nouveau gouvernement de « technocrates » à la faveur du choc provoqué par l’assassinat de Chokri Belaid.
Contenu du « traitement de choc » imposé par cet accord de confirmation
Voici les axes principaux pour remédier au déficit budgétaire :
1. austérité par la baisse des dépenses budgétaires ;
2. stagnation, voir diminution des recettes par une réforme fiscale ;
3. restructuration de secteur bancaire.
Axe 1 : Maîtrise des dépenses de l’État : austérité ?
Quasi-suppression de la caisse de compensation
Concernant les dépenses, le FMI insiste sur le poids qu’il juge trop élevé des subventions (5 % du PIB) et des rémunérations des fonctionnaires (12 % du PIB) qui à eux seuls représentent 75 % des recettes de l’État. Il préconise la quasi-suppression des subventions pour les remplacer par un système de protection sociale mieux ciblée dont la structure sera mise en place par la Banque mondiale et le FMI à travers un appui technique, et ce sur deux ans (2013-2015). Il préconise de mettre en place une stratégie de communication du fait de l’impopularité d’une telle mesure.
L’Institut National de la Statistique (INS), le Centre de recherche et des études sociales (CRES), et la BAD [6] ont entrepris une étude sur la performance du système des subventions en Tunisie, à partir de laquelle sera mise en place la réforme. L’étude n’a toujours pas été publiée à ce jour. Nous aimerions de même avoir à disposition toutes les études comparatives d’impact menées à l’étranger par le FMI sur la réforme des subventions. Nous nous posons également la question sur la manière dont le gouvernement compte adapter cette protection sociale aux conjonctures très variables du marché mondial alimentaire et notamment aux risques d’« émeutes du pain » en cas de tensions sur le marché des denrées alimentaires.
L’une des premières mesures, dès mars 2013, consiste en la hausse des prix des carburants : selon le ministre des Finances Elyess Fakhfakh, l’essence subira une hausse de 100 millimes et le gasoil 80 millimes. Pour ce qui est de l’électricité, le prix facturé sera majoré de 7 %. Or, ce qui est très peu évoqué, c’est que la hausse des prix du carburants va entraîner inéluctablement une hausse générale des prix (actuellement de 5,5 % qui va augmenter à 6,2 % à partir de mi-2013) qui va continuer en s’aggravant, au vu de l’évolution des prix alimentaires sur le marché mondial, et qui ne sera pas compensé par une hausse des salaires. La conséquence sera une baisse significative du pouvoir d’achat des Tunisiens.
Maîtrise de la masse salariale
Maîtriser les augmentations salariales et les recrutements au niveau de la fonction publique. Les tunisiens doivent se préparer à une baisse de leur salaire ou à une baisse de leur pouvoir d’achat étant donné que les salaires ne suivront pas la hausse de l’inflation. Ce qui laisse présager une situation sociale explosive.
Maitrise des dépenses « sociales »
Au vu du déficit grandissant des trois caisses sociales, à savoir la CNSS, la CNRPS et la CNAM,, le ministre des Affaires sociales, Khalil Zaouia a déclaré le 12 janvier 2012 que : « La réforme des régimes de retraite et d’assurance maladie demande du courage et de la transparence. » Plusieurs déclarations du ministre des Affaires sociales présagent des réformes dite « difficiles » et qui seront impopulaires. Peut-on d’ores et déjà anticiper une diminution des dépenses concernées ?
Dans ses recommandations, le FMI déplore le trop grand poids des subventions dans les dépenses (5 % du PIB) mais omet de parler du poids des dépenses en capital, c’est-à-dire du remboursement du service de la dette, qui représente, selon le FMI, 7 % du PIB, soit 2 % de plus que les subventions. Aucune mesure ne semble être prévue pour diminuer ce poste budgétaire, bien au contraire, ce dernier a augmenté en 2012 (source : chiffres publiés au ministère des Finances [7]). En comblant le déficit budgétaire par de l’emprunt, il y a un risque de fuite en avant, par le truchement des intérêts sur ce poste de dépense, et donc un risque d’aggravation du ratio dette/ PIB.
Le ratio est aujourd’hui de 48,6 % du PIB, le moindre choc exogène (fort probable) risque d’accroître ce ratio, proche des 50 %. D’après le FMI et la Banque mondiale (p. 104, document relatif au dernier prêt de novembre 2012 [8]) : « La stratégie du gouvernement consistant à soutenir la croissance économique en accroissant les investissements publics risque de ne pas être viable si la dette publique dépasse 50-55 % du PIB. »
Selon Amine Mati, chef de la mission du FMI en Tunisie, interviewé dans l‘éco-journal : « Il s’agit d’une finalisation des réformes… Si les réformes ne sont ni engagées, ni accomplies, il serait difficile dans ce cas de convaincre le Conseil d’administration du FMI que la Tunisie pourra respecter ses engagements financiers et rembourser ses dettes. »
Axe 2 : les recettes de l’État : réforme fiscale qui ne risque pas d’augmenter les recettes fiscales ?
Le recours à la réforme fiscale : une réforme en deçà des attentes
Pour rééquilibrer le déficit, le bons sens préconiserait une hausse des recettes de l’État et donc une réforme de sa fiscalité, son levier principal. En effet, le FMI déplore que « la pression fiscale en Tunisie demeure faible face aux besoins du pays ». Le FMI préconise la mise en place de réformes afin de mobiliser plus de recettes fiscales.
Ces réformes s’inscrivent dans le cadre de la refonte actuelle du Code d’incitation aux investissements dont la responsabilité a été donnée à la Banque Mondiale à travers la SFI, ce qui pose un vrai problème de conflits d’intérêts. En effet, la SFI, chargée de la refonte du Code d’incitation aux investissements, est aussi un investisseur en Tunisie [9]. D’après le document de programme [10] concernant le dernier prêt de la Banque Mondiale, les réformes viseront à : « Rationaliser le recours aux mesures fiscales d’incitation et à limiter les dépenses fiscales, et de réduire le fossé entre les secteurs “onshore” et “offshore” de l’économie. »
Le régime fiscal offshore en Tunisie : incitations fiscales pour les entreprises totalement exportatrices
Exonération totale de l’impôt sur les bénéfices provenant de l’exportation pendant les dix premières années et paiements de l’impôt sur les sociétés au taux réduit de 10 % au-delà de cette période.
Exonération totale sur les bénéfices et revenus réinvestis.
Franchise totale des droits et taxes pour les biens d’équipements, y compris le matériel de transport des marchandises, les matières premières, les semi-produits et les services nécessaires à l’activité.
La possibilité de mise en vente sur le marché local de 30 % du chiffre d’affaire industriel ou agricole après paiement des droits et taxes exigés.
La Banque mondiale et le FMI préconisent de rééquilibrer le système fiscal onshore et offshore afin de réduire les asymétries fiscales (augmenter un peu l’offshore et diminuer un peu l’onshore, selon Elyess Fakhfakh lors de la conférence de presse), c’est-à-dire in fine, pas d’augmentation des recettes fiscales voire même une diminution de l’impôt sur les sociétés (IS) dans tout le pays. N’est-ce pas là en contradiction avec le fait que le FMI déplore la faible pression fiscale en Tunisie ?
D’ailleurs, une étude conduite en 2008 par l’ITCEQ a conclu que malgré l’ampleur des incitations attribuées afin d’accroître les investissements privés et d’attirer les investissements étrangers, les résultats n’ont pas été probants. Cette étude ajoute que le système d’incitations concerne un grand nombre d’activités et comporte de nombreuses dérogations et mesures, ce qui génère pour le budget de l’État une charge financière considérable et un manque à gagner.
Pour le plus grand expert en paradis fiscaux, Nicolas Shaxson, le système fiscal offshore, qui consiste à exonérer les entreprises d’impôts durant 10 ans, est à la fois inefficace et facilement contournable. Même Margaret Thatcher a dû l’abandonner du fait de son inefficacité. Il estime que le système fiscal offshore correspond à un paradis fiscal logé au sein de l’État. En voulant élargir ce système fiscal offshore à tout le pays, la Tunisie ne risque t-elle pas de devenir un Paradis Fiscal ?
Pas de taxes à l’importation
Aucune mention n’est faite concernant le recours aux taxes à l’importation dans le cadre de cet accord : le gouvernement refuse de recourir à ce levier pour combler le déficit budgétaire.
Revenus pétroliers : 0 depuis 2012
Autre interrogation légitime : les revenus pétroliers sont inexistants à partir de 2012 : aucune explication du Ministère des finances n’est fournie concernant ce manque à gagner [11].
Axe 3 : la recapitalisation bancaire et la restructuration du secteur bancaire
La recapitalisation des banques risque de creuser le déficit budgétaire (recapitalisation estimée à environ 3 % du PIB (5 % dans un scénario négatif) par la Banque mondiale et Banque centrale). Dans le cadre des réformes appuyées par les prêts de la Banque mondiale, le gouvernement a lancé un appel d’offres international pour la réalisation d’audits stratégiques et financiers de trois banques publiques (BH, STB, BNA) ; les résultats des audits devraient être connus au milieu de 2013. Le gouvernement a indiqué son intention d’élaborer un plan de restructuration et recapitalisation pour les trois banques, en fonction des résultats des audits.
Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances et artisan principal du partenariat de Deauville, a entamé la réforme du système bancaire. Il précise dans son livre Tunisie, la route des jasmins (janvier 2013) :
« La restructuration des banques publiques me semble indispensable. Elle doit s’articuler autour des points suivants : l’amélioration de la gouvernance ; la recapitalisation ; l’amélioration de la politique de gestion des risques ; l’amélioration des plateformes technologiques ; le re-engeneering des procédures et la modernisation des structures ; et un investissement conséquent dans le capital humain. » (p. 187)
« Enfin, nous préconisons de privatiser complètement les banques publiques pour que certaines d’entre elles deviennent des championnes nationales. Il est toutefois nécessaire de les restructurer au préalable. Il me semble, par ailleurs, que le système bancaire tunisien dans son ensemble (public et privé) peut être reconstitué en encourageant les fusions entre banques (public-public, public-privé et privé-privé). Ceci donnerait lieu à l’émergence de grandes banques nationales capables d’accompagner leurs clients dans le marché national et à l’étranger. » (p. 188)
Ainsi, Jalloul Ayed préconise de recapitaliser les banques publiques défaillantes avec l’argent public puis préconise de privatiser toutes les banques publiques renflouées, c’est-à-dire socialiser les pertes des banques et privatiser les bénéfices du renflouement. De plus, en préconisant la fusion entre banques, la Tunisie risque de faire face au phénomène du « too big to fail » qui rendra impossible toute réforme saine du système bancaire en cas de crise.
Une entreprise régionale : toute l’Afrique du Nord est concernée
Cette entreprise qui s’inscrit dans le cadre du partenariat de Deauville, et qui consiste à asphyxier l’économie par l’endettement, vise à contraindre les gouvernements à entreprendre des réformes économiques et législatives propices à l’approfondissement de la libéralisation économique du pays en faveur du secteur privé.
Le gouvernement actuel l’a affirmé : il s’agit d’une politique axée sur le développement du secteur privé, entendons par là le démantèlement progressif de l’État et du secteur public par une privatisation des services publics.
Et ce, d’autant plus qu’une réforme du code du travail, du secteur de la santé et de l’enseignement sont en cours de préparation par la Banque mondiale.
On constate que cette opération ne concerne pas seulement la Tunisie, il s’agit d’une opération régionale : le Maroc, l’Égypte et la Jordanie sont touchés par les mêmes réformes et dans le même timing (2012 /2013).
Deux exemples : les négociations sur l’accord de confirmation avec le FMI se déroulent également en Égypte et au Maroc à la même vitesse, avec les mêmes arguments, les mêmes réformes (suppression caisse de compensation, maîtrise salariale etc.) et selon les mêmes modalités [12] (Maroc [13] et Égypte [14]).
Empêcher les révolutions arabes de remettre en cause le paradigme économique libéral imposé depuis les années 80 par la Banque mondiale et le FMI, à l’origine de leur appauvrissement, tel est l’un des objectifs du partenariat de Deauville.
Conclusion
Le cœur du problème consiste en la vulnérabilité trop importante de la Tunisie aux chocs exogènes et sa dépendance aux marchés mondiaux. Or, les réformes proposées ne remettent pas en cause les carences structurelles de l’économie du pays à l’origine de cette impasse. Au contraire, elles ne font que les approfondir.
De plus, elles ne permettront pas d’augmenter les recettes au vu de la réforme fiscale prévue, mais de contraindre le gouvernement à recourir encore plus à l’emprunt ce qui sera suicidaire pour le pays. Derrière l’empressement de ces réformes structurelles durant la transition et le discours alarmiste sur le déficit budgétaire, vous l’avez compris, se cache un programme sans précédent de démantèlement de l’État, des secteurs publics et de privatisation. Le déficit actuel peut être réduit par une restructuration de la dette et une véritable réforme fiscale juste et équitable qui augmenterait réellement les recettes.
Observatoire tunisien de l’économie, le 14 février 2013
(Pour contacter l’auteur de l’article : contact@economie-tunisie.org)