Le 11 janvier 2015, quatre millions de Français défilaient en mémoire de la rédaction de Charlie, fusillée par les frères Kouachi. Le pays se partageait alors entre ceux qui étaient Charlie, et ceux qui ne l’étaient pas, sur le modèle du poème d’Aragon avec « celui qui croyait au Ciel » et « celui qui n’y croyait pas ».
Cela a marqué les débuts du séparatisme médiatico-politique dans notre pays, entre ceux qui croyaient au Système et ceux qui n’y croyaient pas, ou plus. Pour les uns, malgré de très larges zones d’ombres lors du 7 janvier (2015), les deux frères avaient agi par esprit de vengeance envers les dessinateurs qui avaient insulté le Prophète, et ce, presque sans commanditaire, ou alors éloigné, perdu dans les sables du Yémen.
Un commanditaire très nébuleux qui sera ensuite éliminé par l’armée américaine au moyen d’un drone. Les Français, et surtout les familles des victimes, seront priés de croire à cette version, très Bureau des légendes. Nathalie Saint-Cricq s’occuperait de poursuivre ces chiens d’incroyants, dans les médias et les écoles. Aujourd’hui, son fils est l’intervieweur qui monte chez BFM TV.
Par la suite, tous les grands événements auront leurs croyants et leurs incroyants, par exemple la pandémie covidiste avec les pro et et les antivax. Pourtant, 3 ans avant Charlie, une série d’assassinats, exécutés selon la presse et les autorités par un certain Mohammed Merah, frappait notre pays, avec autant de zones d’ombres, qui ne seront jamais vraiment éclairées par la version officielle, plus que boiteuse. Nous étions alors sous Sarkozy, qui finissait son quinquennat, et qui aurait bien voulu rempiler. Les attentats de Toulouse ont eu lieu en mars 2012, 40 jours – jour pour jour – avant le premier tour des présidentielles qui verront François Hollande l’emporter. Voilà pour le contexte.
Une décennie plus tard, le contrôle et/ou la manipulation de Merah par le renseignement intérieur, fraîchement restructuré par Sarkozy, ne font plus débat. Le lien, aussi ténu et tordu soit-il, est bien réel.
Le thread suivant, issu du compte Média libre investigation, a été élaboré à partir des articles de Slate et du Monde, des sources pas vraiment complotistes.
Nous en diffusons une partie, sachant que dans les affaires où le renseignement est impliqué, tout peut être intoxication, on l’a vu avec le 11 Septembre et les versions alternatives « contre-feu » pilotées par le pouvoir profond. Puis nous finirons sur la fabrique de l’insécurité.
Mohamed Merah : un agent double DCRI/DGSE manipulé
par les services du renseignement français
C’est ce que prouvent des notes de la DCRI auxquelles ont eu accès Le Monde. Des notes qui n’ont jamais été déclassifiées et adressées à la justice.
Elles montrent d’abord que le renseignement français savait tout du profil du tueur de Toulouse dès 2012 et qu’ils ont laissé faire. L’ancien patron du renseignement intérieur toulousain, Christian Ballé-Andui, avait alerté sur sa probable implication dans les attentats, mais personne ne l’a écouté. Pourtant, ses conseils auraient sans doute évité la tuerie de l’école juive Ozar Hatorah. Dès juin 2011, Christian Ballé-Andui demande que soit « judiciarisé le dossier Merah », mais la DCRI s’y refuse. Merah est également pisté par les services depuis 2006, mais sa surveillance s’arrête inexplicablement fin 2011.
Pourquoi ?
Parce que Merah était un informateur de la DCRI, bénéficiant d’une « liberté de mouvement en échange d’informations précieuses », en lien « avec un correspondant DCRI ». Ce que confirme Yves Bonnet, ancien patron de la DST :
« Merah avait manifestement des relations avec la DCRI comme on l’a appris à travers les déclarations de Bernard Squarcini lui-même [le chef de la DCRI]. C’est-à-dire qu’il avait un correspondant au Renseignement intérieur. Alors appelez ça “correspondant”, appelez ça “officier traitant”… [...] Or avoir un correspondant ce n’est pas anodin. »
Ce qui lui aurait permis notamment d’être introduit en Israël par la DGSE via la Jordanie, avec la bénédiction de son directeur Erard Corbin de Mangoux proche de Sarkozy. Il serait ensuite revenu en Jordanie d’où il se serait envolé pour l’Afghanistan. But de l’opération : « prouver au réseau djihadiste sa capacité à passer à travers la frontière avec un passeport européen », selon Daniele Raineri du quotidien Il Foglio.
Les services israéliens ont confirmé à Reuters que Merah s’était rendu trois jours en 2010 en Cisjordanie à partir de la Jordanie, confirmant une info donnée par Bernard Squarcini. De ce fait, Éric Denecé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, souligne : si Merah « était suivi par la DCRI, ses déplacements étaient forcément connus des services de renseignements français ». Comment se fait-il d’ailleurs qu’une carte d’un membre du GSPR (Groupement du président de la République) ait pu être retrouvée dans la voiture de Merah ?
Le Monde révèle même que Merah se serait filmé, peu avant sa mort lors de l’assaut, en révélant qu’un de ses amis, Zouheir, qu’il pensait être un djihadiste, était en réalité un agent du renseignement qui le manipulait.
« Tu m’as envoyé en Irak, au Pakistan et en Syrie pour aider les musulmans. Et tu te révèles finalement un criminel et un capitaine des services français. J’aurais jamais cru ça. Va en enfer espèce de traître ! Je ne te pardonnerai jamais. Vous allez me tuer sans aucune raison. C’est vous qui m’avez entraîné dans cette situation. » (quotidien arabophone Echourouk et AFP).
Ce que confirme l’avocate française Isabelle Coutant-Peyre, qui assiste l’avocate algérienne de la famille Merah. D’où « la liquidation » de Mérah, pour ne pas révéler le fiasco et la manipulation des services français. Sachant que la DGSE a acheté le silence du père Merah, détenteur des vidéos, pour 30.000€ parce qu’il portait plainte contre la hiérarchie policière pour « meurtre aggravé » de son fils (Times of Israël).
Ce que dénonçait aussi Marc Granié, CRS pendant 35 ans, ancien Béret rouge chargé de la protection des hautes personnalités à l’Élysée, dans une vidéo :
« Il faut savoir que les Américains avait intercepté Merah dans le pays où il s’entraînait pour le djihad, qu’après cette interpellation, les autorités US ont contacté la France qui a répondu : "Laissez-le". Merah était un agent qui travaillait pour la France et qui par la suite fut assassiné. »
Merah était un informateur de la DCRI
Claude Bardon, ancien directeur des Renseignements généraux et responsable de l’arrestation des membres du groupe Action Directe dans les années 80, déclare le jour où Merah a été tué :
« Merah est typiquement le type de personne que nous aurions essayé de recruter. Il avait des ennuis avec la justice, nous lui aurions effacé son ardoise. Il aimait sortir avec ses potes mais était sans emploi, nous lui aurions donné de l’argent de poche. Et si ça n’avait pas marché, nous l’aurions surveillé de très près. »
L’avocate algérienne de la famille Merah, Zahia Mokhtari, a affirmé détenir la preuve – sous forme de deux cassettes vidéo – de la liquidation de Merah par la police française, dans le but d’étouffer sa collaboration avec les renseignements français :
« Nous détenons deux vidéos identiques de 20 minutes chacune dans lesquelles Mohamed Merah dit aux policiers "pourquoi vous me tuez ? (...) je suis innocent, vous m’avez trahi !" a déclaré Mokhtari, qui affirme également que "Des personnes au cœur de l’événement, et qui voulaient que la vérité éclate, m’ont remis ces vidéos. (...) Merah (Mohamed) a été manipulé et utilisé dans ces opérations par les services français et a ensuite été liquidé pour que la vérité ne voie pas le jour. »
Si l’on tient compte des commentaires du chef de la DCRI, Bernard Squarcini, Merah était bien un informateur. Squarcini a déclaré qu’au cours du siège :
« "Il a souhaité parler avec le policier de la direction régionale du renseignement intérieur (DRRI) de Toulouse qui l’avait rencontré en novembre 2011." [Le 13 octobre 2011, Merah appelle le fonctionnaire] "car il n’est pas en France à ce moment-là, il est au Pakistan". "Dès que je rentre, je vous contacte", a-t-il dit. Le 3 novembre, il rappelle de l’hôpital Purpan, à Toulouse, ou il est hospitalisé pour une hépatite. "Dès que je sors, je viens vous voir", assure-t-il. Il fait preuve d’une excellente coopération, d’éducation, et de courtoisie. »
En effet, ce n’est pas anodin d’avoir un correspondant aux renseignements, en particulier dans le cas de Merah, qui semble avoir été utilisé par les renseignements pour entrer en contact avec de soi-disant « militants islamistes » en Afghanistan et au Pakistan, afin de rapporter des informations sur leurs activités. Étant donné que le gouvernement français prend la menace du « terrorisme islamique » tellement au sérieux, on aurait pu supposer qu’il aurait surveillé et contrôlé étroitement les allées et venues de l’un de ses informateurs, après l’avoir envoyé tout droit chez les terroristes islamistes pour y subir un entraînement et, en essence, se faire passer pour un « djihadiste ». Logiquement, le risque qu’un indic’ « tourne mal » et ne finisse par trahir les autorités françaises aurait dû figurer en premier sur leur liste de problèmes potentiels et les inciter à le tenir à l’œil, non ?
La fabrique de l’insécurité
Ces deux attentats aux auteurs (présumés) suivis ou contrôlés par le renseignement seraient dus à des « failles » dans les services. En vérité, les « failles » indiquent la présence d’un service étranger ou d’une trappe donnant accès à un niveau d’organisation supérieur. La conséquence de ces assassinats ciblés aura été de lier islamisme, terrorisme et antisémitisme dans l’esprit du grand public.
Depuis le Bataclan, une partie de la gauche, la gauche Charlie, a basculé dans le camp de la droite israélienne, à l’origine de l’islamophobisation de la France, chère à Élisabeth Badinter. Ces attaques fonctionnent toutes comme des ré-orienteurs d’opinions : elles forcent l’esprit dans un sens voulu.
La lutte antiterroriste devient donc un outil de politique intérieure dont les gouvernements ou l’oligarchie usent selon leur intérêt – mais pas forcément celui des Français – afin de frapper l’opinion, de faire basculer une élection ou un électorat, de désigner une communauté bouc émissaire.
Il s’agit d’une forme de répression démocratique qui ne dit pas son nom et qui, en entretenant une terreur diffuse, mène à du contrôle social.
La lutte contre le terrorisme de grande envergure est donc un leurre, au même titre que la lutte contre l’inflation ou le chômage : le terrorisme, l’inflation et le chômage sont des outils dont se sert et qui servent l’oligarchie. La vraie lutte antiterroriste consisterait à neutraliser en France tous les éléments ou groupes perturbateurs qui cherchent à contrôler l’opinion en la fracturant, au moyen d’actions meurtrières montées de toutes pièces, et de lois liberticides qui s’ensuivent.
Si personne ne peut empêcher un fou d’attaquer des gens dans l’espace public, les grands attentats sont, pour leur part, largement sous contrôle. Les failles dans le renseignement sont l’expression donnée à un contrôle supérieur, donc politique (voir Manuel Valls et la décision de bloquer ou ralentir les interventions au début de la tuerie du Bataclan).
Il y a donc bien deux renseignements en France, non pas la DGSI et la DGSE, mais un renseignement sécuritaire et un renseignement insécuritaire. À l’image des policiers et des militaires, les agents du renseignement d’en bas sont d’honnêtes patriotes. Il n’en est pas de même dans les sphères de la décision, où la raison politique peut prendre le pas sur le souci sécuritaire.