Ces dernières années a émergé une élite maghrébine qui malheureusement s’ignore. Elle peut demain devenir un modèle de patriotisme à condition d’éviter certains pièges.
Ils sont médecins, cadres administratifs, chefs d’entreprise ou ingénieurs, les enfants issus de l’immigration ont grandi et à l’opposé de l’image médiatique du beur des banlieues désœuvré et petit délinquant, ces français ont professionnellement et socialement réussi. Leur intégration sociale est sans équivoque, comme le montre l’importance des mariages mixtes. Une intégration silencieuse, car la plupart d’entre eux ont tourné le dos aux revendications communautaires des années Mitterrand.
Pourtant leur position emporte un effet pervers, car le refus du communautarisme les a rendus invisibles. Contre le repli, aucune autre alternative politique sérieuse ne leur a été proposée. Pour que cette beurgeoisie prenne conscience de son existence et de ses forces potentielles, elle doit lutter contre les démons qui font qu’aujourd’hui, les Français d’origine maghrébine ont un pouvoir d’influence économique et politique faible.
Le premier d’entre eux consiste à éviter le discours post-colonialiste et de la repentance à l’encontre de la France. Cette posture est la conséquence du communautarisme victimaire. Il doit être assez agaçant pour les Français de souche de se voir reprocher les faits d’armes de leurs aînés. La repentance pose indirectement la question de leur allégeance à la nation. Les Français d’origine algérienne, principalement, ont aussi été bercés par le roman national du pays de leurs parents. Pour beaucoup d’entre eux encore, tenir publiquement des paroles tendres vis-à-vis du pays qui les a vus naître et grandir est encore difficile. Il suffit d’écouter les propos d’Houria Bouteldja pour constater qu’il reste encore du chemin à faire.
Les initiatives de « Fils de France » ou d’Albert Ali donnent heureusement de l’espoir. Les beurs, pour les plus éclairés d’entre eux, doivent comprendre que ce sont leurs démarches qui demain seront payantes sur le plan politique. Pour s’en convaincre il suffit d’observer le parcours du contre-exemple Malek Boutih, faire-valoir de la gauche bien-pensante : il n’a jamais été récompensé politiquement.
Le second est simple, Il se résume en deux mots : Exemplarité d’abord et islam ensuite. À l’instar de la bourgeoisie traditionnelle française détentrice des moyens de production et lettrée, le beurgeois doit à son tour acquérir un capital économique et culturel à la française. Même s’il est décrié, le modèle républicain le permet encore aujourd’hui. Seule la bourgeoise catholique peut encore servir de modèle, par son enracinement et son sens des valeurs. Il convient vraiment dans la mesure du possible, dans les interactions sociales quotidiennes, d’ôter les références à l’islam sans pour autant les nier. Le débat sur l’islam de France est parfois un piège car la religion sert toujours en dernier lieu de prisme pour appréhender cette population.
L’Exemplarité signifie une adhésion aux codes sociaux et culturels de la majorité et y adhérer sans complexes et en acceptant quelques renoncements. L’humilité et la preuve par le travail bien fait sont des puissants vecteurs d’intégration au pays de Molière. Par ailleurs, les questions sur la circoncision ou le prénom des enfants par exemple restent encore ouvertes. Viendra un jour peut-être où, au même titre que n’importe quel Français, le Franco- maghrébin trouvera déplacées et indiscrètes les questions sur sa foi même si cela peut être déjà le cas aujourd’hui.
Toutefois, la perte de toute référence à la spiritualité et à la tradition n’est pas pour autant la voie souhaitée. Il serait vraiment dommageable pour cette nouvelle beurgeoisie de connaître par mimétisme les mêmes travers libéraux libertaires qu’a connus la petite bourgeoisie de Mai 68. La foi est pourtant bien plus respectable que l’hédonisme, le consumérisme et l’individualisme forcené de nos sociétés. Il s’agit donc du dernier démon. Au nom de l’intégration et du rejet de la tradition, le jeune musulman serait invité à avoir les mêmes inspirations que la jeunesse trotskiste de l’époque. Ainsi, celle nouvelle élite devrait avant tout se méfier des mouvements qui visent à la libérer. Par exemple, beaucoup d’entre eux n’ont pas été dupes quant aux intentions de l’association Ni putes, ni soumises, qui comptait le nombre d’adhérentes musulmanes sur les doigts de la main. Il y a fort à parier que des initiatives qui visent à briser les traditions familiales au nom d’une idéologie libertaire refassent surface.
Entre repentance et discours libertaire, les Franco-maghrébins éclairés doivent trouver leur voie. Déclarer même timidement mais sincèrement un patriotisme français en est une nouvelle. C’est assurément la plus prometteuse. Plus en paix avec eux-mêmes, c’est à terme toute la communauté nationale qui en profitera.