Extrait du chapitre « Le livre d’Esther » du livre Quel juif errant ?
de Gilad Atzmon
« Haman dit au roi Ahasuerus : "Il y a un peuple éparpillé et dispersé parmi les peuples [les Juifs], à travers ton royaume. Leurs lois sont différentes de celles de tous les autres, ils n’observent pas les lois du roi et il n’est pas bénéfique pour le roi de tolérer leur existence. S’il plaît au roi, qu’on écrive un décret afin de donner l’ordre de les détruire, et je paierai aux exécutants dix mille talents d’argent, du trésor du roi." »
Le Livre d’Esther est un récit biblique qui forme la base de la célébration de Pourim, probablement la fête juive la plus joyeusement fêtée. Ce livre raconte une tentative de judéocide, mais aussi comment les Juifs réussirent à changer leur destin. Dans Le Livre d’Esther, les Juifs se sauvent eux-mêmes, et arrivent même à infliger une vengeance.
Cela se passe pendant la troisième année du règne du roi perse Ahasuerus (souvent identifié comme Xerxes Ier). C’est l’histoire d’un palace, d’une conspiration, de la susmentionnée tentative de judéocide, et d’une courageuse et magnifique reine juive – Esther – qui réussit à sauver son peuple à la toute dernière minute.
Ahasuerus est marié à Vashti, qu’il répudie après qu’elle ait désobéi à son ordre de se montrer à ses convives réunis durant une fête. Esther est choisie parmi de nombreuses candidates pour être la nouvelle épouse d’Ahasuerus. Plus loin dans le récit, le Premier ministre d’Ahasuerus, Haman, projette de faire tuer tous les Juifs de l’Empire perse pour se venger du refus de Mordechai, le cousin d’Esther, de s’incliner devant lui en signe de respect. Esther, maintenant reine, complote avec Mordechai pour épargner les Juifs perses. Au risque de mettre en danger sa propre sécurité, Esther prévient Ahasuerus du plan meurtrier antijuif de Haman. (Comme elle n’avait pas révélé ses origines juives auparavant, le roi les ignorait.) Haman et ses fils sont pendus à la potence, haute de cinquante coudées, initialement construite pour Mordechai. En l’occurence, Mordechai prend la place de Haman en tant que Premier ministre. Le décret d’Ahasuerus ordonnant le meurtre des Juifs ne pouvant être abrogé, il en publie un autre permettant aux Juifs de prendre les armes et de tuer leurs ennemis – ce qu’ils font.
La morale de l’histoire est claire. Si les Juifs veulent survivre, ils ont intérêt à infiltrer les coulisses du pouvoir.
À la lumière du Livre d’Esther, de Mordechai et de Pourim, l’AIPAC et la notion de « pouvoir juif » apparaissent comme étant des incarnations d’une profonde idéologie culturelle et biblique.
Mais c’est ici que cela prend une tournure intéressante. Bien que l’histoire soit présentée comme le récit d’événements réels, l’exactitude historique du Livre d’Esther est en fait largement contestée par la plupart des spécialistes modernes de la Bible.
L’absence de confirmation claire par ce que l’on connaît de l’histoire perse d’après les sources classiques, pour aucun détail du livre, a amené les savants à conclure que cette histoire est en grande partie, ou même totalement, fictive.
Autrement dit, en dépit de sa morale, la tentative de judéocide est imaginaire. De toute évidence, Le Livre d’Esther pousse ses adeptes (juifs) vers un SSPréT [Syndrome de Stress Pré-traumatique, NDLR E&R] collectif, transformant un fantasme de « destruction » en une « idéologie de survie ». En effet, certains lisent cette histoire comme une allégorie des Juifs parfaitement assimilés qui découvrent qu’ils sont la cible de l’antisémitisme, mais qui sont aussi dans une position leur permettant de se sauver, eux et leurs coreligionnaires juifs. En lisant la citation de Haman ci-dessus, et en gardant Bowman en tête, on voit que Le Livre d’Esther façonne une identité de l’exil. Il fabrique le stress existentiel et est un prélude à la religion de l’Holocauste, posant les conditions qui transforme l’Holocauste en réalité.
Chose intéressante, un récit menaçant très similaire est exposé au début de l’Exode. À nouveau, dans le but d’établir une atmosphère de « Shoah à venir », et d’une libération qui suit, une peur existentielle est créée :
« Il s’éleva sur l’Égypte un nouveau roi, qui n’avait point connu Joseph. Et il dit à son peuple : « Voilà, le peuple des enfants d’Israël est trop nombreux et trop puissant pour nous. Allons ! montrons-nous habiles avec eux, de crainte qu’ils se multiplient, et que, s’il survient une guerre, ils ne se joignent à nos ennemis, pour nous combattre et sortir ensuite du pays. » Et l’on établit sur eux des chefs de corvées, afin de les accabler de travaux pénibles. C’est ainsi qu’ils bâtirent les villes de Pithom et de Ramsès, pour servir de villes-greniers à Pharaon. » Exode 1:8-11
Aussi bien dans l’Exode que dans Le Livre d’Esther, l’auteur du texte arrive à prédire le genre d’accusations qui seront pointées contre les Juifs pour les siècles à venir, comme la recherche du pouvoir, le tribalisme et la traîtrise. De façon choquante, le texte de l’Exode évoque une prophétie de l’Holocauste nazi. Il dépeint un réel fait de purification ethnique et de mesures économiques oppressives qui finalement mènent à des camps de travaux forcés (Pithom et Ramsès). Pourtant, dans l’Exode et dans Le Livre d’Esther, ce sont finalement les Juifs qui tuent.
Chose curieuse, Le Livre d’Esther (dans la version hébraïque de la Bible ; six chapitres ont été ajoutés dans la traduction grecque) est l’un des deux seuls livres de la Bible qui ne mentionnent pas directement Dieu (l’autre est le Cantique des Cantiques). Comme dans la religion de l’Holocauste, dans Le Livre d’Esther, ce sont les Juifs qui croient en eux-mêmes, dans leur propre pouvoir, dans leur singularité, leur sophistication, leur habileté à conspirer, leur habileté à dominer les royaumes, leur habileté à se protéger. Tout Le Livre d’Esther parle de prise de pouvoir. Il transmet l’essence et la métaphysique de la puissance juive.
Alain Soral présente Quel Juif errant ?, de Gilad Atzmon :
Mon livre sur la commode, épisode 3 – Quel Juif errant ?, de Gilad Atzmon :