Depuis quelques années, à vrai dire la montée du FN (2002), des sociologues s’intéressent à une France oubliée, la France dite périphérique, celle des villes moyennes de moins de 50.000 habitants. Livres et études sérieuses fleurissent sur cette France parallèle, qui n’attire pas les médias. Normal, elle ne brûle pas les voitures, mais flétrit en silence. Celui des Pôle Emploi pleins à craquer, des usines qui ferment, des formations inadaptées.
- Philippot City
Le capitalisme accélère le développement (et le sous-développement)
Les jeunes, qui ne se voient pas d’avenir dans ces villes qui meurent à petit feu, entre les commerces du centre qui ferment et les kebabs qui fleurissent, émigrent vers les grands bassins d’emplois, ces conurbations de plus de 500.000 habitants, Toulouse, Lyon et compagnie. Car sur place, il n’y a plus trop de boulot : plus grand monde ne veut devenir agriculteur – c’est trop dur, et ça rapporte rien –, ouvrier c’est foutu, les usines sont toutes parties en Asie, alors il reste les services publics, sinon les missions entre deux rendez-vous au Pôle Emploi. Qui est là pour rassurer, plus que pour relancer. Le social prime le placement.
Cette France intéresse les politologues car elle ne vote plus LRPS – trop déçue, et on reste polis – mais elle vote de plus en plus FN. C’est peut-être ce qui la sauvera. En tous les cas, et la gauche et la droite l’ont trahie. En même temps, on ne peut pas inventer les formations qu’on n’a pas, et cette France-là manque de formation, de ces formations recherchées. Il ne suffit plus d’aller au bourg ou à la ville pour trouver un boulot, il faut aller à la fac dans une grande ville et taper dans un secteur un peu porteur. L’informatique, la communication, le droit…
- Cherchez l’église
Darwinisme urbain
Ces villes pourtant charmantes se font désosser par les grandes métropoles et les zones commerciales immenses, à qui l’on doit la désertification des centres-villes centenaires. L’américanisation a tué le charme français, on s’en doutait. Mais tout s’est américanisé, en France, depuis les années 70. Le chanteur national n’a pas pour rien changé son nom en « Johnny ». Un Johnny qu’on donne toujours presque fini, et qui revit, comme un phénix. Là, il vient d’avouer un cancer, du poumon en plus.
Pour ceux qui connaissent un peu la bête, Johnny est une espèce de force de la nature, qui a vraiment brûlé sa vie, avec tous les excès possibles. Il est même assez incroyable qu’il soit encore là, en 2017, quand on pense que sa carrière a commencé à 17 ans, devant Line Renaud, en 1960. Ça lui fait 73 ans, à l’idole des moins jeunes. Johnny n’est plus l’idole des jeunes, mais ce morceau d’histoire de France a connu De Gaulle, Pompidou, Mitterrand et toute la clique. Il a commis quelques fautes de parcours en termes de mode, car il a tout épousé : on pense au hippisme (la période flower power), au sarkozysme (la période « tu fais sauter ma dette fiscale et moi je chante pour toi »), voire à la science-fiction. Mais « qui n’a jamais commis de faute ? », comme le dit si bien Jésus Fillon – The Revenant – aux journalistes qui le harcèlent.
Johnnycéros
On se demande même si, flanqué d’un cancer, Johnny ne serait pas capable d’assurer une 184ème tournée. C’est Drucker ou un de ses potes qui avait dit que Johnny était capable de monter sur scène avec 40 de fièvre, de faire le show, et de reprendre sa fièvre une fois le show terminé… après l’avoir refilée au public. Dans le genre bestiau, on n’en a pas tellement en France. Là aussi, c’est la longévité qui fait le bonhomme.
La longévité, c’est ce qui fait défaut aux rhinocéros, actuellement. On ne va pas refaire le procès de ces putain de milliardaires chinois à moitié impuissants qui croient retrouver la verdeur de leurs 17 ans à coups de poudre de corne de rhino. Mais à cause de ces gros cons, un trafic intense a accéléré la disparition de ce pachyderme. Les amateurs de paléontologie ou de darwinisme diraient que de toute façon, la survivance de la mégafaune n’est qu’une question de décennies, une décennie, à l’échelle de l’Évolution, c’est de la petite bière. Oui, la mégafaune est condamnée, et il faut s’y résoudre. On peut conserver quelques milliers d’animaux dans des zoos, transformés en réserves d’ADN d’espèces sauvages pratiquement disparues, mais ça ne changera rien.
Et si un jour on veut faire revivre ces espèces, on ne disposera pas de suffisamment d’ADN différents. Croiser des cousins avec des cousines, ça craint du boudin. On a vu le résultat avec les Roms. OK OK, on la retire celle-là. Pas de vanne raciste facile. Que de la difficile. Oui donc les rhinos disparaissent, et les néocapitalistes de l’empire du Milieu accélèrent le processus. Il ne reste que la mégafaune africaine, les deux autres ayant disparu : celle d’Océanie, probablement à cause d’un changement climatique, et plus récemment celle d’Amérique du Nord, et là ce serait un coup des Indiens. Eh oui, tout n’est pas noir ou blanc.
Ceux qui ont les moyens d’aller en Afrique – on parle là des Français qui ont des gros jobs dans les grandes métropoles, pas les abonnés au Pôle Emploi ou aux assistances sociales des villes « moyennes » – ont la chance d’admirer la dernière mégafaune de notre planète. Là-bas, au Kenya ou en Tanzanie, les tueurs de rhinos ne sont pas très bien vus (n’est-ce pas, Édouard Stern). Les Rangers ont le droit de leur tirer dessus, et ils ne se gênent pas. Parfois, quelques chasseurs blancs dans la confidence chassent aussi le braconnier. Une chasse à l’homme, mais morale.