Si Jeremy Corbyn arrive à la tête du parti travailliste britannique, la politique étrangère pourrait évoluer vers un mieux.
La Grande-Bretagne a subi une nouvelle déception la semaine dernière après que Tim Farron, poids plume de la scène politique à langue bien pendue, est devenu le chef des Libéraux-démocrates. Ces derniers ont sottement vendu leurs principes pour goûter au pouvoir et entrer dans la coalition menée par les conservateurs de David Cameron en 2010. Le salaire de ce péché fut une cuisante défaite lors des élections de cette année, faisant dégringoler le nombre de leurs sièges de cinquante sept à seulement huit.
Tim Farron est un « nouveau chrétien » [born-again Christian] et ne s’en cache pas.
Un autre « Ami d’Israël » [1]… quoique incommodé par son haleine
Dans un article intitulé « Le Libéral-démocrate Tim Farron qualifie l’attaque d’Israël sur Gaza de disproportionnée », le Jewish Chronicle rapporte que la candidature de Farron était soutenue par des cadres juifs du parti, et qu’il serait intransigeant à l’égard de l’antisémitisme s’il était élu. En réfléchissant sur la « guerre » de l’été dernier entre Israël et Gaza, il déclara :
« C’était disproportionné ; je pense que l’action du gouvernement israélien était en opposition avec ses propres intérêts. Les torts se trouvaient clairement des deux côtés, chacune des parties fut à la fois la victime et l’agresseur. »
« Mon conseil d’alors – et ma vision d’aujourd’hui – est que je veux défendre le fait que l’État d’Israël a le droit d’être en sécurité sur son territoire. Parfois, il nous complique les choses. Je suis un ami d’Israël ; et votre meilleur ami se doit de vous dire quand votre haleine sent mauvais. » [2]
Tim Farron s’oppose au mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions).
« L’une des choses que je voulais que nous mettions en avant est le soutien du parti à Israël en tant qu’État et en tant que peuple [3]… Nous devons répondre à cette crise par une solution à deux États – ce doit être notre objectif. »
À l’entendre parler, on se demande s’il n’a pas été embrigadé dans les rangs du sionisme chrétien. En tant qu’anglican, il risque de tomber sous l’influence du CMJ (Church’s Ministry Among Jewish People [4]) qui fut reconnu comme un ministère de l’Église d’Angleterre en 1995 et qui agit dans l’ombre depuis ce temps-là. C’est l’aile sioniste de l’Église anglicane d’une certaine manière.
Le CMJ déclare reconnaître que l’État d’Israël fut établi suite au plan de partage de la Palestine de 1947, sans toutefois se prononcer sur le tracé exact que devraient suivre les frontières israéliennes. Si le CMJ accepte ce partage, il devrait au moins avoir un point de vue sur les frontières vis-à-vis desquelles ce plan fut fondé. Dans l’état actuel des choses, le CMJ semble approuver Israël dans ses actes cupides d’expropriations malhonnêtes et dans son non-respect du droit.
Pour quelqu’un qui n’est jamais allé en Palestine, Farron s’engage (lui et son parti) très avant sur le chemin d’un soutien accru à Israël. Voilà ce qui arrive lorsqu’on lit trop de contes bibliques. Il dit avoir l’intention de visiter Israël et la Cisjordanie pour la première fois cette année. Il ferait mieux de se taire jusqu’à ce qu’il ne découvre par lui-même les horreurs de l’occupation, de la dépossession et de l’oppression commises par Israël à l’encontre des musulmans et des chrétiens palestiniens ; ainsi que l’enfer du blocus subi à la fois par Gaza et par la Palestine – en effet, les Palestiniens [5] mènent eux aussi une vie misérable, emmurés dans les vestiges déchiquetés de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Il devrait se frayer un chemin à travers les ruines de Gaza et réfléchir à qui sont les véritables victimes. Il devrait prendre un café avec l’ancien Premier ministre de Gaza, Ismaël Haniyeh, puis se demander qui sont les véritables agresseurs. Tim Farron a dit au Jewish Chronicle qu’il comprenait l’importance de la pratique religieuse ; eh bien, en Terre sainte, il verra les effets écœurants du détournement de la religion [6]. Espérons que cela puisse faire éclater la bulle confortable et hautaine qui renferme le monde merveilleux de M. Farron.
En tant que chrétien qui a besoin qu’on lui explique les choses de la vie, c’est l’Église qui devrait lui faire visiter la Terre sainte – l’Église catholique de préférence, car elle est très présente sur place et possède probablement les meilleurs services de renseignement au Moyen-Orient. Je parie cependant que ce voyage, tous frais payés, se conformera au lavage de cerveau habituel à destination des Amis d’Israël organisé par le ministère israélien des Affaires étrangères. Tim Farron reviendra chez lui avec un sionisme gonflé à bloc et des mensonges plein la tête.
Le nouveau chef des Libéraux-démocrates a donc tout ce qu’il faut pour devenir un larbin à la solde de l’État hébreu. Il aura alors nombre de points communs avec ce fou de sioniste autoproclamé et adorateur d’Israël, notre Premier ministre va-t-en-guerre David Cameron. Malgré les crimes de guerre continuellement perpétrés par Israël – surtout ceux commis pendant les cinquante et un jours qu’a duré l’attaque de l’été dernier contre les femmes et les enfants de Gaza –, en ce qui concerne le gouvernement Cameron et les transactions dans le domaine militaire : les affaires sont les affaires.
Sa dernière mission est d’acheter encore plus de drones pour contrer l’État islamique. Combien peut-on parier qu’il signera un accord réciproque avec la société israélienne Elbit [7] ? Il a probablement à cœur d’apaiser le régime israélien suite aux manifestations et à l’occupation d’une usine de l’entreprise située dans le comté du Staffordshire, soupçonnée de fournir des moteurs pour les drones Hermes fabriqués par Elbit et utilisés pour terroriser et massacrer les civils palestiniens et gazaouis.
Penchons-nous maintenant sur la description du drone kamikaze de la société israélienne d’aérospatiale Harop : il rôde au-dessus de sa cible avant de plonger sur elle comme un missile. Une fois lancé, impossible de l’arrêter !
Est-ce le nouveau joujou que M. Cameron va offrir à ses « tueurs en fauteuils » [8] ?
Voilà pour les mauvaises nouvelles. Passons maintenant à quelque chose de plus rafraîchissant.
Le défi que Corbyn doit relever promet d’être amusant
Le parti travailliste se cherche lui aussi un nouveau chef après la chute annoncée d’Ed Miliband. Dans la course qui s’est ensuivie, un outsider non conformiste a pris la tête des sondages en devenant la nouvelle attraction politique [9]. Militant pacifiste de la première heure réélu député depuis trente deux ans et militant pro-palestinien très en vue, Jeremy Corbyn va certainement susciter un grand émoi s’il parvient à la victoire. Andy Burnham et Yvette Cooper, les autres favoris qui ont contribué de façon spectaculaire à la défaite du parti lors des dernières élections, ont tous les deux voté en faveur de la guerre en Irak, puis contre la proposition d’une enquête sur celle-ci (selon theyworkforyou.com). L’intrusion de Jeremy Corbyn suscite donc la panique chez les barons travaillistes qui menacent d’annuler les élections internes au parti.
Il va sans dire que les médias dominants travaillent à fond pour le dézinguer. Qualifié par un torchon conservateur de « socialiste barbu à faire fuir les électeurs », il est clair que Corbyn inquiète la droite et les israélophiles [10]. Un gros titre du Telegraph s’écriait :
« Jeremy Corbyn, ami du Hamas, de l’Iran et des extrémistes […] S’il gagne, le Parti travailliste sera dans une position jamais vue : avoir un chef au Parlement présentant les relations les plus développées avec des terroristes. »
The Independent signale que les députés travaillistes fomentent un putsch contre Corbyn, ceci avant Noël, dans le cas où il arriverait à la tête du parti et que quelques-uns des membres du cabinet fantôme existant souhaiteraient le suivre.
La vidéo « Jeremy Corbyn : Je voulais que le Hamas fasse partie des négociations » montre la tentative du plastronnant Krishnan Guru-Murthy, de la chaîne Channel 4, d’humilier Jeremy Corbyn en lui demandant sans cesse si les membres du Hamas étaient ses « amis ». Le Hamas et le Hezbollah ne sont certainement pas les ennemis de la Grande-Bretagne... Alors quel est le but de Krishnan ? Rappelons que le Hamas a été mis en place à la fin des années quatre-vingts, dans le but de résister à l’occupation brutale et illégale de la Palestine par Israël. Depuis 2006, il représente le pouvoir démocratiquement élu, mais reste pour l’instant confiné dans la bande de Gaza, du fait de la tentative de renversement opérée par les perdants du Fatah, de mèche avec Israël, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Le Hezbollah fut créé suite à l’invasion du Sud-Liban par Israël en 1982, afin de résister à l’occupation permanente et aux agressions israéliennes ultérieures, y compris lors de la guerre de 2006.
Le Hamas n’est une organisation terroriste qu’aux yeux des alliés d’Israël, à la différence du reste du monde. Comme le Telegraph devrait le savoir, la branche militaire du Hamas (les Brigades Izz al-Din al-Qassam) est interdite au Royaume-Uni, mais pas sa branche politique ; le Hamas devrait donc être logiquement inclus dans les négociations de paix. La même chose vaut pour le Hezbollah, qui détient des sièges au Parlement libanais. Le véritable problème se trouve dans la soumission des conservateurs et des travaillistes (ainsi que de nos médias dominants) à Israël et à son expansionnisme. On dit que 80 % des députés conservateurs britanniques – qu’ils siègent à Westminster ou à Bruxelles – sont membres des « Amis d’Israël » [11] et ne feront rien qui puisse froisser ce régime voyou, ni faire dérailler ses desseins malfaisants.
Notez que le gouvernement britannique ne lèverait pas le petit doigt pour briser le siège qui écrase Gaza depuis huit ans, ni pour protéger les flottilles humanitaires des attaques de l’armée israélienne ; cependant qu’il déverserait allègrement un tapis de bombes sur la Libye, la Syrie ou n’importe quelle autre cible désignée par l’axe États-Unis/Israël.
La lutte contre Israël constitue-t-elle la raison d’être du Hamas et du Hezbollah ? L’Occident déplore qu’ils soient soutenus par la Syrie et l’Iran, d’où l’hostilité de nos politiciens et de nos médias. Et après ? Israël, l’Arabie saoudite et d’autres régimes peu recommandables sont grandement soutenus par les États-Unis...
Jeremy Corbyn n’est pas né de la dernière pluie. Son apparition sur la scène politique pourrait se révéler aussi amusante qu’immensément importante.