Un méchant coup de froid souffle sur la relation entre Israël et la Pologne depuis l’adoption, vendredi, par la Diète, d’un projet de loi visant à pénaliser l’acte d’imputer à la nation polonaise des crimes commis contre les Juifs, sur son territoire, durant la seconde guerre mondiale.
Le texte, qui doit encore être approuvé par le Sénat et ratifié par le président, bannit en particulier l’évocation de « camps de la mort polonais » et réprime le fait de « réduire délibérément la responsabilité des véritables responsables de ces crimes ». Le Premier ministre israélien a vigoureusement réagi samedi soir en sommant son ambassadeur à Varsovie de solliciter sans attendre un rendez-vous avec son homologue, Mateusz Morawiecki.
« Cette loi n’a aucun sens, a dénoncé Benyamin Nétanyahou, et je m’y oppose fermement. L’Histoire ne peut être modifiée et nul n’a le droit de nier l’Holocauste. »
Le chef du parti centriste Yaïr Lapid, dont le père fut un survivant de la Shoah, a été le premier responsable israélien à réagir samedi sur Twitter.
« Je condamne fermement cette nouvelle loi qui tente de nier la complicité polonaise dans l’Holocauste. Celui-ci a été conçu en Allemagne mais des centaines de milliers de Juifs y ont été tués sans avoir jamais rencontré un soldat allemand », a-t-il dénoncé, avant d’affirmer : « Il y a eu des camps de la mort polonais et aucune loi ne peut rien y changer. »
L’ambassade de Pologne à Tel Aviv a aussitôt répliqué sur son compte Twitter : « Vos affirmations sont insupportables et montrent à quel point il est nécessaire de renforcer l’enseignement de l’Holocauste, y compris ici en Israël ». Elle a aussi précisé : « l’intention de ce projet de loi n’est pas d’effacer le passé mais de protéger la vérité face à de telles calomnies. »
Le gouvernement de Mateusz Morawiecki affirme vouloir réparer ce qu’il présente comme une injustice historique en combattant les « mensonges » énoncé sur le rôle du peuple polonais durant la Seconde Guerre mondiale.
« Chaque jour, dans le monde entier, l’expression “camp de la mort polonais” est utilisée – ce qui revient à attribuer aux Polonais les crimes de l’Allemagne nazie », a plaidé vendredi le ministre adjoint de la Justice, Patryk Jaki.
En août dernier, l’ambassadeur polonais auprès d’Israël avait décrit dans les colonnes du journal Haaretz le projet de loi en gestation comme « un outil dans la bataille mondiale contre la négation de l’Holocauste ». Mais les détracteurs de ce texte, en particulier en Israël, soulignent qu’il fait peu de cas des pogromes meurtriers commis par des Polonais et documentés depuis lors par les historiens. Ils soupçonnent le gouvernement conservateur nationaliste de chercher en réalité à réécrire l’histoire.
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Les condamnations se sont multipliées de tous côtés, y compris parmi les députés arabes de la Knesset.
Ayman Odeh, chef de file la Liste arabe unie, a ainsi affirmé : « La décision du gouvernement polonais est honteuse et dangereuse. La négation de l’Holocauste nous rappelle les heures les plus sombres de l’histoire... »