La Suisse fédérale est souvent citée comme un exemple de démocratie directe. Parmi les outils à disposition du peuple pour exprimer son opinion indépendamment de ses instances représentatives, on compte le système d’initiatives populaires [1].
Ce système permet à des comités de citoyens de proposer des modifications législatives et même constitutionnelles. Les propositions sont ensuite éventuellement soumises à l’acceptation du Parlement et du peuple directement.
L’association « Marche Blanche » [2], orientée vers la protection des enfants contre la pédophilie, avait déjà rencontré un succès populaire notable en 2008. Le peuple avait validé sa proposition de rendre imprescriptibles les crimes de pornographie infantile (51,6 % des votes favorables), et ceci malgré un avis négatif du gouvernement [3].
L’association avait alors lancé une autre initiative, qui visait à interdire définitivement aux pédophiles condamnés l’accès à un certain nombre de métiers supposant des rapports aux enfants ou aux personnes vulnérables. Notons que le sulfureux Oskar Freysinger est membre du comité de cette deuxième initiative.
L’étape de validation de l’initiative par une des chambres parlementaires suisses, le Conseil national, le 21 mars dernier (82 voix pour et 79 contre, 14 abstentions) marque un pas décisif vers l’adoption de cette seconde initiative [4].
Comme pour la première, l’opposition au projet parmi les politiques a été le fait quasi exclusif des équivalents helvétiques de notre gauche gouvernementale, c’est-à-dire les Verts et le parti socialiste (retrouvez la liste des votants « non » sur resistantcitoyen.blog.tdg.ch).
Les causes de refus invoquées diffèrent. Certains critiquaient la nature constitutionnelle de la proposition. D’autres encore ont tenté de s’opposer au fond du projet, en le jugeant répressif, extrémiste, ou encore imprécis, comme l’affirmait le député socialiste Carlo Sommaruga.
Ce dernier est un opposant de longue date aux initiatives de la Marche Blanche. Bousculé en 2005 de toutes parts pour avoir tenu des propos jugés complaisants, il avait été atteint d’une crise hallucinatoire de cathophobie, et avait déclaré que la pédophilie était « un problème social qui a été occulté par les secteurs conservateurs et surtout par la culture catholique » [5].
La protection des enfants est une valeur qui importe au peuple suisse, et celui-ci a donc les moyens de faire entendre sa voix.
Si en France le referendum n’était pas réservé à la volonté du chef de l’État, mais était aussi potentiellement impulsé par des initiatives populaires, on se demande si le gouvernement actuel pourrait avec aisance nous imposer ses « progrès démocratiques » [6].
Même s’ils s’appuient sur un système complet de propagande médiatique, l’abjection et le mensonge demeurent parfois moins partagés que le bon sens.