J’étais au courant du choix de Trump pour l’ambassadeur à Tel Aviv dix jours avant qu’il soit annoncé ; cela m’a donné le temps de discuter de cette nomination avec des Palestiniens et des Israéliens, ainsi qu’avec des diplomates russes. La nomination de David Friedman a horrifié les Israéliens progressistes, a ravi les militants palestiniens, a déboussolé les officiers israéliens et palestiniens, et a ouvert un fossé parmi les juifs américains. D’un coup, magistralement, Donald Trump a fait plus de dégâts que tout ce qu’on pouvait envisager. Si vous n’avez pas de temps pour voir ça en détail, je vais vous dire : c’est une excellente nouvelle pour la Palestine et les Palestiniens, et cela peut permettre à Trump de sauver sa peau…
Depuis des années les « libéraux » israéliens ont perpétré une supercherie (en anglais, oui, j’ai bien dit hoax), disant « combattre l’occupation » et souhaitant diviser la Palestine historique en deux États, l’un juif et l’autre palestinien. Les officiels israéliens ont passé des années et des années à négocier avec les Américains, avec le Quartet, avec l’Autorité palestinienne, et n’ont absolument rien donné en échange du temps que cela leur faisait gagner. Des millions de dollars, provenant des contribuables européens et américains, ont permis à ces négociateurs de se la couler douce. Comment les Israéliens ont-ils obtenu ce résultat glorieux (pour eux) ? C’est grâce aux Israéliens dits progressistes ou libéraux. Sans la complicité de ces gens-là, les nationalistes juifs modérés de Bibi Netanyahou auraient été incapables d’engloutir et de digérer la Palestine, lentement et sûrement, en paix, une bouchée après l’autre.
Chaque année ils confisquent quelques km2 stratégiques, et y installent quelques milliers de colons. Pas à pas, ils ont dévoré la Palestine comme les souris viennent à bout du fromage. Et maintenant ils sont sous le choc : leur mode de vie enchanté va bientôt s’évanouir, parce que leur escroquerie est dévoilée.
Les nationalistes juifs purs et durs ont toujours voulu annexer la totalité de la Palestine. Les modérés et les libéraux pensaient que cela ferait imploser l’État juif, parce que dans le nouvel État les juifs auraient du mal à rester majoritaires. Il y a des statistiques diverses, et des conclusions différentes, mais selon le décompte le plus optimiste pour les juifs, ils représenteront 50 % de la population. L’État unique ne serait donc pas juif, ou bien il ne serait pas démocratique, voilà la réponse habituelle. Les nationalistes rétorquaient : « On verra. Gardons le cap, et nous saurons gérer la situation ».
Les gentils salopards modérés et leurs crypto-partisans répondaient de leur côté : « Nous en serions ravis, mais c’est l’Amérique qui ne nous le permet pas ». Et les Américains fournissaient aux juifs israéliens, docilement, un alibi : « Effectivement, nous ne vous permettrions pas d’annexer la Palestine, oui, nous voulons que vous acceptiez de négocier en vue de la solution à deux États ». Tout ça, c’est dépassé désormais.
Si les juifs annexent la Palestine, c’en sera fini aussi de leur long subterfuge en termes d’occupation et de « lutte contre l’occupation ». Ce faisant, ils donneront aux Palestiniens l’égalité des droits, y compris le droit de voter à la Knesset, et là il y aura bien un pouvoir partagé, avec d’autres fruits de la démocratie. S’ils ne donnent pas des droits égaux aux Palestiniens, il y aura un enjeu simple et clair pour lequel nous battre : précisément cela, l’égalité des droits et la liquidation des vestiges de l’apartheid.