Oui, le journalisme est utile. Mais pas forcément celui que les invités de ces Assises prônent, et qui va tranquillement dans le mur.
« 250 intervenants. 90 ateliers, débats ou workshops. 90 espaces de discussions pour confronter les points de vue, formuler des propositions. Les sujets ne manquent pas cette année : la lutte contre les fake news (La ministre de la Culture viendra nous en parler) la place des femmes dans les rédactions, le journalisme porteur de solutions… Et tout au long de ces Assises, mettre en débat « l’Utilité du journalisme ». Son utilité dans la société. Une grande enquête nationale, avec l’Institut ViaVoice, viendra éclairer nos débats. »
Rien que l’intro du raout quart-mondain fait sourire : à peine commencé, la collusion médiatico-politique frappe tout esprit d’indépendance de plein fouet. Comment s’en sortir, alors que la presse pâtit justement de cette soumission à l’ordre dominant qui passe par les hommes politiques mais qui provient du pouvoir profond ?
Le pire, c’est qu’ils s’entêtent et qu’ils visent les mômes :
« Toujours plus de place pour l’Éducation à l’Information ! Un enjeu majeur pour chacun de nos enfants. Grâce au CLEMI, plus de 1 000 collégiens et lycéens sont déjà inscrits. : Faire de la radio ou de la télé, apprendre à s’informer, regarder des documentaires, le programme est riche ! Sans oublier nos expos. »
Le CLEMI, on en a déjà parlé, c’est cette abominable propagande dans la forme et dans le fond destinée aux enfants pour qu’ils n’aillent pas jeter un œil curieux sur la « mauvaise » information, celle qui structure l’esprit, entretient le doute et rejette la monumentale et permanente fake news d’en haut.
Pour les organisateurs des Assises de Tours, la nouvelle information n’est pas la réinfosphère mais bien ces « nouveaux » médias d’opposition de façade que sont Le Média (des vieux trots), La France Libre (des vieux droitards sionistes) et autres Ebdo (déjà en galère depuis le lâchage d’un gros investisseur), Loopsider de Johan Hufnagel (ex-Libé) ou AOC (Analyse, Opinion, Critique) du lénifiant Sylvain Bourveau (pardon, Bourmeau, des Inrocks).
On rappelle que Le Média de Gérard Hypnotiseur-de-jeunes-filles Miller va dans le mur – le journaliste Gaël Brustier vient de quitter le navire en perdition –, que La France Libre n’est que la version nationaliste du sionisme de droite qui se répand en France, et que l’Ebdo s’est lancé sur un scoop aussi énorme que glandilleux, une accusation de viol à l’encontre du ministre Nicolas Hulot, qui a déclaré qu’il ne « pardonnerait jamais ». On peut le comprendre.
Elle est belle, la « nouvelle » presse !
Pendant que tous ces nantis du journalisme se grattent la tête ensemble pour savoir comment ne pas couler à leur tour, de l’autre côté du fleuve, des niches d’information voient le jour, poussent comme elles peuvent et trouvent des modèles économiques originaux. C’est le cas d’E&R, comme vous le savez. Même durement touchés par l’oligarchie et ses relais – les journalistes pré-cités, les juges aux ordres et les membres influents des réseaux de pouvoir –, nous sommes encore en vie et produisons de l’information, politique qui plus est.
À ce titre, nous devrions être invités au grand banquet des léopards de Tours mais voilà, le carton n’est jamais arrivé. Probablement un vol au tri postal, peut-être qu’un contrat privé (un non titulaire) de La Poste a trouvé l’invitation insolite, ou jolie, et l’a affichée chez lui. Ou peut-être que cette invitation n’est jamais partie...
Dans le rapport annuel de l’Observatoire de la déontologie et de l’information, que vous pouvez trouver ici, il y a de sacrées perles.
On sent bien que derrière le vocable fake news se cache quelque chose de l’ordre de la nouvelle concurrence de l’information venue du Net, moins chère, plus fiable et plus durable. C’est en quelque sorte un produit cher et périmé qui serait percuté par un mélange de produit chinois et allemand, chinois pour le bas prix, allemand pour la qualité. Imparable, et mortel à très court terme.
Quant au paragraphe suivant de l’intro du rapport, il est à proprement parler ahurissant : ce sont les mêmes qui servent de relais aux manipulateurs de l’info qui proposent de créer un organisme de régulation de cette même info frelatée... Bonjour la schizophrénie, bonjour le déni ! Ils se proposent même de choisir les « experts » de cette « instance d’autorégulation tripartite et indépendante » ! Soit le misérable Décodex en plus démocratique...
Tout y passe, dans ce rapport, la critique des « paniques identitaires » (en gros quand la Toile s’affole sur un sujet que la presse mainstream méprise), le media bashing (avec comme exemple de persécutée l’immense journaliste Marine Turchi, spécialiste du FN – c’est-à-dire de la propagande antinationale – à Mediapart), en des temps où, il est vrai, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon font leur pelote sur le dos des journalistes... alignés. Tout se paye !
Les vrais nouveaux médias sont présentés comme le diable. Un diable qui vomirait des « rumeurs », de la « désinformation » du matin au soir, des néomédias incapables de fact-checking (vérification des faits, la pauvre lubie à la mode) ou de désintox, en général produits par des stagiaires ou des abrutis vaniteux tout droit sortis d’écoles de journalisme à la limite de l’arnaque.
Regardez le tir groupé des « experts » qui vont débattre du thème « Face à la désinformation : utilité publique et limites du fact-cheking » ce matin du vendredi 16 mars 2018 :
« Avec Romain BADOUARD, maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise et auteur de Le désenchantement de l’Internet : désinformation, rumeur et propagande, FYP Éd., 2017 ; Vincent COURONNE, docteur en droit public de l’Université de Versailles, fondateur du site internet Les Surligneurs ; Alexandre POUCHARD, responsable adjoint des Décodeurs, au journal Le Monde ; Nikos SMYRNAIOS, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Toulouse, et coordinateur du rapport sur l’expérience CrossCheck. »
Mâtin, quel plateau ! Avec tous ces surdiplômés éloignés du terrain, ça va voler haut ! Sinon, dans le colloque intitulé « Harcèlement et place des femmes dans les rédactions : quelles initiatives ? », on a retrouvé Sandra Muller, la femme qui a inventé Balance Ton Porc et qui a failli se faire chourer son tiroir-caisse :
« Avec Lauren BASTIDE, journaliste, productrice et porte-parole de Prenons La Une ; Marie-Christine LIPANI, maître de conférences à l’IJBA – Université Bordeaux Montaigne et auteure de Accès réservé. Le pouvoir au sein des quotidiens régionaux : une histoire de mâles, Éd. L’Harmattan ; Florence MÉRÉO, journaliste au service société du Parisien, signataire de l’appel des 77 femmes du Parisien pour dénoncer l’absence de femmes dans la rédaction en chef et membre du collectif des femmes du Parisien ; Sandra MULLER, directrice de la publication de La Lettre de l’Audiovisuel, créatrice du hashtag #balancetonporc. Animé par Yolaine de LA BIGNE, chroniqueuse sur Sud Radio et auteure de Sois belle et bats-toi ! – Manifeste féministe des femmes féminines, Éd. de la Martinière. »
Ah, enfin ! Ces journalistes-femmes vont sûrement aborder le cas « Haziza » et lui régler son compte, car ce harceleur continue à toucher de l’argent public par la chaîne LCP, où il a conservé son émission malgré les faits avérés d’agressions sexuelles répétées. Il touche les fesses et le pognon, le beurre et l’argent du beurre, le sagouin !
Le journalisme c’est ça : oser aller vers la vérité, quelles que soient les conséquences. On verra si nos confrères tourangeaux (pour un grand week-end) qui ont de la déontologie et de l’indépendance plein la bouche iront jusqu’au bout de leurs principes. C’est le moment de vérité !