La section Santé d’Égalité & Réconciliation réunit des professionnels actifs couvrant à peu près tous les secteurs de la santé (praticiens médecins ou non médecins, journalistes, auteurs, chercheurs) qui se donnent pour ambition d’être les sentinelles des dérives du système de soins moderne. La section Santé se veut aussi un outil pragmatique présentant des solutions concrètes pour rester en bonne santé.
Le cancer est la première cause de mortalité chez les hommes, et la deuxième chez les femmes. Il s’agit donc bien d’un sujet central en matière de santé. Beaucoup d’argent a été englouti dans des plans cancer successifs, en France comme aux États-Unis. Beaucoup d’effet d’annonce et beaucoup de réjouissances sur les progrès à venir et les espoirs de traitement de cette maladie emblématique. Mais pour quels résultats finalement ? L’heure du bilan a sonné, et il est temps de mesurer les réelles améliorations en termes de survie, et en termes de qualité de vie.
La récolte est bien maigre. En effet, dès lors que l’on ajuste les chiffres en tenant compte des modifications démographiques, accroissement ou vieillissement de la population, la réalité apparaît. Réalité dure à admettre, mais réalité chiffrée : la chute de la mortalité est inférieure à 5 %, sur une période de 50 ans, et sur un ensemble de 40 pays occidentaux ! [1]. Pas de quoi fanfaronner avec de tels résultats, et aucun « progrès de la médecine » en vue malgré les bonnes volontés. Pourtant, en dépit de ces piètres résultats, le cancer est, avec la vaccination, le deuxième grand tabou auquel il ne faut pas toucher si on veut s’épargner les foudres de la bien-pensance médicale. Même les revues indépendantes de santé dites alternatives ne s’y risquent pas, et se cantonnent simplement à la gestion de l’après-traitement [2]. Mais par respect pour les malades, à qui nous devons plus de transparence sur ce qui les attend, nous allons nous y coller.
Nous nous proposons de traiter ce sujet difficile en trois parties. Une partie chronologique sur les illusions servies au grand public, qui contrastent cruellement avec le néant des avancées thérapeutiques. Un vernis qui peut donner un temps à l’observateur extérieur la sensation que la science et la médecine maîtrisent leur sujet, mais nous verrons que le vernis craquelle vite dès lors que l’on s’approche d’un peu plus près, et encore plus vite si l’on est concerné. Puis une deuxième partie plus conséquente, à notre sens passionnante, sur les évolutions de la manière de penser le cancer, sur les modes thérapeutiques et les déconvenues de la recherche en cancérologie, pour mettre en lumière que nous ne savons toujours rien sur la cellule cancéreuse, pas plus les Prix Nobel que les Centres Cancer. Mais nous présenterons aussi les résultats irréfutables de chercheurs indépendants dont les travaux pourtant publiés n’ont malheureusement pas été suivis. Et une dernière partie, que nous espérons plus pratique, pour aider les bien-portants à le rester. Pour aider les malades, et les familles des malades, à établir avec discernement et recul, la meilleure stratégie possible pour eux-mêmes. Et nous l’espérons pour redonner espoir.
Première partie : Nous allons vaincre le cancer (? !)
Une connaissance vieille de 4 500 ans
2 500 ans avant JC, Chakara, un célèbre sage hindou classifiait les tumeurs en deux catégories. Il distinguait « arboda », les tumeurs bénignes, d’une part, et « ghataka », les tumeurs malignes, de l’autre. Notre sage conseillait de ne traiter QUE les tumeurs bénignes. Était-ce une façon de souligner l’importance de la prévention et de baliser les limites d’intervention humaines possibles ? Mais c’était il y a 4 500 ans. Depuis, nous pouvons imaginer que nous n’en sommes plus là.
Mille ans plus tard, on retrouve en Égypte la trace retranscrite du plus ancien cas connu de cancer : un cancer du sein. Ainsi, on apprend grâce au Papyrus Ebert, qu’il n’existe à cette époque aucun traitement à proposer au malade, sinon palliatif. Si l’on s’en réfère au déchiffrage du papyrus, la technique d’ablation chirurgicale de la tumeur était d’ailleurs tout à fait analogue aux techniques actuelles. Mais ça, c’était il y a 3 500 ans. Nous pouvons nous attendre aujourd’hui à un arsenal thérapeutique efficace.
Encore plus tard, en 490 avant JC, Alossa, reine de Perse, se découvrit une tumeur. Par crainte du cancer, elle la fit ôter par un esclave grec. Il ne s’agissait pourtant que d’un abcès. Cet interventionnisme, il y a 2 500 ans de cela, est l’exemple type d’actions inconsidérées, motivée par la terreur du cancer. Cette maladie mène très souvent au même genre d’excès encore aujourd’hui, tant du côté des patients que de celui du personnel soignant.
La cascade des prophéties médicales
Plus proche de nous, au cours de ses études, le doyen de notre section Santé se souvient de la lecture d’un livre déjà ancien sur le sujet, puisque datant d’avant la guerre de 14. On y annonçait avec triomphalisme que le cancer serait vaincu dans les… deux ans ! Mais ça, c’était il y a 100 ans. Aujourd’hui, nul doute que la cancérologie a fait de grands bonds en avant, que l’on imagine proportionnels aux fonds injectés dans la recherche.
Plus tard encore dans les années 60, on pouvait lire dans Médecine Praticienne, revue qui a sans doute disparu depuis, à l’occasion d’un numéro de fin d’année, un article qui se risquait à quelques pronostics sur le développement de la recherche médicale. Parmi les plus audacieuses prévisions de ce Nostradamus médical figurait la guérison de cancer, prévu pour...1985 !
Le saint Graal de la cancérologie ou l’imminence de la solution
La littérature médicale internationale se rassure sans cesse par la présence des fameux opérateurs grammaticaux de la langue anglaise. Les auteurs emploient généralement de prudentes conjonctions, écran de fumée fort utile qui masque l’absence de résultat. Le fantôme rassurant du wishfull thinking, le tutélaire « vœu pieux » ne coûte pas grand-chose finalement. On dit bien que les promesses n’engagent que ceux qui y croient... Il sera ainsi fait un usage généreux de formules évasives (sous réserve, à condition, peut-être) qui finissent par endormir la vigilance et attendrir la vérité. À leur lecture, la solution est toujours imminente et l’on n’a jamais été aussi proche de découvrir un traitement. « Chers lecteurs, chers malades », lit-on en substance, « encore un peu de patience, on est presque arrivé ». C’est une constante, un optimisme béat illumine la plupart des millions de publications au fil des ans. Et des parutions, il y en a ! Pour la seule période entre 1970 et 2000, on ne compte pas moins de 10 000 000 articles « scientifiques » sur le cancer.
Les malades en revanche se heurtent vite à la dureté du principe de réalité. Il semblerait bien que cette solution imminente ne soit malheureusement jamais atteinte, à l’image de cette métaphore du poète Jean Richepin décrivant l’horizon qui s’éloigne chaque matin, pour ne jamais être atteint le soir. Une perspective moins réjouissante qui change fondamentalement la vision des choses. Les promesses, généreuses et gratuites, sont hélas rarement suivies d’effets positifs sur la santé. Les paramètres conditionnels qui y sont accolés ressemblent à s’y méprendre à la ligne écrite en tous petits caractères au bas de la page de votre contrat d’assurance. Il y a si souvent en effet, une ou deux closes discrètes faisant en définitive que nous serons très mal remboursés... L’incontournable vedette de ces accessoires de sécurité est sans conteste la formule « Le problème reste encore mal compris ». (Traduisez par « On n’y comprend rien »). Cette close apparaît immanquablement depuis qu’il existe une littérature scientifique. Il existe donc bel et bien un saint Graal de la cancérologie, dont le scénario monotone est toujours le même : il est là, il est tout près, encore un peu de temps et nous toucherons au but. Quel malade n’a pas entendu « On fait des progrès tous les jours, on espère que vous aussi en profiterez bientôt ». Mais vous avez compris qu’il ne fallait pas être trop exigeant sur la validité des promesses.
La pauvreté des moyens disponibles
Est-ce que les fausses promesses sont de véritables mensonges ? Le menteur y croit-il lui-même ? Les faits en tout cas sont souvent invisibles, habilement enveloppés sous le manteau de la statistique. Il existe un gouffre abyssal entre l’apparence de sérieux et de maîtrise du phénomène cancer tel qu’il nous est servi dans les émissions grand public , – blouses blanches, ton docte et gros plan de microscopes – , et la terne réalité vécue par les malades. Idem pour les publications scientifiques. Ce que l’abondante littérature masque en réalité, c’est bien la pauvreté des moyens disponibles. D’honnêtes chercheurs en ont pourtant constamment rendu compte au cours de l’histoire. Harden Jones, à la suite d’une vaste étude portant sur divers type de cancer, concluait en 1956 :
« Le plus vraisemblable, c’est que, en matière d’espérance de vie, la chance de survie n’est pas meilleure avec que sans traitement, et il est possible que le traitement réduise l’espérance de vie ».
Harden Jones rejoignait par cette constatation dérangeante, et au delà des siècles, le conseil avisé de Chakara, notre sage hindou. L’écrasante majorité des études n’apportent rien de nouveau. Voici pour illustrer notre propos, un autre extrait datant de 1967, très révélateur de l’entretien volontaire ou non, de ce langage creux dans la littérature médicale sur le cancer :
« Aujourd’hui, les patients atteints d’un cancer de l’estomac peuvent espérer une guérison à condition que la tumeur soit confinée au seul estomac, et à la condition que le chirurgien soit compétent pour faire ce qu’il faut pour la retirer toute entière ». C.S. Cameron [3]
La conclusion de Camerone se veut rassurante, mais se révèle en réalité bien niaise au lecteur qui se donne la peine de lire entre les lignes. À ce compte-ci, on pourrait tout aussi bien promettre à des sportifs du dimanche un bon espoir de gagner la compétition à condition...qu’ils y prennent part. Ce n’est pas plus absurde : en effet, pourquoi faudrait-il une chirurgie d’exception pour procéder à l’ablation d’une tumeur récente et de surcroît n’atteignant que l’estomac ? L’esclave de la reine Alossa y est bien parvenu, et sans avoir usé les bancs de la faculté de médecine. Tant qu’à faire, dans le même style, nous avons aussi la tirade de Brice de Nice : « Je sais nager...mais pas dans l’eau ». En d’autres termes : on sait guérir un « modèle théorique » de cancer, mais pas les cas particuliers rencontrés dans la vraie vie.
Continuons notre remontée historique. En 1975, c’est un membre de l’OMS cette fois, Logan, qui confirme Harden Jones, en résumant une étude globale du cancer du sein. En effet, Logan montre que malgré des traitements les plus radicaux, non seulement la mortalité n’a pas décliné, mais elle s’est au contraire probablement accrue. À la fin des années 70, plus explicite encore, Thomas Dao du département de chirurgie du Roswell Park Memorial Institute à Buffalo, abonde dans le même sens :
« En dépit de l’amélioration des techniques chirurgicales, des progrès en radiothérapie et de la vaste propagation de la chimiothérapie, la mortalité du cancer du sein n’a pas changé en 70 ans ».
De grands scientifique l’ont dit, l’ont publié, l’ont répété sans être entendus et sans provoquer le moindre changement dans la manière d’aborder le cancer. Il a fallu attendre cette prise de conscience courageuse du Lancet, lançant un pavé dans la marre par le biais d’un éditorial musclé paru en 1993 et intitulé « Cancer du sein : avons-nous perdu la guerre ? » [4].
La vérité est dans Vogue
On peut dire que cet éditorial fait date. Écrit comme une véritable confession, humble et réaliste, The Lancet pose en substance les états généraux de la cancérologie :
« Certains lecteurs peuvent être effrayés d’apprendre que l’ensemble de la mortalité par cancer du sein reste stable… Si l’on croit l’énorme battage médiatique, le triomphalisme de la profession dans les publications et les petits miracles claironnés par les fondations contre le cancer, on peut être surpris que les femmes meurent encore de cancer. Pourtant il a fallu que le magazine de mode féminin Vogue [5] attire l’attention sur la vérité inéluctable. La leçon la plus importante que nous avons à apprendre de cette morne période est la capacité extraordinaire de la profession à l’auto-illusion ».
Newsweek (numéro du 30 novembre 1998) reprend ensuite le flambeau de l’énoncé des faits sans double langage. Trente ans après la déclaration du chirurgien Thomas Dao, Newsweek ne laisse pas la place au moindre doute sur l’échec absolu des oncologistes états-uniens, dans une description minutieuse de la situation. En effet, en trois décennies, bien que le président Nixon ait hissé les couleurs et déclaré la guerre au cancer, et après que l’Amérique ait dépensé des milliards de dollars pour trouver de meilleures voies de destruction des tumeurs malignes, on y découvre consternés que le taux de mortalité reste hélas totalement inchangé. Ne nous décourageons pas. Allons encore plus avant avec notre machine à parcourir le temps pour découvrir les derniers développements de cette saga médicale à une période un peu plus récente. L’Hindustan Times du 31 juillet 2003 titre « La guerre contre le cancer est un travail de longue haleine ». L’article explique que, il n’y a pas si longtemps, la défaite du cancer paraissait inévitable (et donc la victoire… certaine !). On annonçait la fin des chimiothérapies aux horribles effets secondaires, grâce à l’émergence de molécules brillamment conçues, qui détruiraient seulement les cellules cancéreuses en laissant intactes les cellules normales. Malheureusement, le succès n’a encore une fois pas été au rendez-vous. Car si les molécules sont bien là, le cancer… aussi. Mais c’était il y a 15 ans, et nul doute qu’aujourd’hui les choses vont enfin changer.
On ne va pas vous guérir, mais vous accompagner
En effet, de la nouveauté, il y en a. Notre période contemporaine est marquée par un tournant conceptuel important introduisant un changement de perspective dans la formation des médecins. Si autrefois, la médecine cherchait à guérir, ce n’est plus le cas aujourd’hui. On apprend aux étudiants en faculté qu’il n’est pas possible de guérir, la guérison étant considérée comme un idéal inatteignable. Ainsi, les médecins dispensés de guérir, seront seulement formés à « accompagner » les malades. Un changement de paradigme qui se ressent dans les publications, et qui touche également le phénomène cancer. Lentement mais sûrement, on peut deviner que le cancer sera désormais de plus en plus présenté comme une maladie chronique avec laquelle il faudra négocier tout au long de sa vie. Cette évolution déplace le but de la recherche. La guérison est abandonnée pour une demi-mesure, dont les malades devront se satisfaire.
Pour exemple, la déclaration du docteur Leonard Saltz, expert de l’Institut Sloan-Kettering à propos du cancer : « Il sera malheureusement avec nous pour longtemps ! ». Et le Docteur Craigh Enderson de l’Université de Californie de rajouter : « La société dans son ensemble et la plupart des médecins ont une compréhension erronée de la situation ; ils croient en effet qu’en se réveillant un beau matin ils découvriront que le cancer est vaincu. Cela n’arrivera pas ». Ce que ces auteurs espèrent désormais, c’est de transformer le cancer en une sorte de maladie chronique, comme le diabète. D’ailleurs, le docteur Von Eschenbach envisageait avec beaucoup d’optimisme que cette stratégie de transformation du cancer, serait effective pour 2015. Mais c’était il y a trois ans. Nul doute que… Cette fois on ne peut plus y croire. Le planning devient vraiment trop serré. Aujourd’hui en 2018, sans surprise, on attend toujours. Il conclut : « Éliminer le cancer ? Pas dans un futur prévisible ».
Banqueroute scientifique
Ce tour d’horizon démontre l’incroyable capacité de la médecine à s’auto-persuader et à se congratuler pour des progrès qui n’en sont pas. C’est une évidence, les investissements gigantesques dans la recherche contre le cancer n’ont vraiment pas amélioré grand-chose en termes de survie, ni même en terme de qualité de vie. Les stratégies passées ont tout simplement échoué. On passe de la promesse de la guérison à la promesse de la bonne gestion de la maladie, concept qui resterait d’ailleurs à définir, avec deux conséquences à la clé. La fin de nos haruspices médicaux, qui devenaient à la longue pathétiques tout autant que lassants. Et le début d’un nouveau marché (ce qui ne va pas déplaire à Big Pharma), dans la mesure où chronicité du traitement rime avec chronicité des dépenses de santé. Comme quoi en cancérologie aussi, on transforme la guerre violente en une guerre de basse intensité !
Au fond, qui est vraiment dupe ? Toute l’hypocrisie grammaticale des publications scientifiques n’entraîne pas d’adhésion enthousiaste pour la bonne raison qu’elle n’est pas assortie de progrès dans le quotidien des patients. La vérité finissant toujours par transpirer, – ici dans la référence des magazines féminins, Vogue en l’occurrence –, la cancérologie perd peu à peu de sa crédibilité. À tel point que le prix Nobel J. D. Watson a qualifié la cancérologie de « banqueroute scientifique, médicalement inefficace et financièrement ruineuse ». Le pire étant peut-être que le chemin se poursuit jusque dans la tête des cancérologues eux-mêmes, qui malgré un discours de façade, ne peuvent que constater les dégâts réels. Pour preuve, cette enquête du Los Angeles Times. On y apprend que plus de 75 % des oncologues interrogés déclarent que s’ils avaient un cancer, jamais ils n’auraient recours à la même chimiothérapie que celle qu’ils prescrivent à leurs patients. À cause de son inefficacité et de son inacceptable degré de toxicité. Cynique ? Peut-être. Mais prévisible. À l’instar de la déclaration du médecin et ex-ministre Dominique Voynet dévoilant que les enfants les moins vaccinés se trouvaient être ceux des professions médicales. Car dès lors que l’on sait, on est alors en mesure de prendre les décisions qui s’imposent.