Sans qu’on y prenne garde, des indices d’explosion sociale imminente se sont accumulés en France ces derniers jours. Même si l’apparence du pays est celle d’une eau qui dort (socialement)…
Avant l’explosion sociale, des mouvements en-veux-tu-en-voilà
Plusieurs mouvements sociaux ont convergé cette semaine, qui avaient tous un point commun : protester contre des projets de loi qui portent des réformes « libérales », c’est-à-dire qui obligent notamment le service public à plus de productivité.
Le projet de loi Macron, le plus décrié dans le débat public, est de façon très significative celui qui a le moins mobilisé dans les rues. La manifestation du 26 janvier n’a rassemblé que quelques milliers de protestataires dans les rues. Essentiellement tournée contre le travail du dimanche, elle prouve que les salariés du secteur privé sont peu enclins, aujourd’hui, à descendre dans la rue.
La surprise est plutôt venue des autres cortèges.
Jeudi, ce sont les gaziers et les électriciens qui ont défilé. Ils étaient au moins aussi nombreux qu’à la manifestation contre la loi Macron. Ils dénonçaient la loi sur la transition énergétique, qui est accusée d’affaiblir le service public de l’énergie. Le même jour, les cheminots manifestaient contre la réforme ferroviaire et les suppressions d’emplois à la SNCF.
Ces mouvements de « rentiers », c’est-à-dire de profession protégée par un (quasi)-monopole aujourd’hui contesté par la loi, sont un bon indice d’une montée progressive de la grogne contre la transition dans laquelle la France s’engage.
Les routiers préfigurent-ils un grand mouvement de revendication ?
Autre phénomène caractéristique de l’époque : les routiers n’en finissent pas de bloquer les routes pour obtenir une revalorisation salariale substantielle. Ils demandent 5 %, leurs employeurs sont prêts à lâcher 2 % au maximum. Les uns bloquent les routes, les autres renâclent à négocier. Les Français obligés de prendre la route trinquent.
Au-delà du simple conflit traditionnel sur les revalorisations salariales, le mouvement des routiers constitue une très belle illustration d’une transition sourde dans le mouvement social en France.
Premier point : la branche du transport est l’une des rares où le salaire minimal revêt une telle importance. En réalité, les transports sont organisés sur un modèle corporatiste où le « tarif » est fixé pour l’ensemble des entreprises, et où les acteurs du secteur ne se font pas concurrence sur les salaires. On voit comment ce modèle est aujourd’hui à bout de souffle.
Second point : la revendication d’une augmentation de 5 % est hors norme, effectivement irréaliste par rapport à la réalité de l’inflation. Est-elle incompréhensible ? Beaucoup de Français aspirent probablement à une revalorisation substantielle de leur salaire, et rien n’exclut que, tôt ou tard, une demande générale sur le pouvoir d’achat ne fleurisse en France…