Le mardi 23 juillet 2019, l’Assemblée nationale a approuvé le CETA, le traité de libre-échange transatlantique entre l’Union européenne et le Canada. Nous assistons à cette volonté d’établir un marché transatlantique faisant du Canada le cheval de Troie des États-Unis via le TAFTA avec le Mexique en arrière-fond.
Les États-Unis, le Canada et le Mexique constituent un bloc économique appelé ALENA depuis 1994. Cette Union régionale en formation s’est réorganisée et renforcée dans le cadre de « l’accord Canada-États-Unis-Mexique » en novembre 2018 (ACEUM). Le Brexit entre dans cette configuration. En effet, il s’agit de faire, comme le rappelait en 1950 le fondateur de la Paneurope, Richard de Coudenhove-Kalergi « une Union atlantique (…) une fédération à trois avec l’Empire britannique comme pont entre l’Amérique et l’Europe ». [1]
Cependant, la difficulté réside dans le réglage d’énormes intérêts économiques, financiers et militaires. Théoriquement, ces intérêts multiples doivent être respectés des deux côtés de l’Atlantique. Nous disons « théoriquement » car les milieux anglo-saxons imposent leurs vues bien plus que les Européens. Pensons à l’extraterritorialité du droit américain dévastateur pour les économies des États européens obligés de déguerpir d’Iran en raison des pressions de Washington après son retrait de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien. Dans cette architecture, l’Angleterre ou, plus exactement, la City de Londres, doit faire la soudure entre ces deux mondes.
Rappelons que cette volonté d’établir un bloc transatlantique avait été annoncé dès 1912 dans le livre du Colonel House, éminence grise du président Wilson, Philip Dru administrator (chapitre 52), mais aussi en 1939 dans le livre de Clarence Streit, bourse d’études Cecil Rhodes, ouvrage intitulé Union now. À nouveau, cet « idéal » fut réaffirmé par le président Kennedy, dans son discours du 4 juillet 1962 :
« (…) Les États-Unis sont prêts à souscrire à une déclaration d’interdépendance, que nous sommes en mesure de discuter avec une Europe unie des voies et des moyens de former une association atlantique concrète (…). En recommandant l’adoption de la Constitution des États-Unis, Alexandre Hamilton disait à ses amis new-yorkais de ’’penser continentalement’’. Aujourd’hui, les Américains doivent apprendre à penser intercontinentalement (…) ».
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Même si les Anglo-Saxons mènent le bal dans cette affaire, n’oublions surtout pas que des rivalités internes existent dans ces milieux entre ceux voulant maintenir la pérennité du dollar et ceux promouvant une monnaie mondiale, appelée Phoenix (ou un autre nom), promue par la City de Londres. Dans son numéro de janvier 1988 [3],celle-ci affirmait :
« Laissons sa chance au Phoenix à l’horizon 2018 (ndla : « à l’horizon », cela s’appelle se laisser une marge de manœuvre) et, quand il arrivera, accueillons-le comme il se doit ».
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Une faction nationaliste américaine s’oppose à cette mesure voulant le maintien du dollar comme seule monnaie de référence. Une véritable bagarre existe entre la City de Londres et certaines grandes familles WASP américaines gérant la FED.
Enfin, dans la logique propre aux ambitions planétaires de la City de Londres, cette dernière a publié en septembre 1990, toujours dans la revue The Economist, son modèle de réorganisation du monde en blocs régionaux : Euro-América, Euro-Asia, Islamistan, Hinduland, [5] … Chose étonnante, l’Afrique subsaharienne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ne sont pas affichées sur cette carte. En toute franchise, nous n’avons pas de réponse à cette caractéristique. Remarquons aussi que des pays de l’Union européenne (Roumanie, Bulgarie, Grèce, Serbie, …) ont rejoint Euro-Asia. En revanche, nous pouvons relever, comme cela avait été déjà annoncé, un véritable bloc euro-atlantique avec une Angleterre faisant la jonction entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Le Brexit doit, si le projet va à son terme, s’insérer dans cette architecture.
Dans la conclusion de l’article de The Economist de septembre 1990, il est précisé :
« Ils (ndla : les Américains) auront toujours des intérêts puissants dans d’autres régions du monde, tout comme les Européens. Mais ces deux puissances doivent admettre qu’elles sont liées l’une à l’autre, plus qu’avec n’importe qui d’autre, et ce de manière permanente ».
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En 2019, nous sommes dans la dernière ligne droite devant aboutir à cette politique supranationale préparée depuis longtemps aux dépens des nations souveraines.
En conclusion, signalons la formule latine en bas à gauche de cette carte promouvant la réorganisation de la planète : « Haec tabula mundi vix seria est » que l’on peut traduire par « Cette carte du monde est à peine sérieuse ». C’est l’humour propre aux puissants … mais cela n’aura qu’un temps.