3- La création monétaire comme outil de domination
Hyper-inflation
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de constater une véritable explosion de la masse monétaire en France. Pour le mesurer, on utilise l’agrégat monétaire M3 (pièces, billets, dépôts, livrets et titres de court terme) seul à même de donner une image fidèle pour la France, les agrégats M1 et M2 étant comptabilisés au niveau de la zone euro entière. Ainsi, on constate qu’entre 1987 et aujourd’hui, la masse monétaire M3 est passée de 500 à 2550 milliards en euros constants, soit une multiplication par 5 ! En 1987, la masse monétaire représentait 60 % du PIB de la France, aujourd’hui elle culmine à 108 % du PIB. Ceci veut dire que la création monétaire n’a pas suivi la croissance de l’économie. Si tel avait été le cas, nous aurions une masse monétaire M3 égale à 1 440 milliards et non pas de 2 550 milliards comme c’est le cas aujourd’hui. Ceci nous donne donc un excès de création monétaire de 1149 milliards d’euros [1]. C’est absolument considérable.
Cette profusion d’argent nouveau dans l’économie a pour corollaire une hyperinflation, c’est-à-dire que la valeur de la monnaie se déprécie fortement. En effet, les prix des biens et services, à quantité de production égales, augmentent mécaniquement afin de s’ajuster au nouveau volume de monnaie en circulation. En d’autres termes, 10 euros aujourd’hui offrent un pouvoir d’achat bien inférieur à ce à quoi on pouvait prétendre en 1987 pour le même montant (65 francs).
Et du fait des choix politiques des différents gouvernements qui se sont succédés depuis une trentaine d’années, l’inflation ne se pas propage pas dans l’économie de manière uniforme, ce qui a pour conséquence une explosion des inégalités.
Des riches toujours plus riches...
L’adage est connu : on ne prête qu’aux riches. La possession d’actifs diminue le profil de risque de l’emprunteur. Nous l’avons vu avec la méthode de calcul de risque des banques, prêter aux riches est non seulement plus sûr mais coûte moins cher pour les banques. Les plus riches sont favorisés dans l’allocation du crédit et cela à des taux d’intérêts plus avantageux. Ces derniers, ont ainsi pu faire jouer à plein ce qu’on appelle l’effet de levier : l’acquisition d’actifs financiers et immobiliers se faisant presque exclusivement par l’endettement. Les revenus générés par ces actifs, rentes ou loyers, venant rembourser l’emprunt.
Le droit a accompagné, voire favorisé ce phénomène, dans l’immobilier avec l’utilisation de sociétés civiles immobilières (SCI) [2], dans l’entreprise via des holdings permettant des montages de type LBO [3], et enfin dans la finance avec les produits dérivés [4]. La création monétaire et donc l’inflation se sont donc dirigées en priorité vers les actifs financiers et immobiliers, un cercle vertueux se mettant en place : l’endettement crée une demande, les prix montent, ce qui attire de nouveaux acteurs, qui s’endettent à leur tour etc… Les politiques fiscales des différents gouvernements ont amplifié ce mouvement en multipliant les niches et les possibilités d’optimisation.
Ainsi, entre 1987 et aujourd’hui la valorisation boursière du CAC 40 a été multipliée par 20 [5], les prix de l’immobilier ancien à Paris par 6 [6] et la fortune des 500 Français les plus riches par 7 [7] ! Le nombre de millionnaires en France est en forte hausse : il dépassait les deux millions fin 2018.
...au détriment des classes inférieures
Avec le temps, l’effet richesse obtenu grâce à l’inflation du prix des actifs doit mécaniquement se résorber par le rattrapage des autres facteurs de production. L’inflation se diffusant progressivement dans l’économie par les échanges, elle finit par toucher uniformément l’ensemble de l’économie. Ceci nous permet d’affirmer que, même avec du retard, le coût du travail aurait dû rattraper le coût du capital. Or ce n’est pas ce que nous constatons. Depuis 1987 le SMIC mensuel, calculé en euro constant, n’a été multiplié que par 2.,3, passant ainsi de 637 à 1521 euros aujourd’hui [8]. Nous sommes très loin des multiplicateurs constatés pour les actifs financiers et immobiliers. Si le SMIC avait suivi la même progression que la masse monétaire, il s’établirait à 3248 euros.
Un tel scénario aurait immanquablement amené la France vers une hyperinflation généralisée et incontrôlée telle que l’a connue la république de Weimar dans les années 20, synonyme de destruction de valeur notamment pour les plus riches [9]. Dans de telles conditions, si l’organisation monétaire et financière en place veut se maintenir, le coût du travail doit être utilisé comme un contrepoids déflationniste afin de garder l’inflation sous contrôle. La politique de rigueur mise en place à partir de 1984 et qui a toujours cours aujourd’hui vise prioritairement cet objectif. Les salaires et les retraites sont comprimés tout d’abord par une indexation sur des chiffres qui sous-estiment l’inflation comme nous l’avons vu précédemment. Ensuite, par le gel du point d’indice pour les fonctionnaires, des pensions pour les retraités et des différentes allocations sociales.
Mais c’est surtout la politique d’immigration massive débutée dès la fin des années 70 et qui s’est amplifiée depuis, qui va avoir un impact décisif sur le coût du travail. Ce flux ininterrompu d’une immigration en âge de travailler a déséquilibré le marché du travail afin que, délibérément, la demande soit bien supérieure à l’offre. De cette manière, les salaires subissent une pression à la baisse qui neutralise l’ajustement au niveau d’inflation qu’ils auraient dû normalement connaître. Voilà pourquoi en parallèle de l’hypertrophie monétaire décrite plus haut, la France connaît sur la même période la présence d’un chômage de masse [10] que les manipulations statistiques cachent de moins en moins [11]. Un chômage de masse est la condition sine qua non du fonctionnement d’un système monétaire régi par l’argent-dette.
Cette relation entre chômage et inflation a d’ailleurs été théorisée par les économistes néo-libéraux dans le sillage de Milton Friedman via la théorie du NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment), c’est-à-dire, le taux de chômage minimum nécessaire à un contrôle de l’inflation. L’OCDE et le FMI ont calculé que celui-ci était égal à 9,2 % en 2014 pour la France [12]. Si on prend une définition non tronquée du chômage, c’est-à-dire, l’ensemble des personnes en âge de travailler qui ne travaillent pas, nous pouvons raisonnablement en conclure que ce taux se situe plus près des 20 % aujourd’hui en France.
Ce rôle crucial joué par le travail pour contrebalancer l’inflation induite par la création monétaire, explique qu’au-delà des déclarations de principe et des postures, aucune politique sérieuse ne sera mise en place pour combattre le chômage. Il en est exactement de même pour l’immigration. Les discours de fermeté ne sont qu’un leurre pour masquer en réalité une politique d’intégration toujours plus généreuse et de moins en moins exigeante quant aux critères requis pour intégrer notre société. L’incroyable bienveillance dont fait preuve l’État envers les migrants en leur payant l’hôtel, les soins et une allocation journalière, alors que dans le même temps de plus en plus de Français n’arrivent plus à subvenir aux besoins les plus primaires, en est une terrible démonstration.
Rouleau compresseur déflationniste
Cependant, le chômage et l’immigration ne sont pas les seuls leviers à disposition pour contrebalancer l’inflation induite par une hypertrophie monétaire. D’autres leviers efficaces existent, qui ne sont pas sans conséquences néfastes pour la société. Les premiers étant, sans aucun doute, les accords de libre-échange [13], ainsi que l’adhésion à l’OMC [14], qui permettent d’ouvrir grand nos marchés à des marchandises venues de pays à bas coût, ne respectant aucune norme sociale et environnementale. L’impact sur les prix est considérable. En effet, un tee-shirt venu du Bangladesh, ou un écran plat sorti d’une usine chinoises coûtent entre 5 et 20 fois moins cher à produire qu’en France. Dans le panier du Français moyen, c’est une bouffée d’oxygène qui lui a indéniablement permis de contrebalancer en partie les hausses de prix subies ailleurs. Cela s’est malheureusement fait au détriment de l’emploi sur place. Les délocalisations et l’incroyable désindustrialisation constatées en France depuis 40 ans en sont le corollaire. Là encore, on comprend pourquoi, malgré les promesses, aucune politique sérieuse n’a été mise en œuvre pour stopper ce phénomène.
Autre levier utilisé ces dernières années, l’uberisation [15]. Ce néologisme, provenant de la société californienne Uber, décrit comment les start-up mettent en relation directe les entreprises et les clients sur ces nouveaux marchés que constituent les plateformes numériques. Ainsi, dans de nombreux secteurs, ce phénomène vient bousculer des professions déjà établies et qui subissent souvent une concurrence déloyale de la part de ces nouveaux entrant qui ne respectent pas les mêmes contraintes réglementaires et sociales. Cela fut particulièrement criant dans des secteurs comme l’hôtellerie ou les taxis, de simples particuliers, sans enregistrement ni autorisation préalable, s’improvisant chauffeurs ou chambres d’hôtes. Cette concurrence déloyale permet un nivellement par le bas des conditions de travail et de l’encadrement social, ce qui autorise une compression des prix. Là encore, malgré les protestations, la timidité du gouvernement à y répondre s’explique par le besoin de contrebalancer l’inflation.
Enfin, le dernier levier, et sûrement le plus important pour les années futures, est la robotisation, c’est-à-dire, la substitution de tout travail humain par des machines. Cela est déjà largement avancé dans l’industrie. Les chaînes de montages automobiles connaissent des taux d’automatisation vertigineux. Les services commencent à être touchés. L’apparition de caisses automatiques dans les supermarchés ou l’émergence des voitures autonomes, dernier échelon vers un remplacement pur et simple des chauffeurs, déjà complètement assistées par les GPS, vont dans ce sens. Même les secteurs à très haute valeur ajoutée comme la recherche, la conception, la gestion, nécessitant connaissances et expertises, sont aujourd’hui en phase d’être concurrencés par des algorithmes de plus en plus complexes. L’intelligence artificielle réalisant des avancées stupéfiantes dans tous les domaines.
Conclusion
Lors de notre démonstration, nous avons expliqué que les chiffres officiels de l’inflation calculés par l’INSEE et utilisés par le gouvernement pour réajuster les salaires étaient complètement faussés. La France connaît en réalité une hyperinflation qui est le résultat d’une création monétaire totalement débridée et sans aucun garde-fou. Cette inflation se fait en majorité en faveur des plus riches, ce qui explique l’explosion des inégalités en France depuis plus de 30 ans. Inégalité aggravée par les politiques d’ajustement mises en place par les différents gouvernements afin de maîtriser l’inflation et éviter ainsi le scénario allemand de l’entre-deux-guerres.
Les classes moyennes et populaires sont prises en étau entre d’un côté une augmentation des prix qui grignote toujours plus leur niveau de vie, et de l’autre des politiques d’ajustement qui précarisent, voire détruisent leurs conditions de travail. Cette logique mortifère semble sans limite et nous conduit tout droit vers une société ultra-inégalitaire ou la richesse et le savoir sont concentrés entre les mains d’une infime minorité d’experts et de dirigeants. Le peuple, quant à lui, progressivement remplacé par des migrants ou des machines et donc plus utile économiquement, sera mis totalement à l’écart de la société. Les solidarités naturelles détruites par l’individualisme triomphant, la solitude et la dépression annihileront toute velléité de révolte citoyenne.
Face à ce tableau assez sombre, le mouvement des Gilets jaunes représente un formidable espoir et nous permet tout de même d’être optimistes pour le futur. Le peuple de France semble enfin avoir pris conscience de la gravité de la situation et être déterminé à changer les choses en profondeur. Pour qu’un tel projet aboutisse, il est impératif de réformer notre système monétaire afin que celui-ci ne soit pas un instrument de confiscation de la richesse au profit des plus riches, mais au contraire permette à chacun de vivre une vie digne pour lui et ses proches.