Les musulmans de France viennent de manifester leur hostilité à la terreur djihadiste, n’est-ce pas un peu tard ?
Non. Les musulmans de France appartiennent à un ensemble extrêmement hétérogène dans lequel beaucoup ne souhaitaient pas réagir en tant que musulmans, mais en tant que Français, d’autre en tant qu’humanistes tout simplement. La gêne collective était cependant très palpable dans le sens où, le regard de l’autre – non-musulman – en période de grand trouble comme celle-là, questionne sur un potentiel soutien à l’Ignoble. Situation compliquée donc : des musulmans condamnant de façon éparse mais non audible, un peuple de France abasourdi par la mise à mort macabre d’un innocent et attendant un signe fort de sa minorité musulmane.
Pour notre part, à Fils de France, c’est en tant que patriotes que nous réagissons, non pas que la vie d’un Français soit plus précieuse que celle d’un autre homme, mais seulement parce qu’en tant que Français, il existe un devoir implicite de fraternité. Quant à notre confession, elle ne doit jamais être une ligne de fracture, de division. La seule division qui vaille est celle qui sépare les semeurs de paix et les entrepreneurs de guerre, particulièrement quand ces derniers instrumentalisent une spiritualité.
Fils de France est la première organisation liée aux musulmans de France à avoir communiqué sur le drame des chrétiens d’Orient. Comment l’expliquez-vous ?
Comme je le disais, Fils de France a réagi dans le cadre du patriotisme, patriotisme conscient que l’identité nationale de notre pays puise son essence dans le catholicisme. Ainsi, Fils de France est plus à même de saisir le devoir de solidarité vis-à-vis des chrétiens. En revanche, lorsqu’il fut question d’une migration massive de ses chrétiens en France, nous nous y étions naturellement opposés, car il faut aider ces populations chez elles, le pire serait de les déraciner et de leur faire quitter les terres du paléochristianisme. Le monde arabe est beau de sa diversité religieuse, une diversité religieuse que les musulmans majoritaires doivent par tous les moyens favoriser.
Enfin, en tant que minorité musulmane dans une majorité chrétienne, nous sommes directement touché par le sort d’une minorité chrétienne dans une majorité musulmane.
Quelles conséquences peut avoir une appréhension uniquement passionnelle de la situation actuelle ?
Les conséquences peuvent être dramatiques. Car si l’on envisage la situation actuelle des chrétiens d’Orient comme un paradigme principiel en faisant fi du fait que chrétiens et musulmans vivent ensemble depuis quatorze siècles (avec certes, des périodes plus ou moins heureuses), cela reviendrait à criminaliser 10 % de notre population, tout aussi innocente que les victimes de ces terroristes agissant au nom de la foi. Ainsi, ce climat de suspicion, quand il n’est pas accusation, participe à une crispation identitaire centrée vers l’objet de l’accusation ; en l’occurrence, l’islamité. A contrario, une perception rationnelle, consoliderait le socle de l’appartenance à la nation, au bleu, blanc, rouge renvoyant à leur bassesse ceux, d’un bord ou d’un autre qui, soufflant sur les braises, actionnent les leviers de la radicalité propice à l’action violente. Que Dieu nous en protège.