On va encore me dire que je pénètre sur un terrain qui n’est pas le mien. Et c’est vrai. Je prie donc Jean-Pierre Marguénaud, l’éminent spécialiste de la question des droits de l’animal, de bien vouloir pardonner mon incursion, qui sera brève. Et superficielle. D’ailleurs je renvoie le lecteur exigeant à la lecture de la RSDA (Revue semestrielle de droit animalier).
Les faits sont d’une simplicité biblique. Si j’ose ainsi exprimer l’idée que le livre saint atteste de la lointaine antiquité de cette condamnable pratique. Non. Ce qui me frappe, c’est l’emploi du mot viol. Non pas (attention !) que je doute un seul instant de l’invalidité congénitale de l’avis donné par un animal. Mais l’infraction de viol était jusqu’à présent réservée aux rapports entre humains.
Nous assistons donc à un progrès, dans les consciences, de l’idée d’égalité entre humains et animaux. Et c’est là que je voulais en venir : s’il devient possible d’envisager qu’une infraction prévue pour l’humain soit appliquée à l’animal, alors il y a un risque, et je crois qu’il est déjà réalisé, pour qu’une infraction prévue pour l’animal soit appliquée à l’humain.
Je pense bien sûr à l’article 521-1 du code pénal, qui prévoit la qualification applicable dans l’affaire de la chèvre : « Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »
D’une part, s’il reste difficile d’appliquer à un animal une règle prévue pour un homme, c’est plus facile dans l’autre sens, car qui peut le plus (pour le genre animal) peut le moins (pour l’espèce Homme), et l’Homme est un animal. D’autre part, est-ce que l’on ne s’achemine pas, en droit occidental, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, vers l’idée qu’au fond un rapport sexuel, c’est foncièrement constitutif de sévices graves et d’actes de cruautés ? Surtout lorsque c’est hétérosexuel.
De nos jours l’absence de consentement de la femelle humaine ne sera pas difficile à établir. D’abord, il est quasiment présumé. C’est à l’agresseur de prouver que la femelle a consenti. Et pour lui ce sera très dur, parce qu’à tous les coups il aura séduit et enjôlé de ses violentes paroles masculines un être facilement dissocié et sous emprise.
Et si la femelle victime du mâle était son épouse, ou sa partenaire régulière, cela suffira au juge pour considérer que l’animal était « domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité ».
Audience publique le 3 novembre 2022 au tribunal judiciaire de Fontainebleau.