« Je me souviens d’un jour d’automne où, le dîner étant servi, la nuit s’était faite dans la chambre. Ma cousine et moi nous poursuivions l’une l’autre à travers les arbres, c’est-à-dire sous les plis du rideau. L’appartement avait disparu à nos yeux et nous étions véritablement dans un sombre paysage à l’entrée de la nuit. On nous appelait pour dîner et nous n’entendions rien. Ma mère vint me prendre dans ses bras pour me porter à table et je me rappellerai toujours mon étonnement en voyant les objets réels qui m’environnaient. Je sortais d’une hallucination complète et il me coûtait d’en sortir si brusquement. »
C’est sur ce texte sans piège – à part l’accent circonflexe sur coûtait mais on imagine qu’il faudra au moins 180 fautes pour avoir moins de 16 sur 20 – qu’ont planché les 860 000 collégiens le 26 juin 2023 pour un brevet qui n’a dorénavant plus guère de valeur, à l’instar du bac. La photo de une est tirée du journal La Montagne. Quoi ?
Les examens – à part les examens d’urine (sauf dans le sport de haut niveau) – sont devenus une vaste blague, en France égalitariste, et les parents qui l’ont compris se tournent en masse vers les cours privés de l’afterschool. On utilise à dessein le terme anglo-saxon car il correspond à une américanisation de notre système éducatif : on déglingue le public pour vendre du privé, et tant pis pour ceux qui n’ont pas les moyens, ils n’ont qu’à vivre en caravane avec des trous dans les chicots.
La dictée en question est tirée, ne riez pas, de George Sand, une féministe avant l’heure et star des bisexuelles pour sa relation intime avec Marie Dorval. Pour la petite histoire, la Sand, d’ascendance noble, était un peu antisémite sur les bords, et aussi au milieu : c’est Wikipédia qui le dit !
En 1857, dans une lettre adressée à son ami Victor Borie, George Sand caractérise le juif « par sa dureté de cœur pour quiconque n’est pas de sa race » et qui est « en train de devenir le roi du monde », tout en pronostiquant : « dans cinquante ans, la France sera juive. Certains docteurs israélites le prêchent déjà ».
C’est sûr que c’est pas ce genre de texte qu’on va donner aux collégiens. Heureusement, c’est la partie féministe engagée de la baronne Dudevant qui reste pour l’histoire. L’épreuve de maths, elle, a eu lieu l’après-midi du lundi 26. On a jeté un œil dessus : c’est pas minable mais c’est pas monstrueux non plus. On ne va pas faire du Brighelli à chaque ligne.
L’avantage des maths, c’est que le woke ne peut pas y pénétrer facilement, à moins de décréter que 0 égale 1 (la femme est l’égale de l’homme), ou -1 égale 1 (le sous-homme est l’égal du surhomme), ce qui sera peut-être possible un jour, avec Sandrine Rousseau, sait-on jamais. En revanche, dans le domaine culturel, où tout est relatif et matière à manipulation, c’est l’entrée en force : aucune matière non scientifique n’y échappe. Le français, la philo dans une moindre mesure, mais surtout l’histoire, sont littéralement gangrénés par le mal oligarchique.
En 2022, le sujet d’histoire portait globalement sur « La France et l’Union européenne », pas besoin de vous faire un dessin, autant dire que le môme qui explique que « leyenne est la gross put du pig farma » a zéro sur toute la ligne. Il peut même se faire taser devant tout le monde.
À 7’56, l’exercice 2 du « développement construit » tombe évidemment sur le nazisme :
Sous la forme d’un développement construit d’une vingtaine [!] de lignes, présentez les principales caractéristiques du régime mis en place en Allemagne entre 1933 et 1945. Vous illustrerez chaque caractéristique par un exemple de votre choix.
Inutile de dire que l’élève qui évoque le massacre de 47 soldats allemands par les résistants en 1944, il a aussi tout faux. Ce qu’il faut écrire, c’est que les nazis sont méchants.
On résume donc les connaissances fondamentales qu’il faut avoir pour réussir son brevet dans la France d’aujourd’hui : vive le féminisme, à bas le nazisme ! Le reste, c’est de la petite bière.
Exemple de dictée du certificat d’études primaires en 1960 (dans la Marne), un extrait de La chute, d’Albert Camus :
« Le soir dont je vous parle, je peux même dire que je m’ennuyais moins que jamais. Non, vraiment, je ne désirais pas que quelque chose arrivât. Et pourtant … Voyez- vous, cher monsieur, c’était un beau soir d’automne, encore tiède sur la ville, déjà humide sur la Seine. La nuit venait, le ciel était encore clair à l’ouest, mais s’assombrissait, les lampadaires brillaient faiblement. Je remontais les quais de la rive gauche vers le pont des Arts. On voyait luire le fleuve, entre les boîtes fermées des bouquinistes. Il y avait peu de monde sur les quais : Paris mangeait déjà. Je foulais les feuilles jaunes et poussiéreuses qui rappelaient encore l’été. Le ciel se remplissait peu à peu d’étoiles qu’on apercevait fugitivement en s’éloignant d’un lampadaire vers un autre. Je goûtais le silence revenu, la douceur du soir. Paris vide. J’étais content. »
On rappelle que le certif d’antan comportait en outre une épreuve de lecture à haute voix suivie de questions sur le sens de quelques mots du texte. Et par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que, comme son nom l’indique, le certificat d’études primaires était passé avant l’entrée au collège, soit potentiellement quatre ans avant le brevet des collèges !
Le Monde a comparé le taux d’erreur dans une même dictée donnée à des élèves en 1987, 2007 et 2015.
Le même texte a été soumis à des élèves de CM2 à trois époques différentes. Verdict : ils faisaient 10,7 fautes en moyenne en 1987, contre 14,3 en 2007 et 17,8 en 2015.