Alors que s’approchent rapidement les élections européennes montent tant les pressions pour que je rende publique une consigne de vote, que les pressions pour l’abstention. Je comprends ces dernières, mais ne les approuve nullement. Des personnes très honorables, de Nikonoff à Todd, vont s’abstenir dimanche prochain. Je pense qu’ils commettent une erreur, et même une erreur grave.
Pourquoi voter ?
Deux arguments sont avancés pour justifier une consigne d’abstention : l’illégitimité supposée de la consultation et le « manque de choix » dans l’offre politique. Il faut les examiner séparément.
Sur l’illégitimité de la consultation, on peut certes penser et dire bien des choses des pratiques électorales. Comme de nombreux Français j’ai encore en travers de la gorge le déni du référendum sur le projet de Constitution européenne. Mais, je rappelle à tous ceux qui prônent l’abstention qu’une élection est légitime dès lors qu’elle se tient dans des conditions satisfaisantes. Le taux participation n’invalide nullement ses résultats, et les absents ont toujours tort. Le cas serait différent si des maires avaient décidé de ne pas organiser cette élection. Mais tel n’est pas le cas. Soit on a les moyens d’empêcher un scrutin de se tenir, parce que l’en on conteste la légitimité ou la légalité, soit on l’accepte, et ce faisant, on accepte aussi ses résultats.
Il suffit à cet égard de regarder ce qui va se passer en Ukraine ce même dimanche où l’élection présidentielle ne sera pas organisée dans certaines régions. On voit bien que c’est cela qui met en cause la légitimité de cette élection, et non le nombre plus ou moins grand de votants. Dans le cas des élections européennes, si un mouvement populaire de grande ampleur s’était manifesté pour refuser qu’elles soient organisées, et exprimant dans le même temps une volonté de sortir de l’Union européenne, cela aurait un sens d’appeler non pas à l’abstention mais au boycott de ces élections. Il faut alors dire qu’un boycott des élections est un acte grave, qui annonce des ruptures politiques importantes. Telle n’est pas, peut être pas encore, la situation en France.