1.3
LE CHAPITRE ECONOMIQUE ET SOCIAL
Les faits : la crise financière a maintenant contaminé l’économie réelle.
Dans tous les pays occidentaux, le moteur de la croissance était la consommation, tirée par l’endettement dans un contexte de déflation salariale (part des revenus du travail dans le PIB : 80 % en 1978, 65 % en 2007). Désormais, les conditions du crédit s’étant resserrée partout aux USA et en Europe, les dépenses de consommation des ménages sont en recul. En France : - 0,5% en trois mois (début de la crise), et aux USA, avec toutes les précautions relatives aux statistiques officielles américaines, les ventes de détail ont reculé de 7 % en un an (les USA sont désormais bien engagés dans la crise). Simultanément, les mises en chantier s’effondrent (plus ou moins 30 % de recul, dans la plupart des pays européens, en quelques mois), et le marché des biens d’équipement souffre presque dans les mêmes proportions.
Conséquences :
Les prix à la consommation partent à la baisse : c’est la déflation salariale brute, sans croissance de l’endettement pour masquer la crise. Tout l’Occident Europe-USA est maintenant aux portes de la déflation, avec par exemple, si l’on prend le cas des USA (plus avancés dans le processus), seulement 0,1 % d’inflation sur 2008, mais surtout une déflation de 3 % sur le dernier trimestre 2008. Les prix de l’immobilier, dont la contraction avait sonné le début de la crise, continuent à chuter (aux USA, - 20 % en deux ans, et ce n’est qu’un début).
Faute de marché solvable, la production recule. Fort développement du chômage technique, baisse du taux d’utilisation des capacités de production, recul du PIB (- 2 % anticipés pour la zone euro en 2009 ; pour les USA, chiffre non connu, on ne peut pas sérieusement tabler sur les statistiques officielles). En Chine, la croissance va se poursuivre, mais la baisse des exportations vers l’Occident risque d’entraîner une contraction du taux de croissance sous la barre jugée par les autorités comme indispensable à la stabilité sociopolitique du pays. Le Japon, depuis longtemps en stagnation, vient de basculer dans la récession, du fait de la contraction des exportations.
Le recul de la production débouche sur une forte augmentation du chômage (souvent anticipée par les grands groupes industriels). Pour l’instant, aux USA, la crise a détruit 3 millions d’emplois, et ce n’est qu’un début. Le taux de chômage officiel avoisine 7 %, mais le taux recalculé (le chiffre du chômage est monstrueusement manipulé aux USA, encore plus qu’en France), doit approcher les 18 %, plus très loin de la barre à partir de laquelle, d’après notre expérience passée, un peuple bascule dans l’extrémisme politique irrationnel. En France, le chiffre officiel du chômage vient seulement de repartir à la hausse. Rendez-vous dans quelques mois...
Pendant ce temps, en Asie, la croissance chinoise semble sur le point de s’effondrer littéralement. En l’absence de marché intérieur organisé, la chute des exportations de produits finis et de composants vers les USA, et avec un temps de retard, vers l’Europe, est en train de ravager les carnets de commande de l’atelier du monde. Les indicateurs avancés sur le PIB chinois (production d’électricité, commandes de composants avant assemblage) indiquent que la baisse du taux de croissance sera beaucoup plus marquée que ce que Pékin a officiellement prévu (chiffre officiel : croissance revenant un peu en dessous de 10% ; réalité probable : passage brutal d’une croissance à deux chiffres à une croissance de l’ordre de 5 % par an - toujours selon les normes de calcul officielles, hautement contestables par ailleurs).
Interprétation possible :
A ce stade, c’est très simple. Nous assistons à la répétition presque terme à terme de la crise déflationniste de 1929 : crise de solvabilité globale, effondrement de la demande, déflation salariale entraînant la déflation d’actif et bientôt la chute des prix de détail - par contrecoup, baisse de la production et hausse du chômage, d’où effet boule de neige, et de là, compétition commerciale accrue pour des débouchés en rétraction, crise monétaire et bientôt, potentiellement, guerre commerciale. En l’occurrence, la crise est tellement « classique », si bien caractéristique d’une phase B de cycle de Kondratief, que l’interprétation est certaine. C’est 1929-bis, il n’y a aucun doute là-dessus. Nous allons revivre les années 30. Les 2 seules questions restantes sont : va-t-on assister à un traitement global concerté de la crise, ou au déclenchement d’une guerre commerciale et monétaire USA/Asie ? Et d’autre part : est-ce que les autorités vont gérer la crise de solvabilité dans une logique de déflation salariale (Laval, France, 1934), de New Deal (Roosevelt, USA, 1932), d’hyperinflation (Allemagne, 1923) ou de mercantilisme et d’austérité (Schacht, Allemagne, 1934) ?