Avec Ready Player One, Spielberg reste assurément le maître du blockbuster qui rapporte un max. Après les extraterrestres, les requins, les dinosaures et les listes les plus sombres de notre histoire, le voilà qui revient avec les jeux vidéo dans un film parfaitement à la mode, c’est-à-dire parfaitement inoffensif.
- En 2045, les gens vivent dans des mobil-homes pourris, les drones distribuent des pizzas surgelées et tout le monde se réfugie dans un monde virtuel super cool : l’OASIS
Dans l’OASIS, les gens récoltent de l’argent en faisant des courses de voitures ou en se bagarrant avec des pistolets laser. Avec Spielberg, la dichotomie travail/distraction disparaît miraculeusement du capitalisme et les gens consomment sans avoir à produire. Les migrants aussi semblent avoir disparu, peut-être sont-ils rentrés chez eux, qui sait ? Toujours est-il que le créateur de l’OASIS est mort après avoir planqué trois clefs dans le jeu, donnant accès à un œuf de pâque magique contenant 500 milliards de dollars ainsi que les codes d’accès au contrôle total du truc. La chasse est ouverte...
- Le Saint Graal en 2045 : du pognon et du virtuel à volonté
Alors forcément, un gentil héros s’attelle à la tâche, trouve la première clef et avec elle les premiers emmerdements puisque un méchant milliardaire et son armée de joueurs professionnels lui colle aux basques pour lui piquer l’œuf de pâques. Le scénario est posé : un gentil geek fan de culture pop essaie de sauver le virtuel des griffes d’un méchant patron de multinationale. Après avoir réuni travail et distraction dans une synthèse miracle, Spielberg sépare jeu vidéo et gros sous pour nous faire croire que le virtuel serait menacé par l’argent plutôt que d’en être le produit.
- Un gentil avec des lunettes blanches, un méchant avec des lunettes noires et une population à la ramasse entre les deux : la recette du blockbuster ne change pas
Notre héros explique les risques de la privatisation à tout le monde et fait encore mieux que Vincent Lapierre en réunissant une véritable armée de joueurs prête à en découdre pour sauver l’OASIS de la spéculation. Personnages de jeux vidéo, de séries, de films... une véritable purée de culture pop déferle alors sur les forces occultes de l’argent, comme si l’argent n’avait rien à voir avec la production de culture pop.
- Au premier plan, de gauche à droite, un lapin intergalactique géant, l’égérie féminine (et lesbienne) du dernier jeu de Blizzard Tittytainment, une gonzesse de Street Fighter et un zombie-squelette sorti d’on ne sait où
Les gentils gagnent la bataille numérique... mais le méchant n’a pas dit son dernier mot : il s’empare d’un vrai pistolet et tentent de neutraliser notre héros dans la vraie vie.
- Avec un costard et un pistolet, aucun doute : il s’agit du méchant
Les joueurs n’ayant visiblement aucune envie de s’engager dans un combat réel avec le méchant au pistolet, ils reculent et laissent ainsi notre héros sans défense (les geeks qui s’extasient actuellement sur ce film ne semblent pas avoir remarqué ce détail). Mais fort heureusement, la police d’État se pointe et sauve notre héros subversif ! C’est vrai après tout, l’état a toujours défendu les révolutionnaires contre les puissances de l’argent, on y croit tous. À défaut d’avoir sauvé les autoroutes et la SNCF, tout ce petit monde parvient donc à sauver l’OASIS et gagne ainsi le droit... de continuer à jouer comme avant.
- Le virtuel est sauvé, ouf !
Le ridicule aurait pu prendre fin ici, mais voilà que notre équipe de révolutionnaires prend subitement conscience des dangers du virtuel et décide d’éteindre l’OASIS le mardi et le jeudi afin que les gens n’oublient pas de se nourrir, de pisser un coup et de se reproduire un peu. On garde les mobil homes pourris, les jeux débiles et les drones pour livrer les pizzas, mais on équilibre un peu le tout pour que ça dure quelques décennies de plus. C’était la révolution selon Spielberg, merci les gars, à vous les studios. Attendez, on a presque fini. Il reste la question mystère. Vous savez, la question de la fin dont on doit trouver la réponse pour se sentir intelligents. Celle qui fait débat entre amis dans la voiture lorsqu’on reprend l’autoroute pour rentrer chez soi après le ciné. À chaque fois que notre héros a trouvé une clef, l’avatar du créateur de l’OASIS est apparu pour lui dire bravo. Mais puisque le gars est mort depuis le début, par qui cet avatar est-il contrôlé ? La question reste en suspens mais on se doute bien que c’est encore une intelligence artificielle qui a sauvé l’humanité. Décidément, l’informatique, c’est merveilleux.
- L’homme n’est plus seul : il a un ordinateur. Dieu merci
Sinon, Ready Player One contient deux scènes bien foutues faisant référence à King Kong et à Shining, mais autant aller voir King Kong et Shining. Pour le reste, la saturation en effets spéciaux est à l’image de la saturation des marchés et le subversif n’est toujours pas au rendez-vous. Tant pis. Mais les beaux jours arrivent ! On va enfin pouvoir se balader et bouquiner au soleil ! Les films à la con et les lunettes 3D, on verra cet hiver... peut-être...