Cette semaine, j’ai vu une de mes filles, la deuxième, dire non à un cadeau. Elle fait des études littéraires, et elle a un vieux téléphone portable, sans écran tactile, elle ne peut même pas recevoir ni envoyer des émoticônes. Plutôt que se payer un bel appareil, elle préfère s’acheter des livres ou des places de concerts rock. L’autre jour, une de ses copines, très high-tech, elle, a voulu lui offrir son vieil i-phone, car elle venait de se faire offrir le dernier modèle. Et ma fille a refusé, sans hésiter.
Je précise que ce n’est pas une enfant sage, c’est au contraire la plus baroudeuses de nos trois filles : elle passe son temps à explorer les catacombes, à grimper sur les toits, à faire du stop aux 4 coins de l’Europe, elle boit volontiers des bières avec ses potes, etc. Mais elle déteste les smartphones.
Comme je lui demandais de m’expliquer son refus, elle a réfléchi un moment, puis m’a donné deux arguments convaincants : d’abord ça rend les gens accros, ensuite ça rend les groupes tristes. Et ça, elle n’aime pas du tout, les groupes où on ne se parle plus, mais où tout le monde a le nez sur son écran, les groupes où on est ensemble mais seuls, les groupes où on interrompt une conversation avec un humain véritable parce qu’une machine sonne ou vibre. Elle est furieuse contre cette digitalisation des cerveaux et cette uberisation des rapports amicaux, il lui semble que l’air de rien, ça éloigne ses amis d’elle…
Jacques Douai :la Complainte de Ruteboeuf
« Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte ... »