Washington et ses partenaires du Golfe accusent l’Iran de déstabiliser le Moyen-Orient. Une manière d’accroître encore la pression sur Téhéran à la veille de la reprise des négociations sur le nucléaire iranien.
L’Iran, coupable de la montée des tensions au Moyen-Orient ? La réponse semble évidente pour Washington et ses alliés du Golfe. Réunis à Riyad le 17 novembre pour discuter de l’avenir des négociations sur le nucléaire iranien, les États-Unis et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), réunissant l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, Bahreïn et Oman, ont accusé Téhéran de « provoquer une crise nucléaire » et de déstabiliser la région.
À dix jours de la reprise des négociations, prévues le 29 novembre prochain, « tous les participants ont exhorté le nouveau gouvernement iranien à saisir l’opportunité diplomatique » pour sauver l’accord « afin de prévenir un conflit et une crise », ont déclaré dans un communiqué commun les pays arabes et les États-Unis. Ainsi le nouveau gouvernement iranien d’Ebrahim Raïssi est-il attendu de pied ferme.
Les États-Unis sanctionnent le programme de drones iraniens
« Une politique du bluff », estime de son côté un conseiller politique iranien sur les questions énergétiques, qui a préféré garder l’anonymat.
« À chaque veille des négociations, le ton monte entre les différentes parties. Il y a une volonté de faire pression sur l’adversaire. Cette réunion à Riyad montre qu’il y aurait un front commun contre l’Iran et que l’Iran se retrouverait esseulé. De son côté, le gouvernement iranien augmente encore un peu plus ses stocks d’uranium », souligne-t-il au micro de Sputnik.
En effet, l’Agence internationale de l’énergie atomique a fait état le 17 novembre d’une nette augmentation du stock d’uranium enrichi par l’Iran, nécessaire pour la création d’une arme atomique. De plus, « le gouvernement iranien maintient le flou sur ses réelles intentions », précise notre interlocuteur. « L’Iran ne veut surtout pas donner l’impression qu’ils sont à la merci des Américains pour la levée des sanctions », ajoute-t-il.
Une chose est sûre, les États-Unis exigent le retour de l’Iran à l’accord de 2015. Ils espèrent de surcroît négocier sur sa politique étrangère, notamment l’utilisation de milices armées en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen, qu’ils jugent « déstabilisatrice », ainsi que sur son programme de missiles balistiques. Mais pour l’Iran, « c’est non négociable » :
« L’actuel gouvernement a mis un point d’honneur sur sa politique étrangère et son programme de missiles balistiques est un peu son assurance-vie », précise le conseiller politique iranien.
Pour Washington, il n’en fallait pas plus pour user de l’arme des sanctions. En octobre dernier, le programme de drones iraniens a été visé par le Trésor américain. Un général iranien et deux sociétés de ce pays ont fait les frais de mesures coercitives.
Israël et l’Iran envisagent un affrontement direct
Mais l’Iran ne se laisse pas faire. Début novembre, les gardiens de la Révolution ont assuré avoir empêché la saisie par l’US Navy d’un navire transportant du pétrole iranien naviguant sous pavillon vietnamien. Une version démentie par l’administration américaine.
Le 7 novembre dernier, l’Iran a également lancé des manœuvres maritimes. Intitulées « Zolfaqar-1400, » du nom du missile iranien éponyme et de sa portée (1400 kilomètres), elles ont couvert une zone géographique allant du détroit d’Ormuz à l’océan indien en passant par la mer Rouge. Un exercice ayant pour but « de montrer la puissance militaire du pays et sa volonté d’affronter nos ennemis », avait alors déclaré à la télévision d’État l’amiral Mahmoud Mousavi.
L’Iran n’hésite pas non plus à s’en prendre au principal allié des Américains dans la région. « Les Israéliens peuvent déclencher [une attaque contre l’Iran, NDLR], mais c’est nous qui déciderons de son issue », a affirmé le 11 novembre Amir Ali Hajizadeh, commandant de l’armée de l’air et de l’espace iranien, avant d’ajouter que « toute erreur commise par Israël mènerait à sa destruction ».
Pourtant, malgré la montée des tensions, « tout est contrôlé », estime notre interlocuteur.
« Cette stratégie agressive est ancienne. Chaque pays y va de sa phrase-choc pour provoquer l’adversaire et envenimer la situation. Mais aujourd’hui, je ne pense pas que ça dépassera le seuil des tensions. Il y aura peut-être des bombardements par roquettes en Syrie ou en Irak, un énième sabotage de navire dans le détroit d’Ormuz, mais ça n’ira pas plus loin », pense-t-il.
Pourtant, Israël semble prêt à en découdre. Peu après les exercices maritimes iraniens, Tel-Aviv a participé à des manœuvres navales en mer Rouge pour une durée de cinq jours avec Bahreïn et les Émirats arabes unis, sous la supervision des États-Unis. D’ailleurs, le ministre de la Défense israélien Benny Gantz a été on ne peut plus clair sur le dossier iranien. « Nous avons vu la politique de l’Iran en termes de programme nucléaire et d’armement à l’extérieur du pays » et Israël est « préparé à faire ce qui est nécessaire sur tous ces fronts et sur le front nord en particulier », a-t-il déclaré le 17 novembre.
En effet, le gouvernement israélien a déjà prévu une enveloppe de plus d’un milliard de dollars en cas d’attaque contre l’Iran. Tel-Aviv aurait même refusé catégoriquement un accord temporaire étudié par Washington, prévoyant une levée partielle des sanctions contre Téhéran, afin de laisser plus de temps aux négociateurs de Vienne.
À tous les niveaux, les tensions semblent augmenter à la veille des négociations. Bluff ou pas, « le but est de savoir qui va céder en premier aux exigences de l’autre, » conclut le conseiller politique iranien.