Entre dimanche 21 et lundi 22 août, deux « non-événements » ont agité le microcosme médiatique : l’annonce de la candidature d’Arnaud Montebourg et celle de Nicolas Sarkozy.
Ces deux candidatures cultivent une certaine ambiguïté. Arnaud Montebourg affirme sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle et soumet sa présence préalable à la primaire du parti « socialiste », un mécanisme qu’il avait défendu en 2006 et 2007 à de nombreux préalables. Nicolas Sarkozy se présente officiellement à la primaire organisée par les partis du centre-droit, mais semble considérer que le résultat est déjà connu, qu’il est le seul légitime pour se présenter à l’élection présidentielle.
Retenons, déjà, que ceci ne fait que refléter les ambiguïtés intrinsèques du mécanisme dit « de l’élection primaire », importation d’une institution étatsuniennes dans le contexte, fort différent de la France. Rappelons que le mécanisme permettant à tout électeur, moyennant la signature d’un papier sur les « valeurs » de la « gauche » comme de la « droite », de voter introduit, en réalité, un biais non démocratique important dans ces « primaires ». L’inexistence de frontières précises déterminant qui peut, et ne peut pas, voter, dilue la prise de responsabilité. La démocratie, il convient toujours de le rappeler, implique une délimitation précise du corps politique. Rappelons, encore, que les multiples manœuvres d’appareil qui seront possibles lors de ces primaires confirment ce biais. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de candidats ont décidé de se présenter directement aux suffrages des Français.
Mais, passons sur ces « détails », et concentrons-nous sur les deux possibles candidats de ce dimanche et de ce lundi.
La fausse surprise de l’Agité
La candidature de Nicolas Sarkozy n’est pas une surprise. Rappelons que l’homme, à la suite de sa défaite de 2012, avait annoncé sa volonté de quitter la vie politique. Il se renie sur ce point. Il eut été plus sage, car – après tout – il était en 2012 d’un age où toutes les tentatives de retour en politique sont possibles, qu’il parle d’une mise entre parenthèses de ses ambitions. Nombre d’hommes (et de femmes) politiques ont connu des échecs et les ont surmontés. Le problème n’est donc pas tant qu’il annonce aujourd’hui sa candidature, mais qu’il ait annoncé, dans un grand déploiement médiatique, son supposé « retrait » en 2012. Il donne l’image soit d’un homme inconstant soit d’un manipulateur. Aucune de ces images n’est flatteuse.
Mais, ce n’est pas le seul problème soulevé par sa candidature. Nicolas Sarkozy a exercé un mandat présidentiel (2007-2012). Il ne peut prétendre à la nouveauté. De ce premier mandat, il devrait en tirer un bilan honnête, dire aux Français quels ont été ses échecs et ce qu’il entend faire pour y remédier. Car, il ne peut oublier que son échec de 2012 est largement le produit d’un épuisement général à la suite d’une dispersion quasiment pathologique de ses efforts et d’un rejet par une large partie des électeurs. Or, dans le livre qu’il vient de publier, et où il annonce sa candidature, on chercherait bien en vain la moindre analyse des raisons profondes de son échec de 2012. C’est bien là le problème.
Non que l’échec soit rédhibitoire. Quand on est prêt à affronter sereinement ses causes, à les analyser, à en tirer des leçons et à convaincre les électeurs que l’on s’est donné les moyens de ne pas les répéter, un échec passé peut être le fondement d’une victoire future. Pourtant, rien de cela ne transparaît à la lecture de Tout pour la France. Nicolas Sarkozy retombe dans ses pires errements. Il confond la vitesse et la précipitation. Napoléon, dans une lettre adressée à l’un de ses généraux, la concluait par ces mots : « vitesse, vitesse ; je me recommande à vous ». Et il est vrai que la vitesse de réaction est importante, dans la politique comme dans la guerre…Mais, cette vitesse était, chez Napoléon, mise au service d’une vision générale. Or, telle n’est pas l’image que donne Nicolas Sarkozy. Partant dans tous les sens, multipliant les propositions dont peu donnent le sentiment d’avoir été mûrement réfléchie, il retombe dans la caricature de lui-même qu’il était devenu : l’Agité.
Intégration et assimilation
Dans les différentes propositions qu’il fait, on retiendra celles qui sont, volontairement, les plus clivantes. Postulant que l’identité sera l’un des thèmes principaux de la campagne à venir, mais sans fournir aucune définition de cette « identité », il propose de remplacer l’intégration par l’assimilation. La formule se veut un appel du pied à la frange la plus à droite de son électorat, mais elle révèle surtout que Nicolas Sarkozy ne sait pas ce dont il parle.
L’intégration est un concept essentiellement politique. On s’intègre dans un corps politique particulier en en acceptant les règles organisatrices, que ces règles soient explicites (comme la Constitution) ou qu’elle soient implicites comme l’ensemble des principes qui sont admis dans le corps politique français et dont les règles explicites sont la forme de matérialisation. On participe aux débats collectifs qui se font dans le cadre de ces règles et de ces principes, et dont certains peuvent conduire d’ailleurs à modifier certaines des règles (une Constitution n’est pas immuable). Mais, pour ce faire, il faut s’approprier, il faut faire sien, un certains nombres de principes comme celui d’égalité et de laïcité, parce que ces principes sont déterminant dans la constitution la plus large du corps politique. L’intégration n’est nullement garantie d’avance ; elle peut ne pas se faire, elle peut échouer, quand des individus ou des groupes d’individus remettent ouvertement en cause si ce n’est les règles, du moins les principes. Mais, elle peut aussi échouer quand le corps politique ne joue pas franc-jeu, ou quand il n’est plus défini, ce qui constitue à l’évidence aujourd’hui un problème quand la perte de souveraineté jette une indétermination sur ce qu’est d’être français. Les ratés de l’intégration renvoient alors soit à des différences insurmontables au niveau des principes, soit à des comportements qui nient dans les faits la possibilité de matérialiser ces mêmes principes soit encore à un contexte général qui produit une indétermination qui est contradictoire avec l’intégration.
L’assimilation est une notion beaucoup plus floue, qui n’est certes pas moins importante que l’intégration, mais qui ne se joue pas dans la même temporalité.
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