La chaîne d’information internationale en français pose un regard étrange, presque irréel, sur le conflit ukrainien. On dirait que le virus antirusse lui a mangé la tête.
La présentatrice Aziza Nait Sibaha – diplômée de Sciences Po Paris qui a suivi l’Executive Program Women and Power de Harvard... – tente de faire son travail journalistique, fait de doutes et de questions sur fond de lucidité et de cohérence (ça, c’est la théorie), mais le biais général, la ligne de la chaîne, est profondément atlantiste. Autant dire que la marge de manœuvre informative est maigre.
Pour ne rien arranger, la veille du sommet des 31 pays membres de l’OTAN à Vilnius (Lituanie), les deux experts convoqués en plateau pour expliquer la situation aux francophones sont vraiment de piètre qualité. Avec la concurrente LCI (LCU), pas étonnant que beaucoup de Français ne comprennent rien au conflit. On se doute bien que cette désinformation est volontaire, mais elle fait beaucoup de mal aux médias, qui perdent toute crédibilité sur le temps long. Il ne faut jamais faire le pari de l’ignorance, c’est prendre le risque de mentir toujours plus.
Ânes ou menteurs ?
Il y a d’abord Gauthier Rybinski, l’éditorialiste de France 24, qui incarne la ligne politique du média, donc son commissaire politique ; ensuite Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS (de Pascal Boniface, qu’on voit moins, peut-être qu’il n’est pas assez antirusse...), « responsable des questions liées à la politique et à la défense ». On s’attend à de l’intelligence, comme disent les Anglais.
En 12 minutes, ces deux experts vont embrouiller le téléspectateur comme jamais. Notre question : sont-ils idiots ou n’ont-ils pas le choix ? Un militant E&R est dix fois plus calé sur le sujet que ces deux ânes, ou ces deux menteurs. Pour preuve, alors que les deux plaident pour une unité de pensée et d’action des pays invités au sommet de Vilnius, même le très antirusse ou pro-OTAN Le Point balance une vidéo sur une Alliance atlantique qui se fracture ! On pense notamment au chantage turc sur l’entrée de la Suède. C’est dire si le camp médiatique otaniste en France montre un front uni...
Otanisme ou onanisme ?
Ce qui caractérise les deux spécialistes : un mélange de vœux pieux antirusses et de fantasmes occidentaux, un déni du réel qui pourtant saute aux yeux (le réel, pas le déni), le tout dans une sauce verbeuse où le remplissage remplace la logique.
D’abord, Rybinski met 87 longues secondes (de 1’03 à 2’30) à nous expliquer que le choix de Vilnius est symbolique, pour l’OTAN. Normalement, une phrase suffit, avec le rappel historique de la valse des indépendances et des dépendances des pays baltes. Ce qu’oublie de dire ce génie de la géopolitique, c’est que si la Lituanie a été pendant 45 ans (1944-1989) inféodée à l’URSS, elle est depuis totalement sous la coupe de l’OTAN, ou des USA. Mais comme il s’agit du camp du bien, Gauthier ne nous parle pas de soumission. Les terres de sang (Ukraine, Biélorussie, pays baltes et Pologne), on le sait, ont toujours eu du mal à exister entre les grandes puissances, que ce soit l’Allemagne – nazie ou pas –, l’URSS de Staline ou l’OTAN.
L’analyse de Maulny sur Poutine est du niveau des rêves humides de l’assistante de Pujadas sur LCI, croisés avec les délires post-digestifs d’un Alexandre Adler, qui a trouvé là son remplaçant. Il met lui 30 secondes (de 2’59 à 3’29) à nous expliquer qu’une Russie déstabilisée (par Prigojine) est plus dangereuse qu’une Russie unie. On l’écoute, juste pour faire perdre en une phrase toute crédibilité à l’IRIS, alors que la journaliste de l’Executive Program Women and Power de Harvard pose une question sur Wagner :
France 24 : C’est quelque chose qui inquiète encore aujourd’hui l’OTAN ?
IRIS : Ben y a un côté positif et y a un côté négatif dans ce qui s’est passé avec la milice Wagner et Prigojine. Le côté positif c’est quand même que y a des dissensions, on le voit bien, au sein de la Russie, donc c’est un affaiblissement quand même de la Russie ; le côté négatif c’est que ça rajoute, je dirais, une dose d’imprévisibilité dans la situation, et c’est ça qu’est plutôt inquiétant. La déstabilisation au fond de la Russie peut aussi être un handicap.
La présentatrice ne fait même pas semblant d’être envoûtée par cette réponse niveau CM2, elle passe sans transition à la question suivante. Mieux vaut enchaîner...
Nous, on se dit une seule chose : tous ces moyens (pris sur le trésor national) pour produire du mensonge puéril, de la bêtise pure ou de la désorientation calculée, alors que la vérité ne coûte rien, ou presque... E&R est vraiment l’antithèse de cette escroquerie clinquante.
Le débat devient surréaliste quand on passe au problème de l’adhésion de l’Ukraine, qui entraînerait une réponse russe, comme il se doit. Gauthier explique qu’une telle adhésion aurait des conséquences.
« Ça veut dire qu’on vient à son aide, c’est le chapitre 5 de la charte, et à ce moment-là, si vous voulez, y a quasiment automaticité. »
Ce à quoi la journaliste rétorque :
« Mais est-ce que c’est pas déjà le cas, aujourd’hui ? Parce que on vient déjà en aide à l’Ukraine. »
Ce « on » dans la bouche de Sibaha n’est pas journalistique : il s’agit d’un parti pris, sous-entendu « nous, l’OTAN ». L’effet Harvard ?
France 24 ne voit pas le mal...
- Le camp du bien : un escroc qui joue du piano avec sa queue et un escroc qui caresse les petites filles...