Il y a une guerre à Jérusalem en ce moment, une guerre qui met fin à l’illusion israélienne que la cause palestinienne s’est en quelque sorte effacée ou évaporée.
Le général israélien vétéran Amos Yadlin, ancien commandant des services de renseignement de Tsahal et analyste en chef de la sécurité nationale israélienne, a décrit la réalité israélienne dans les termes les plus brutaux dans son commentaire sur le N12 israélien : « Les illusions israéliennes sont terminées. Le problème palestinien est de retour. »
Yadlin estime que le manque de leadership d’Israël a conduit à une paralysie stratégique, dans laquelle Israël et la Palestine se sont pratiquement transformés en « un seul État » et il n’a que deux choix possibles : soit « cesser d’être un État juif », soit être « antidémocratique » ! Selon Yadlin, les « Palestiniens sont engagés dans un discours différent aujourd’hui, qui n’est plus celui du passé. Après l’échec de leurs trois principales stratégies – le terrorisme, l’internationalisation du conflit et la dépendance vis-à-vis du monde arabe –, les Palestiniens ont considérablement renforcé le discours des droits. S’ils ne peuvent obtenir leur propre État, ils cherchent à obtenir des droits égaux en tant que citoyens du Grand État d’Israël – avec l’espoir à long terme d’une majorité arabe dans un seul État. En attendant, ils espèrent épuiser les avantages économiques d’Israël et gagner des points dans la campagne de délégitimation d’Israël ».
Je n’utiliserai pas la terminologie erronée de Yadlin, car les Palestiniens constituent déjà la majorité des personnes entre le fleuve et la mer. Pourtant, je pense que sa dissection de la situation est largement exacte. Elle est également conforme à la lecture que font les services de renseignement des FDI du conflit israélo-palestinien depuis le début des années 1980. Les généraux de Tsahal le répètent depuis des années : pour que les Palestiniens gagnent, il suffit qu’ils survivent. Mahmoud Abbas, que de nombreux partisans de la Palestine ont tendance à détester, est également parvenu à la même conclusion il y a quelque temps. Ce n’est pas la guerre qui vaincra Israël, c’est en fait la paix qu’Israël craint le plus.
Comme si les nouvelles n’étaient pas assez mauvaises pour les Israéliens et leurs perspectives d’avenir dans la région, les dernières élections ont clairement montré que le nouveau faiseur de roi israélien n’est autre que Mansour Abbas, le chef du parti islamique Ra’am. Benyamin Netanyahou était prêt à former un gouvernement avec lui uniquement pour maintenir sa primauté, avec l’espoir que cela puisse l’aider à rester hors de prison. Mais une coalition centriste alternative ne peut pas non plus être formée sans le soutien d’Abbas.
La droite dure de la Knesset israélienne comprend qu’un tel pouvoir politique entre les mains d’un parti islamique donne du pouvoir à ses ennemis les plus acharnés. Il est destiné à amener beaucoup plus d’Arabes israéliens aux urnes lors des prochaines élections et si les Arabes d’Israël bénéficient de la même représentation politique que la majorité juive, ils peuvent facilement devenir la plus grande force politique en Israël. Israël est-il prêt à accueillir un Premier ministre arabe ou un ministre de la Défense musulman ? Je vous laisse réfléchir à cette question.
Le fait le plus étrange dans tout cela, c’est que les lobbies juifs du monde entier réussissent très bien à dominer les affaires des différentes nations qui concernent Israël et les intérêts juifs. On a beaucoup écrit sur la domination de l’AIPAC sur les affaires étrangères américaines. On a beaucoup parlé du pouvoir des Conservative Friends of Israel (CFI) et des Labour friends of Israel (LFI) en Grande-Bretagne. Pourtant, aux États-Unis, les Juifs représentent moins de 2 % de la population totale. Au Royaume-Uni, les Juifs représentent moins de 0,5 % des Britanniques. En Israël, par contre, les Juifs représentent 80 % de la société israélienne et environ 50 % des personnes qui vivent entre le Jourdain et la Méditerranée. On peut en conclure que les Juifs s’en sortent beaucoup mieux en tant qu’identité exilique marginale qu’en tant que majorité sur le territoire. Le sionisme, pour ceux qui ne le savent pas, est né pour réfuter cette observation mais il a échoué.