Les quarante ans de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République française sont l’occasion de relire ce texte d’Alain Soral de 2001, issu de ses indispensables Abécédaires de la bêtise ambiante.
FRONT NATIONAL
On ne dira jamais assez tout ce que la gauche socialiste doit au Front national. Pas le FN à 1 % du Le Pen au bandeau noir des années 70, le FN à 15 % boosté par deux septennats mitterrandiens.
Admirable stratégie dont le machiavélisme politique fait encore glousser en coulisse les petits esprits : snobs, de faible constitution morale, toujours fascinés par la trahison.
Pour ceux qui n’auraient toujours pas compris : un FN à 15 % avait trois avantages pour le mitterrandisme :
Rendre le PS imbattable à chaque élection locale, par l’obligation tartufesque du sacro-saint report républicain (dénoncer cette mascarade coûta sa carrière au brave Charles Millon).
Permettre d’éliminer comme fascistes tous les sujets délicats. Ainsi, chaque fois que le pouvoir ne voulait rien faire, laissait pourrir une situation qui aurait demandé de faire de la politique plutôt que de l’animation, on invitait Le Pen à la télé. Tribun hors pair, il donnait du coffre et le lendemain, dans la presse, la chorale des petites assos’ à la botte (SOS racisme, Touche pas à mon pote, Ras l’front ... ) poussait ses petits cris d’orfraie : « Fasciste ! fasciste ! », et on rangeait le tout dans les tiroirs. C’était vraiment pratique : il suffisait que Le Pen parle d’un problème (délinquance, insécurité, immigration ... ) pour qu’il soit interdit de seulement l’évoquer.
Ainsi, furent pris dans le package lepéniste : la France, la Nation, le Peuple qui effectivement souffraient, mais qui devinrent peu à peu dans l’esprit des jeunes – si naïfs, si incultes – des idéaux réactionnaires.
Un discrédit de la République qui allait permettre – troisième avantage – à la nouvelle bourgeoisie de gauche, ralliée au tout Marché, de trahir en douceur ses propres valeurs ; de faire passer sa nouvelle droite li-li-bo-bo pour de la gauche « branchée » luttant contre les « archéo-fachos ».
C’est l’honneur de Jean-Pierre Chevènement d’avoir le courage et l’honnêteté de ramener à gauche – c’est-à-dire dans leur terre d’origine – des idées que François Mitterrand avait confiées au Front national pour pouvoir les trahir plus confortablement : Peuple, République, Nation.
Et aujourd’hui, devant l’ampleur de la catastrophe, le désarroi des couches populaires et l’imminence des élections, c’est un véritable déferlement d’images au 20 heures pour nous persuader de ce que nous savions tous : le lien existant entre délinquance, insécurité et immigration.
Une situation délétère qui n’existerait pas si le blocage politique n’avait pas duré quinze ans.
On ne crachera jamais assez sur la tombe de François Mitterrand.
Abécédaires de la bêtise ambiante,
un indispensable d’Alain Soral disponible chez Kontre Kulture :