Le compte Twitter d’Élise Lucet et de son émission “Cash investigation” annonçait dès le 3 avril des révélations fracassantes sur un scandale financier mondial, les “Panama leaks”.

Un listing interminable de 11 millions de noms, personnalités ou sociétés qui ont utilisé des comptes offshore pour planquer de l’argent, ou faire des opérations... tout à fait légales. La distinction n’étant pas toujours très claire pour les journalistes, ce qui ne les a pas empêchés de sauter sur cette affaire comme des morts de faim sur une carcasse. Car cette affaire tombée toute crue dans leur escarcelle semble déchirer un voile sur la finance internationale et ses flux. Mais semble, seulement.

Manon Aubry, spécialiste de l’évasion fiscale pour l’ONG Oxfam :

« Mossak Fonseca est un facilitateur d’évasion fiscale. Elle le fait de la manière la plus légale possible. Mais derrière il y a aussi des banques qui facilitent qui jouent le role d’intermédiaires entre les riches qui veulent frauder le fisc et les banques. C’est un réseau plus complexe qui va au delà de Mossak Fonseca. »

Car en réalité, un consortium de 108 rédactions (avec la Open Society Foundations de George Soros dedans !) de grands médias dans 76 pays, a hérité de cette liste via un cabinet panaméen, Mossack Fonseca, spécialisé dans la domiciliation de sociétés offshore, qui recouvre les années 1977 à 2015. Un sacré coup de pouce éditorial du destin ! Enfin, les médias vertueux visualisent et attrapent en flagrant délit les tenants de la finance noire mondiale ! Pour allécher le chaland, les quotidiens de chaque pays choisissent les noms qui vont frapper l’entendement, dénonçant les mauvais citoyens qui ont eu recours à ces montages, histoire de mettre leur argent (forcément mal gagné) à l’abri des services fiscaux. Ainsi, on apprend que Michel Platini, déjà en délicatesse avec la FIFA (il est banni des instances internationales du football pour 8 ans, mais fait actuellement appel de cette décision), a utilisé ces circuits financiers opaques ; que le génie de Barcelone Lionel Messi est dans la boucle (mais les spécialistes savaient qu’il pataugeait déjà dans la tourmente fiscale), jusqu’au puissant Patrick Drahi.

Léa Salamé : « Vous avez dit on a tapé toute une sorte de noms...  »

Jérôme Fenoglio : « C’est comme ça qu’on fait dans une base de données aussi large. »

Mais c’est là que les choses se corsent : le directeur en personne du Monde depuis juin 2015 Jérôme Fenoglio vient défendre ce dossier devant Léa Salamé ce lundi 4 avril au matin sur France Inter, dans la matinale de Patrick Liste Noire Cohen (tiens, encore une liste noire).
Un directeur qui explique que pour trouver ces noms, jetés à la vindicte populaire, les journalistes ont fait des recherches actives dans le listing géant. En d’autres termes, ils ont entré des noms pour savoir s’ils « matchaient » avec ceux de la liste.
Bingo pour Platini, Messi et Drahi. On rappelle que Drahi, le nouveau papivore de la presse française, qui vient en moins d’un an (de l’été 2014 à l’été 2015) de racheter le mourant Libération, le puissant hebdomadaire L’Express et le groupe audiovisuel qui monte BFM-RMC, en ce sens, constitue un concurrent direct du groupe Le Monde. On rappelle aussi que ce dernier, sous la houlette de Jean-Marie Colombani, avait longtemps cherché à racheter l’hebdomadaire L’Express à Vivendi (qui le vendra au groupe Dassault), mais sans succès. Le nom de Drahi n’est peut-être pas lâché au hasard.

Poutine, l’homme qui valait deux milliards

Cependant, le nom le plus frappant, est bien celui du chef du Kremlin : Vladimir Poutine en personne ! Ça alors, le maître de toutes les Russie, le nouveau Tsar, l’homme par qui l’équilibre du monde est bouleversé, celui qui a tapé du poing sur la table en Syrie, obtenant en moins de six mois le reflux de l’État islamique, alors que la coalition occidentale traînait des pieds depuis des années, entre effets d’annonce et soutiens à la rébellion anti-Assad, quand ce n’est pas aux factions d’al-Nosra ou de Daech…

Eh bien Poutine serait un multimilliardaire utilisateur de ce système maudit, responsable de la crise mondiale, de l’anéantissement du travail et des valeurs par le dieu (ou le diable) Argent. Autant dire le retour du bolchevique sanguinaire, destructeur de la civilisation avancée. Oui mais voilà, comme pour Drahi (dont nous ne sommes pas les défenseurs, entendons-nous bien), on renifle une petite manip de la Pravda française, l’autre nom du quotidien vespéral numéro un : Poutine est l’ennemi à abattre de la rédaction du Monde, qui multiplie depuis des années les unes et articles à charge. Jusqu’à l’absurde, jusqu’à l’écœurement. Idem pour le Guardian britannique (voir la une du jour ci-dessous), qui donne le la de la presse d’outre-Manche. On n’est donc pas surpris d’apprendre que le président de la fédération de Russie cache un sale capitaliste transfrontalier qui mange grassement sur le dos du peuple russe, dont la souffrance historique n’a pas de fin.

Poutine, Assad et Balkany

Fenoglio lance ses accusations chez Patrick Cohen :

‏@franceinter @lemondefr #PanamaLeaks : "D’une façon ou d’une autre, Poutine est impliqué dans des opérations au Panama"

@franceinter #PanamaLeaks : "Le grand argentier du régime syrien, cousin d’Assad, a protégé une immense fortune au Panama"

Avec Bachar al-Assad, l’autre bête noire du Monde, qui l’a enterré ou tenté de l’enterrer un nombre incalculable de fois depuis le début de la guerre d’agression en Syrie en 2011, la coupe est pleine. Du coup, sur les réseaux sociaux qui ont d’abord relayé comme un seul homme le « scandale du siècle », des messages commencent doucement à remonter, qui instillent le doute, et posent question.

On se demande pourquoi il n’y a pas d’Américains dans la liste (questionnement entre autres du député Thierry Mariani), alors que les États-Unis concentrent le plus grand nombre de milliardaires susceptibles de cacher leurs profits dans le monde… Ne parlons pas des grands argentiers de la City ou d’Israël, ce serait inconvenant. Naturellement, E&R n’a pas touché la fameuse liste, pour lancer ses propres recherches, avec une petite sélection de mots-clés « maison ». De toute manière, même en insistant, le Consortium international des journalistes d’investigation, à l’origine des révélations, ne voudrait pas de nous. Si des journalistes du Monde et du New York Times figurent en bonne place dedans, aucune chance qu’on y soit.

En ce qui concerne le cas Poutine, Fenoglio, sous le feu des questions de Salamé, modère quelque peu son jugement : « Il est pas impliqué absolument directement ». Mais il accuse « ses proches »… Heureusement, il reste encore des cartouches idéologiques au directeur du grand quotidien indépendant (de quoi ?), puisqu’il annonce, dans un silence lourd de sens, que son journal « révèle le nom d’un grand parti national français ». Seigneur, serait-ce le Front national ? Avec Poutine, Assad, Le Pen, il ne manque plus qu’Hitler et Staline !
Et, dans un grand élan qui sent l’unanimité de la Vertu contre le Vice, tous les journalistes en vue d’y aller de leur commentaire :

Mondialisation très orientée du journalisme d’investigation

L’enquête sur les paradis fiscaux a été faite par des « anciens de la CIA, du Département d’État », accuse le Kremlin.

Cette gigantesque (2,6 To de données scannées par 370 journalistes) opération de transparence mondiale, qui balance la main sur le cœur aux peuples du monde entier les noms des responsables de l’ignominieuse financiarisation de la planète, accouche donc de quelques dizaines de souris déjà cramées médiatiquement, surtout connues du grand public pour leur nocivité du point de vue de l’Empire. Une opération de com et de pseudo-transparence qui marque une fois de plus la coupure entre l’information faussement non-alignée – le dernier avatar de l’information officielle –, et l’information vraiment non alignée.
Ici, nous avons affaire, en définitive, à du politiquement incorrect… correct !