Antioche, cité paisible et multiconfessionnelle à la frontière turco-syrienne avait été érigée en « capitale mondiale de la paix » par le Premier ministre turc Erdogan à l’époque où son credo était : « Zéro problème avec les voisins ».
[Photo : En 2012, manifestants pour la paix à Antakya, près de la frontière de la Turquie avec la Syrie, sous la bannière « Al-Qaïda, la CIA, le Mossad. Nous ne voulons pas des assassins sanguinaires dans notre ville ».]
Erdogan voulait alors se servir d’Antioche pour séduire l’UE dans le cadre de son projet d’adhésion.
Depuis, beaucoup d’eau, de larmes et de sang ont coulé sous les ponts de l’Oronte, le fleuve qui prend sa source au Liban, baigne l’Ouest syrien et traverse la ville d’Antioche (Antakya).
Cette ville mythique est devenue sous l’égide d’Erdogan un véritable port franc du terrorisme international.
La fixation paisible de militants d’Al Qaïda dans une ville située en Turquie, pays-membre de l’OTAN et protectorat américain, a de quoi surprendre.
On se souvient qu’après les attentats du 11 septembre 2001, Washington a mis le feu à la planète au nom de la guerre mondiale contre le terrorisme et contre Al Qaïda.
Or, des milliers de fans de Ben Laden, Mohammed Atta, Mohammed Merah et du groupe Boko Haram prennent l’avion pour se rendre en Turquie au vu et au su de la CIA, du Mossad et de la MIT turque.
La plupart de ces terroristes transitent par l’aéroport d’Antioche ou par sa gare routière pour aller envahir la Syrie et massacrer sa population comme en témoigne cette vidéo.
D’autre part, un véritable commerce de guerre s’est développé dans la ville et le long de la frontière.
Dans les rues d’Antioche et des villes environnantes comme Reyhanli ou Kilis, il n’est pas rare de trouver des armureries fréquentées par des djihadistes syriens et des terroristes « internationaux » affiliés à Daech.
Certains commerçants vendent les uniformes de groupes djihadistes tels que Harakat Ahrar Al Cham ou le Front islamique.
Tout aspirant au djihad en Syrie peut donc s’approprier des armes, des munitions et des uniformes à Antioche comme s’il faisait ses courses dans un supermarché.
Il peut faire le coup de feu en Syrie, massacrer des civils et des soldats syriens puis se replier en toute quiétude à Antioche.
Le 9 mai dernier, la presse internationale a évoqué le cas d’Abou Hamza, un ressortissant marocain installé dans la zone de Lattaquié pour y mener le djihad en famille avec femme et enfants. Abou Hamza s’est retiré du front pour se reposer dans la région d’Antioche en attendant que cesse la guerre inter-djihadiste opposant deux mouvements armés issus d’Al Qaïda.
Les terroristes disposent ainsi de safe houses à Antioche où ils vont jusqu’à recevoir la presse étrangère.
Dans un récent rapport de HRW sur le massacre de dizaines d’alaouites commis par les groupes terroristes à Lattaquieh en août 2013, l’ONG reprochait au régime d’Erdogan de soutenir des groupes radicaux en ces termes : « Les pays comme la Turquie devraient enquêter sur les personnes associées de manière crédible aux atrocités commises en Syrie et éviter d’offrir un sanctuaire aux auteurs de violations des droits humains. »
Depuis, le gouvernement turc n’a cessé d’accroître son soutien aux terroristes anti-syriens.
Plusieurs assauts djihadistes sur le Nord syrien ont été lancés depuis le sol turc comme l’opération de Kessab du 21 mars dernier.
Grâce à un enregistrement secret mis récemment en ligne sur les réseaux, nous savons de la bouche du directeur du renseignement turc Hakan Fidan que son gouvernement a envoyé 2.000 camions remplis d’armes à destination des djihadistes syriens.
D’après plusieurs témoins oculaires cités par la presse turque, même des convois « humanitaires » et des ambulances turques servent au trafic d’armes vers la Syrie.
Le 6 mai dernier, 13 gendarmes turcs ont été déférés devant la 7e Cour d’assises d’Adana pour avoir fouillé des camions suspectés de contenir des armes à destination de groupes terroristes en Syrie.
Ces militaires encourent une peine de prison à perpétuité alors qu’ils n’ont rien fait d’autre que d’accomplir leur mission antiterroriste.
La guerre de Syrie, c’est donc bien le monde à l’envers.
En effet, comment est-il possible qu’aux portes de l’Europe, le terrorisme soit aussi accessible, toléré, banalisé et impuni et qu’à l’inverse, la lutte antiterroriste soit à ce point criminalisée ?
La haine envers une nation arabe résistante comme la Syrie justifie-t-elle une collaboration aussi abjecte entre les Etats occidentaux, le régime d’Ankara et les groupes terroristes anti-syriens ?
Personne n’est dupe. Chacun sait que ce même Occident s’est servi de vétérans nazis durant la guerre froide pour détruire l’ennemi communiste et tous les peuples résistants à son système de domination.
Une recette analogue est appliquée aujourd’hui au Venezuela et en Ukraine où l’Occident soutient ouvertement des groupes fascistes et racistes.
Les théoriciens du complot qui accusent les gouvernements syrien, iranien et le Hezbollah de collaborer avec leurs propres bourreaux pour soi-disant « ternir l’image de la révolution syrienne » devraient faire un tour par Antioche où la CIA et Al Qaïda vivent une véritable idylle sous le parrainage du sultan Erdogan.
Ils découvriront un grand nombre de candidats au djihad issus non pas des prisons d’Assad mais des prisons françaises, belges, britanniques, américaines, saoudiennes et de bien d’autres pays tous aussi préoccupés par l’avènement de la démocratie en Syrie.
A Antioche, il n’y pas que les masques des ennemis de la Syrie qui sont tombés. Il y a aussi leur caleçon.
Bahar Kimyongür
18 mai 2014