La plupart des thèses de Sternhell sont controversées parmi les historiens dits "sérieux" mais, curieusement, comme le souligne Pierre de Brague, le personnage jouit d’un si grand prestige intellectuel que personne n’ose lui porter franchement la contradiction... mais on pourrait en dire autant aujourd’hui de BHL dont on moque les postures sans jamais oser l’attaquer sur le fond. On se contente donc de mégoter sur la méthodologie douteuse de Sternhell sans jamais remettre en question le caractère subjectif et souvent biaisé des conclusions auxquelles il parvient en procédant souvent par intuition et psychologisme historique.
Ce raccourci absurde est souvent emprunté également par les historiens américains et les intellectuels anglo-saxons qui vont encore plus loin en situant en France la matrice originelle du fascisme, de l’étatisme, du communisme, du nazisme bref, de tout ce qui s’est opposé un jour ou l’autre à la démocratie libérale, capitaliste et rationaliste... qui est pourtant elle aussi, en bonne partie, fille de la modernité révolutionnaire.
Curieusement, ces thèses ignorent totalement les apports d’un certain rationalisme scientiste à la pensée fasciste et le fait que les nazis comme les fascistes se réclamaient d’éléments propres à la sphère culturelle anglo-saxone, protestante et germanique (darwinisme, scientisme, etc.). Maurras fustigeait même le nationalisme ethnique dans lequel il voyait le reflet inversé du messianisme juif. Les premiers fascistes n’étaient d’ailleurs pas du tout dans le culte de la "terre et du sang", mais constituaient plutôt une avant-garde esthétique exaltant l’industrie, la guerre technologique, et rapidement convertie au capitalisme comme le prouve très bien l’orientation économiquement libérale prise par le régime mussolinien durant les années 20 et l’hystérie antifrançaise du duce et du fuhrer ! Quant à l’apologie de l’hygiénisme et de l’eugénisme, tout cela ne vient pas non plus d’une soi-disant matrice française, les thèses gobinistes et le sociobiologisme de Georges Vacher de Lapouge ayant été abandonnés ou réfutés de longue date par le courant principal de la droite nationaliste française, antidreyfusards, maurassiens et antisémites carabinés compris... En revanche, ces idées étaient beaucoup plus répandues dans la société anglaise ou américaine, et Hitler avait à l’évidence plus de soutien de l’autre côté de l’Atlantique et de la Manche qu’en France.
Malheur aux vaincus, on ne le dira jamais assez...
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