En Algérie, c’est une course pour la survie qui vient d’être engagée par la famille du président Bouteflika.
Afin de neutraliser par avance toute contestation du président qu’elle voudrait se choisir, l’armée et les forces de sécurité sont actuellement épurées des cadres qui ne lui ont pas fait allégeance. La longue liste des suspects (voir la page 3 de la revue), vient encore de s’allonger avec la mise à la retraite de 12 généraux et de 2 colonels du DRS (les services spéciaux), ainsi que de 14 colonels de la justice militaire.
Deux hommes exécutent la manœuvre décidée par Saïd Bouteflika, le frère du président moribond. Le général Gaïd Salah, chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, est chargé d’épurer l’armée. Le général Tartag a, quant à lui, reçu pour mission de « nettoyer » le DRS de tous ceux qui pourraient avoir conservé des liens avec le général Mediene, leur ancien chef évincé le 13 septembre.
De 1999, date de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, à 2013, veille de l’actuelle crise pétrolière, l’Algérie a engrangé entre 800 et 1000 milliards de dollars de revenus tirés des hydrocarbures. Où est passée cette somme colossale ? Aucune industrie n’a été créée, aucun véritable développement agricole n’a été entrepris. La rue va donc demander des comptes.
Or, ceux qui ont pillé le pays ont fait un pari : la nomenklatura élargie qui a profité de la manne des hydrocarbures n’a pas intérêt à pousser à la déstabilisation politique dont elle serait la première victime. Elle jouera donc la sécurité en se ralliant à celui que le clan Bouteflika aura désigné. Comme la situation régionale est hautement explosive et que l’Algérie est un maillon essentiel dans la lutte contre le terrorisme, les pays européens n’ont pas davantage intérêt à une explosion de l’Algérie, et c’est pourquoi ils entérineront ce choix.
Il n’est cependant pas certain que cela suffise à empêcher de graves événements car, en raison de l’effondrement des cours du pétrole, l’État n’est plus en mesure d’acheter la paix sociale.
Pour calmer la rue, le gouvernement a assuré qu’il ne toucherait pas aux subventions et il a construit un projet de budget 2016 basé sur un baril à 45 dollars [1]. Certes, mais selon la Banque mondiale et le FMI, pour éviter la faillite, l’Algérie a besoin d’un baril à plus de 100 dollars...
Les autorités ne cessent de faire remarquer que l’Algérie a déjà connu ce genre de situation, notamment en 1986, mais qu’elle a toujours réussi à se redresser. La comparaison est abusive car, entre 1986 et 2015, la population algérienne ayant doublé il y a aujourd’hui deux fois plus d’hommes, de femmes et d’enfants à nourrir, à soigner et à vêtir ; or l’Algérie qui ne produit rien, achète tout à l’extérieur... Comment le fera-t-elle dans 18 mois quand ses 150 milliards de réserves de change auront disparu ? En 1986, les importations annuelles n’étaient en effet que de 6 milliards de dollars contre, officiellement, 60 milliards – et peut-être 80 ou 90 milliards – aujourd’hui. Quant aux subventions, elles atteignaient alors 10% du PIB contre plus de 30% aujourd’hui.