Prisonniers de leurs dogmes, coupés des réalités et intoxiqués par une diaspora entreprenante, les médias français ont particulièrement illustré leur nullité partisane à l’occasion de la crise gabonaise. En effet, que n’avons-nous pas lu et entendu sur les « relations louches » et même « incestueuses » entre le Gabon et la France ? Que n’avons-nous pas lu et entendu à propos du « soulèvement démocratique » qui allait emporter le régime Bongo ?
Un retour au réel est donc une fois de plus nécessaire. Il tient en deux points :
1) La « françafrique gabonaise » n’est qu’un fantasme de tiers-mondistes sur le retour. Quelques chiffres vont permettre de le montrer.
Le Gabon est un minuscule pays qui occupe 0,9 % de la superficie de l’Afrique, qui est peuplé par 0,18 % de sa population et qui, économiquement, ne compte pas puisqu’il totalise à peine 0,9 % de son PIB. Les perroquets de presse ne cessent d’écrire que la France y fait de juteuses affaires, les 120 entreprises ou filiales d’entreprises françaises présentes au Gabon détenant environ un quart des parts du marché local.
Des Français font certes des affaires au Gabon, mais cela n’a aucun impact sur l’économie française comme le montrent les chiffres du commerce extérieur :
En 2015, sur 500 764 millions d’euros de biens et marchandises importés par la France, 172,8 millions provenaient du Gabon, soit 0,003 % de toutes les importations françaises.
En 2015, sur un volume de 454 999 millions d’euros de biens et marchandises exportées, la part du Gabon n’était que de 539,3 millions, soit 0,001 % de toutes les exportations de la France.
2) Le « soulèvement démocratique » tellement espéré par les médias français était un mirage. L’affaire gabonaise va en effet se régler « à la Gabonaise », comme à l’époque de « papa » Bongo. Dès l’annonce officielle de sa « réélection » par la Cour constitutionnelle, Ali Bongo a ainsi appelé les partisans de Jean Ping à un « dialogue post-électoral ». Traduction : le « cadeautage » va préparer la voie à bien des ralliements.
Voilà d’ailleurs pourquoi, après des déclarations pleines d’emphase destinées à donner le change, certains sont devenus subitement mesurés dans leurs propos. D’autant plus que, dans le futur « gouvernement d’union nationale », des maroquins seront réservés aux caciques dissidents revenus à la gamelle...
L’erreur des journalistes français fut, une fois de plus, en universalistes qu’ils sont, d’avoir analysé la situation comme s’ils étaient en présence d’une élection dans un pays européen. Or, au Gabon, les deux camps en présence ne s’opposaient pas sur des programmes politiques, mais en raison d’une brouille familiale. Les journalistes n’ont pas vu que nous étions face à une querelle opposant deux ex-beau-frères, Ali Bongo et Jean Ping. Que leur querelle faisait penser à un mélange de Dallas et de Game of Thrones tropicaux dont certains des acteurs seraient sortis de Plus belle la vie ; ainsi, quand Jean Ping, dont le père est Chinois, accusait Ali Bongo de ne pas être Gabonais…
Le plus affligeant est que, n’ayant pas davantage de mémoire que de culture, ces mêmes journalistes vont continuer à se tromper. Ceux qui continuent à les lire ressemblent donc de plus en plus à des cocus complaisants.