Egalité et Réconciliation
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Interview de rentrée d’Alain Soral

A l’aube de cette nouvelle année qui s’annonce stratégique pour E&R, Alain Soral précise dans une petite interview militante, ce que doivent être la ligne et le rôle d’E&R. Il propose d’entreprendre un travail doctrinal autour du concept "gauche sociale, droite sociétale", d’articuler les concepts de régions, d’Europe et de Francophonie, "à partir de la nation" et de tenter de faire de cette doctrine celle du FN de demain. Si possible.


1) Nous, français, éprouvons le besoin d’opposer souveraineté et Europe ou nation historique et régions. Le président Chavez, qui se réclame d’un « nationalisme bien compris », a associé depuis 2004 son pays au Mercosur (le marché commun sud-américain, le Venezuela en est membre à part entière depuis 2006). Ce qui ne l’empêche absolument pas de critiquer et de combattre l’extension de l’ALENA (libre échange nord-américain) au reste du continent (sous le nom de ZLEA). De même Ollanta Humala au Pérou ou le « délégué zéro » n’opposent pas les luttes indigènes et le cadre national large (on trouve sur votre site personnel une citation du commandant Marcos à ce sujet). En Amérique du Sud, les antagonismes historiques sont pourtant encore plus meurtriers et tragiques qu’en Europe, comment expliquer chez nous cette difficulté à « articuler la Nation » ? Comment y remédier ?

Cette difficulté s’explique par l’addition de trois facteurs : un, le centralisme français, deux, deux siècles de guerre entre nations d’Europe où la France joue chaque fois un rôle central et en trois, - le plus important - le rôle pervers joué par l’U.E à partir de ces deux données historiques !
Une Union Européenne qui joue sur la bêtise des réactionnaires - leur phobie du jacobinisme - pour favoriser les séparatismes régionaux contre la Nation.

Une UE qui joue en même temps sur la bêtise des progressistes - traumatisés par deux siècles d’affrontement nationaux, de Napoléon à Hitler - pour détruire les solidarités nationales au nom de l’idéologie du « citoyen du monde ». Une idéologie du « citoyen du monde » qui présida à la « déclaration universelle des droits de l’homme » - matrice idéologique de l’U.E. - elle-même en complète rupture avec la « déclaration des droits de l’homme et du citoyen » fondée sur la nation…

Cette double stratégie « mondialiste », passant par l’anti-nationalisme régionaliste de droite et l’internationalisme européiste de gauche au service de la même mondialisation économique - a produit, depuis un demi siècle, cet antinationalisme à large spectre, partagé par la plupart des réactionnaires régionalistes, des progressistes droits-de-l’hommistes et des libéraux. Un antinationalisme qui rend aujourd’hui difficilement audible, en France, toute pensée qui prétend articuler les régions et l’Europe non pas contre, mais à partir de la Nation. Une Nation qui est pourtant la seule base historique à partir de laquelle construire quoi que ce soit de durable et de populaire en Europe…


2) Egalité et Réconciliation : concept à tiroir, parfois déroutant pour un milieu qui n’est pas très au fait de la dialectique. Pouvez vous une nouvelle fois décliner et définir à qui s’applique l’égalité et la réconciliation ?

D’abord il ne peut pas y avoir de réconciliation sans égalité, sinon il s’agit de soumission, forcément temporaire, l’histoire de l’Algérie française nous l’enseigne… Donc étant admis que l’égalité en droits – le politique ne pouvant statuer que sur cette égalité là - est la condition de la réconciliation, réconciliation entre qui et qui ?

D’abord, puisque c’est, en France, le problème le plus urgent et le plus apparent : Réconciliation entre Français de souche - disons d’origine européenne - et Français d’origine immigrée – entendu par là, issus du sud de la Méditerranée… Réconciliation de tous les Français donc, autour du même amour de la Nation française et de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité… partant du principe, fondé sur la morale et sur la pratique, que je préfère vivre aux côtés d’un concitoyen d’origine kabyle, mais éduqué selon mes valeurs et patriote, qu’au côté d’un Francilien bobo, pourtant Français de pure souche, mais adepte de la gay pride et de la techno parade. Français collabo qui passe sont temps à me dénoncer à la police de la pensée comme nationaliste (via des sites comme « Réflexes » ou « Ras le Front », tous animés par de bons petits blancs).

Réconciliation ensuite au sein du camp national, entre « identitaires » - un peu trop crispés sur l’ethnique - et « républicains » - qu’il ne faudrait pas prendre pour des immigrationnistes - face au Système mondialiste ; puisque le projet de ce mondialisme « trotsko-libéral » (trotskiste pour les valeurs, libéral dans la pratique) est de faire éclater, puis disparaître partout – dans les Balkans hier, demain en France si nous n’y prenons pas garde - la seule opposition réelle à ce mondialisme : à savoir l’opposition nationale. Une opposition nationale qu’un Le Pen a réussi a fédérer en France, via le Front National, et à monter à 18 %, malheureusement au prix d’un grand flou doctrinal que nous payons aujourd’hui…

Réconciliation enfin entre gauche sociale – c’est à dire gauche du travail - et droite des valeurs morales – c’est à dire droite anti-libérale - puisqu’il nous faut, face à Sarkozy, ce qu’il incarne et ce qu’il a mis en mouvement avec sa stratégie d’ouverture à gauche, sortir de ce flou et produire la doctrine anti trostko-libérale qui explique et justifie cette nécessaire réconciliation de la gauche sociale et de la droite des valeurs face au Système UMPS. Une union des déçus de la gauche et des déçus de la droite qui constitue depuis le milieu des années 80 l’électorat du Front national ; la droite des valeurs : respect de la hiérarchie, sens de l’honneur et de la fidélité, conscience du devoir… étant aujourd’hui la condition de la gauche sociale, aussi vrai que la gauche bobo pseudo-humanitaire d’un Kouchner est devenue le moteur idéologique de la droite financière et mondialiste de Sarkozy. Un Système libéral-libertaire, mis en place après mai 68 et passé aujourd’hui, vu l’aggravation de la crise, au libéralisme sécuritaire anti-français, avec comme projet : l’agression de l’Iran, comme réalité : l’écrasement des classes moyennes et, pour nous faire avaler la pilule : le sourire de Carla Bruni à Euro-Disney !


3) La nation qui revient à gauche ou la gauche qui revient à la nation, c’est un peu l’idée qui sous-tend votre démarche actuelle. Pourtant on reproche à E&R de surtout fédérer des vieux routiers de la droite radicale. Est-ce une réalité ? Que répondez-vous à cette objection et à ceux qui la portent ?

Je ne vois pas qui est ce « on », sinon des forumistes gauchistes rompus à la propagande et s’exprimant derrière le confort de leur clavier d’ordinateur. Il suffisait de se rendre à notre université d’été pour constater le contraire : moins de 30 ans de moyenne d’âge, participants pour la plupart issus de la gauche… Et quelques vieux routiers, c’est vrai, de la droite radicale, tellement cohérents dans leur radicalisme qu’il y a longtemps qu’ils ne se considèrent plus comme de droite !


4) Les convergences du « boulangisme », le cercle Proudhon, le néo-socialisme ou même la « gauche vichyste », le nationalisme a déjà connu des tentatives pour muscler son corpus social pour le moins indigent, voir révoltant. Mais, aussi brillants que furent leurs animateurs, il n’y pas en France de continuité du nationalisme social, juste des piques. A l’inverse, on assiste depuis quelques années à la montée d’un populisme ultra-libéral (le Vlams Belang notamment). Quelle est l’alternative possible et comment l’inscrire dans la durée ?

Le Populisme ultra-libral est une idéologie spécifique au monde anglo-saxon : Angleterre, Pays Bas et son voisin flamand… Monde anglo-saxon aux structures beaucoup plus inégalitaires que celles qui fondent la société Française d’avant ou d’après la Révolution de 1789, comme les travaux d’Emmanuel Todd sur la famille le démontrent notamment…

Ce populisme libéral - même si c’est sans doute la mission de Sarkozy de tenter de l’imposer en France au nom de la “modernité“ - a donc peu de chance de s’imposer chez nous. Les scores életoraux de Megret puis ceux de Villiers, qui ont déjà tenté en 2002 et en 2007 d’incarner cette tendance sans jamais dépasser 2 %, semblent l’attester jusqu’à présent, et ce malgré le travail de propagande et de déséducation des médias de masse pour détruire ces fondamentaux dans le peuple.

La France n’est ni l’Angleterre ni la Hollande ni l’Allemagne… alors pour que ce “nationalisme social“ sans théorie raciale et sans problème d’espace vital s’inscrive dans la durée en France, il faudrait peut-être simplement que cette doctrine d‘union de la gauche sociale et de la droite sociétale – adossée à une vision de l‘Europe et de la francophonie – devienne enfin l’idéologie claire et affichée du seul grand mouvement d’opposition français qu’est le Front National. Un Front National qui rassemble depuis 20 ans, sur le plan électoral, les déçus de la gauche sociale et les déçus de la droite des valeurs, sans jamais que les cadres de ce mouvement ne produisent le travail de synthèse et le projet cohérent correspondant à ces aspirations.

À Egalité & Réconciliation, c’est à ça que nous voulons travailler, plutôt que de guerroyer inutilement sur le terrain de la politique politicienne. Tenter de faire de cette doctrine de réconciliation la doctrine du FN de demain, car il nous parait clair que si la ligne nouvelle se limite à la dédiabolisation, il y a malheureusement fort à parier que le FN de l’après Le Pen, subisse le même sort que le PCF après le retrait de Georges Marchais…
Mais je sais Marine suffisament perspicace pour ne pas tomber dans le piège - et la facilité – qui risquerait de faire d’elle notre Marie-Georges Buffet !


Alain Soral, 2 janvier 2008
 
 

Livres de Alain Soral (116)