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Jour de colère des éleveurs

Ils bloquent les routes, attaquent les hypermarchés, mettent la pression sur la grande distribution et le gouvernement : la jacquerie des éleveurs brise la quiétude d’un été chaud. Mais les jeux sont faits : les éleveurs sont pris dans un étau, entre la concurrence mondiale déloyale et la structure inadaptée de leurs exploitations.

 

 

Comparativement à son collègue allemand, brésilien ou américain, l’éleveur français travaille à petite échelle, à moins de 100 bêtes, pour un revenu moyen en dessous du Smic. Peu organisé collectivement, il ne peut tenir tête à la « grande distrib », qui fixe les prix, et étrangle les fournisseurs. Mais la puissance du distributeur n’est pas l’apanage des éleveurs : tout les producteurs y passent. Non, ce qui fait la particularité de l’éleveur français, c’est, paradoxalement, la qualité supérieure de sa viande due à la sous-industrialisation de son entreprise. Si en termes de prix il ne peut rivaliser avec ses grands voisins mondiaux, question qualité, il les bat à plate couture, même si ses vaches ne sont pas exemptes d’engraissement rapide et discret ; sans cela, ce serait la mort de la majorité des exploitations. Les Américains ont leur feedlots, les Français ont l’Italie…

Second paradoxe, la France n’est pas autosuffisante en viande, et doit en importer. D’où la chasse aux factures et autres preuves de traçage des bêtes étrangères (souvent allemandes) dans les hyper et supermarchés, quand les éleveurs font une descente. Plus, évidemment, la question du prix d’achat et de revente (autour de 5€ le kilo pour le bœuf, revendu plus du double).

Et si, au lieu de refaire l’inventaire des problèmes de la filière, nous évoquions les portes de sortie de la crise ?

Elles sont étroites, et sans pitié : la qualité, et le prix. Hausse conjuguée de ces deux facteurs, sans quoi, tout disparaîtra sous la pression de la concurrence déloyale, les portes de l’Europe et de la France étant grandes ouvertes à la production industrielle internationale de viande. Les traités commerciaux à venir ne nous laissent pas le choix : l’Europe est un gruyère. Il y aura donc deux viandes, et deux filières : une pour la grande consommation, l’autre pour un public plus exigeant, sur les critères de traçabilité, d’origines… L’éleveur français de petite envergure doit se réapproprier son terroir, qui est riche, et qui a été abandonné pour tenter de faire du chiffre et du poids. On a vu le résultat. Le modèle productiviste, dans ce domaine, est arrivé à ses limites.

 

 

Personne ne demande ici de boycotter la viande « étrangère », mais de choisir l’éleveur qui a choisi la qualité, qui vendra en boucherie (ce qui n’exclut pas la grande distrib), un peu plus cher, avec des garanties sur les circuits courts production/consommation, un respect de l’environnement, des animaux, et donc du consommateur. Car dans ce conflit, que l’aide très électorale du gouvernement (600 millions d’euros) ne résoudra pas, le consommateur est roi : c’est lui qui fixe la règle du jeu, et peut sauver la filière « qualité ». La consommation est un pouvoir, il est temps que les Français s’en aperçoivent, et l’utilisent à grande échelle. Les class actions sont interdites par le système, pas le boycott. Nous voyons tous l’efficacité du boycott de produits venant de pays qui ne respectent pas certaines règles, qualitatives, ou humanistes, par exemple…

Un jour, il est probable que les consommateurs intelligents seront organisés en syndicats ou corporations, qui auront un poids économique, et donc politique. Par exemple, le syndicat des acheteurs ou amateurs de viande de bœuf pourra « tuer » un produit trop mauvais, trop cher pour ce qu’il est, ou mensonger. Quel producteur pourra résister à un tel boycott ? Quel distributeur osera proposer dans ses rayons un produit mort-né ? Les consommateurs de viande, en attendant ce bras de fer, doivent aujourd’hui prendre en main le sauvetage de la filière. Quant aux éleveurs, accusés de tous les maux, jusqu’à se faire taxer d’empoisonneurs par des médias mal informés ou tordus, ils doivent privilégier la qualité et le terroir, car la bataille de la quantité est perdue d’avance.

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Sur le règne de la quantité, voir aussi :

À lire, chez Kontre Kulture :

Soutenir les productions agricoles et artisanales de qualité
avec notre partenaire Aubonsens :

 
 






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28 Commentaires

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  • #1235280
    Le 24 juillet 2015 à 22:48 par petit-chat
    Jour de colère des éleveurs

    Les éleveurs se trompent de cible. Qui a pris, et a renouvelé, des sanctions contre la Russie sans tenir compte des conséquences sur le pays le plus "agricole" d’Europe ?
    Les Bonnets Rouges, eux, ne s’étaient pas trompés de cible en voyant leurs entreprises mourir...
    L’affameur, c’est l’État avec ses subventions, ses règlementations, ses normes. En Nouvelle Zélande, ils l’ont bien compris.

     

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    • #1235905
      Le Juillet 2015 à 11:12 par Antidote
      Jour de colère des éleveurs

      Comme l’indique Pierre-Yves Rougeyron. « Dans les années 60, c’est le ministre qui fixait le taux de marge de la grande distribution », et il y avait un regard sur toute la chaine de distribution, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les gens au pouvoir en France, ou « les affameurs » ne travaillent que dans l’intérêt de l’usure et de la rapine des lobbys qui détiennent la grande distribution.
      Entretien : Pierre-Yves Rougeyron
      https://www.youtube.com/watch?v=urt...

       
  • #1235303
    Le 24 juillet 2015 à 23:16 par Luciole
    Jour de colère des éleveurs

    Il serait temps de dire que ce n’est pas que les conséquences de la crise économique mais la combinaison de la crise économique qui va permettre l’instauration du TAFTA ainsi que les sanctions Russes concernant l’importation et l’exportation des produits agricoles et laitiers .

     

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  • #1235309
    Le 24 juillet 2015 à 23:23 par laurent71
    Jour de colère des éleveurs

    comment faire un choix de qualité pour le consommateur lambda quand le traité transatlantique interdira l’étiquetage spécifique au nom de la lutte contre les barrières non tarifaires(choix de vie)...

     

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    • #1235452
      Le Juillet 2015 à 09:26 par Jayjay
      Jour de colère des éleveurs

      Tout a fait d’accord .
      Agitation syndicaliste organisée de toute pièce afin de légitimer la nouvelle "normalisation" du TAFTA à venir .
      Une fois que ces agriculteurs (FNSEA) manipulés auront bien fait chier le monde pour 4 centimes sur le litre de lait , qui voudra prendre la défense des autres agriculteurs privilégiant d’autres filières lorsque ce traité ultra libéral les empêchera tout bonnement de travailler ?

       
  • #1235519
    Le 25 juillet 2015 à 12:10 par dixi
    Jour de colère des éleveurs

    Il y a un choc de 2 mondes :
    1/ l’agriculteur et sa petite ou moyenne exploitation qui est la pour avoir de bon revenus et pouvoir en vivre décemment ,en faisant de bon produits.
    2/ l’industriel ,le transformateur,l’acheteur,la grande surface,sont la pour faire du fric ,augmenter leur revenu ,sans se soucier du produit qu’ils vendent ou transforment .La seule chose qui importe pour eux est LA MARGE .point .
    Soit le consommateur est prêt à bouffer de la merde, ou alors il essaye de continuer ,avec ses moyens de faire vivre le petit producteur ,car je pense que c’est un combat qui est vital et nous concerne tous.

     

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  • #1235637
    Le 25 juillet 2015 à 16:38 par Le duc
    Jour de colère des éleveurs

    Je viens de lire que la qualité, c’était "abstrait". On vit bien dans le même monde ? Il n’y a rien de plus concret, et de plus difficile, que la qualité. Mais c’est du difficile durable.

     

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  • #1235711
    Le 25 juillet 2015 à 20:39 par Sous-Citoyen
    Jour de colère des éleveurs

    Le consommateur est libre de bouffer de la merde ou pas. Après tout, s’il est veut bouffer de l’OGM, du bœuf au hormone made in USA (TAFTA), libre à lui, s’il est assez con pour ça. S’il refuse de payer un peu plus cher sa viande française, c’est son choix.

    Nous ne sommes pas de gros mangeurs de viande mais nous allons une fois par semaine chez notre artisan (maître) boucher. Nous nous sommes permis, un jour, de lui demander la provenance de sa viande. Il n’a pas hésité à nous montrer sa paperasse et avons pu constater que sa viande bovine provenait de vache limousine, ses poulets sont véritablement fermiers, etc... Nous n’en demandions pas autant.

    Il y a des gens sérieux qui travaillent bien. Certes il faut y mettre le prix. Or, j’ai plusieurs fois constaté que ses jambons (blanc, serrano,...) étaient moins cher chez lui que les produits vus en supermarché.

    Les consommateurs savent lire et savent très bien ce qu’ils donnent à bouffer à leurs gosses et à eux même.

    J’explique toujours à mes enfants pourquoi j’achète la viande (soutient à la filiale de notre pays) chez le boucher et pourquoi j’achète les légumes, que je ne cultive pas, chez notre maraicher local. La majorité des légumes que nous consommons, je les cultive dans mon potager (120 m2 pour 2 adultes et 3 enfants).

    Nous nous en sortons très bien ainsi puisque nous sommes Smicards.

    Il faut donc un minimum de volonté de la part des consommateurs mais plus je fais de commentaires ici et là, plus j’ai l’impression d’être un extrémiste.

    Je ne vous dis pas bon appétit mais plutôt bonne chance devant vos assiettes.

     

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  • #1235774
    Le 25 juillet 2015 à 23:04 par Rey
    Jour de colère des éleveurs

    Dans le lait il y a du pus , dans la viande des vaccins et des antibiotiques. Agriculteurs faites des légumes bio et vendez les plus cher.

     

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    • #1235783
      Le Juillet 2015 à 23:36 par laurent71
      Jour de colère des éleveurs

      @Ray, évite de raconter des bêtises, va travailler chez des producteurs et tu verras bien ce qu’il y a dans ton assiette. les normes de qualité bactériologique en lait et en viande sont des obligation de résultat APRES analyse les normes bactériologiques sont trop basses pour laisser passer une mammite sur 100 vaches et les antibiotiques sont recherchés à l’état de traces. si tu bois du pu et que tu mange des antibios plains toi auprès des responsables qui ne sont pas les producteurs français.

       
  • #1235851
    Le 26 juillet 2015 à 05:42 par DavidR
    Jour de colère des éleveurs

    Je comprends le désarroi des éleveurs, ils sont les perdants dans un système industriel et de libre échange qui s’est mis en place depuis 30 ans. Je suis végétarien aussi je ne devrais pas me sentir concerné et même me réjouir de la "crise" que traverse les éleveurs qui bons ou mauvais envoient tous les bêtes qu’ils aiment à l’abattoir pareillement.

    Mais je sais ce qui va remplacer ces éleveurs perdants ; l’élevage industriel, qui est l’ennemi commun à abattre et contrairement à ER, je ne me résoudrai pas à accepter cette fatalité et je ne suis pas le seul. Pourquoi ?

    L’élevage représente l’industrie la plus polluante et la plus destructrice de l’environnement à ce jour. L’élevage industriel réclame des quantités astronomiques d’aliments 80% de céréales, qui monopolisent 29% (un tiers) des surfaces terrestres sous forme de pâturages et de cultures ; 2/3 des terres agricoles dans le monde sont consacrées à l’élevage ou à la production d’aliments pour le bétail.

    La France est le premier importateur européen : 22 % du soja exporté par le Brésil lui est destiné. Du soja transgénique...Une alimentation sans produits animaux émet de 7 à 15 fois moins de GES qu’une alimentation qui contient de la viande et des produits laitiers.

    En moyenne, une alimentation carnée nécessite plus de 15 000 litres d’eau par jour et une alimentation végétarienne 5000 litres. À titre de comparaison, 1 kg de bœuf équivaut à une année de douche.

    Une diminution importante de la consommation de viande. Ce serait aussi efficace que de diviser par deux le parc automobile mondial - GIEC. La consommation de viande en Europe et en France est une cause de la déforestation en Amérique du Sud, 80% de la déforestation en Amérique Latine est lié à l’élevage.

    En France, 90% des nappes phréatiques sont polluées par les pesticides (cultures) et les nitrates (lisier). 22% des émissions de méthane proviennent du lisier, des flatulences et des éructions du bétail ; l’élevage représente plus de 15% de tous les rejets de gaz à effets de serre devant toute l’industrie automobile.

    Bref, au niveau écologique, il est prouvé que l’industrie mondiale de la bidoche, est un désastre. Et je n’évoque pas la souffrance de milliards d’animaux...

    Rêver d’un autre modèle de qualité et de terroir à défendre pour une élite qui a les moyens, réduire sa consommation de viande pour n’acheter que de la qualité, si cela peut donner bonne conscience, c’est très bien, mais ce ne sera pas suffisant.

     

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  • #1235852
    Le 26 juillet 2015 à 05:44 par Je ne suis pas charlie
    Jour de colère des éleveurs

    La politique de la ferme des 1 000 vaches, c’est bon pour qui, l’industriel ou le petit agriculteur ?

     

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  • #1235868
    Le 26 juillet 2015 à 09:08 par ccristo
    Jour de colère des éleveurs

    Les politiques n’ont rien à faire de la situation des agriculteurs, celle-ci dure depuis des années. Pourquoi ne pas s’organiser pour contrer la grande distribution ? Il pourrait être judicieux de réaliser des magasins où il y aurait tout sous le même toi (épicerie viande légume) mais seulement avec des producteurs 100% Francais. Réaliser un grand partenariat entre les différents agriculteurs et artisan. II n’y aurai plus besoin d’intermédiaire de grande surface, ce qui permettrai de fixer eux même leurs tarifs et de réaliser leurs propres marge. Le consommateur lui viendrait pour les même choix qu’en hypermarché mais avec des produits de bien meilleurs qualités. Je serai partant d’établir ce projet.

     

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