Il n’y a pas de nouvelle information à proprement parler. Car tout le monde dispose, en temps réel et quasi-gratuitement (pour le prix d’un mobile, d’un peu de pub, ou d’un abonnement FAI) de toute l’information événementielle mondiale, nationale, ou locale. Voilà pourquoi tous les quotidiens mainstream sombrent ensemble, dans un joli mouvement solidaire. La différence se fait sur l’interprétation de ces informations, E&R ne voyant pas exactement les choses comme Libération, par exemple. C’est cette pluralité des interprétations et non plus des informations (désormais acquise) qui est la garantie d’une certaine pluralité d’expression, même s’il faut la gagner. Car s’il y a plusieurs interprétations d’un même événement, il y a une seule interprétation officielle, dominante, agressive. Le libéralisme aime la concurrence, sauf dans l’information.
- L’angoisse informationnelle, ou comment trier
la montagne d’informations
Si quelques informations demeurent cachées, parce que désagréables ou dangereuses pour notre système médiatico-politique, on finit toujours par contourner les barrages et les trouver. On peut donc considérer qu’on a accès d’une manière ou d’une autre à une masse suffisante d’informations pour faire sa cuisine. C’est ensuite que surgissent la difficulté, le risque, la complexité, et l’idéologie. Car c’est la relation entre deux informations qui fait une interprétation. Relation chronologique (empilage), historique (profonde), horizontale (contemporaine), causale (A->B) ou cybernétique (l’effet joue sur le facteur).
La nouvelle information est un agencement nouveau des informations factuelles ou événementielles dont tout le monde dispose. C’est un puzzle différent, qui doit faire ses preuves, en donnant aux gens une vision du monde plus proche de la vérité, donc plus efficace pour penser et agir. N’importe qui peut dire « de Gaulle était vendu aux Américains », encore faut-il que cette « information » fonctionne. La nouvelle information interprétative doit prendre en compte un maximum de faits et d’événements. Si elle n’arrive pas à englober un fait qui appartient pourtant à son champ d’action ou d’intelligence, alors elle ne vaut rien, perd sa viabilité, ou doit être remaniée. En tant que loi, elle doit être valable pour tous, pour toutes les informations de son champ, sinon il faut lui créer des décrets d’application. En physique, ce sont les conditions initiales.
- Information perdue cherche partenaires
La guerre actuelle des interprétations a deux buts : un, la vérité, ou approchant, deux, le pouvoir. Le pouvoir sur les esprits (hypnose de masse). Car une interprétation cohérente et éclairante vaut un gain de terrain cérébral dans le public. Ceux qui réussiront à convaincre une majorité de cerveaux disposeront de l’influence la plus grande, et d’une armée peut-être sans armes, mais difficile à battre… intellectuellement. Et malgré ce qu’on croit, il est quasiment impossible d’empêcher quelqu’un de penser dans son for intérieur : la parole publique – sous surveillance et sous pression du discours dominant – n’étant pas forcément la traduction de ses pensées propres. L’adaptation, ou soumission, n’est souvent qu’apparente. Beaucoup n’en pensent pas moins et serrent les dents.
On peut dire qu’une interprétation est la fonction dérivée d’au moins deux faits. L’interprétation correcte attire à elle, comme un aimant, toutes les pièces de métal de son champ d’action.
Notre proposition : l’interprétation fait partie du niveau d’organisation supérieur de celui des informations… perdues, car isolées, sans attache, dé-structurées. Au-dessus des informations éparses, il y a l’ensemble des interprétations, qui forme la grille d’explication du monde, ou idéo-logique, dans son sens premier.
Si une interprétation marie deux ou plusieurs informations, et ainsi de suite, les interprétations obtenues se doivent aussi cohérence entre elles, elles qui rendent ou tentent de rendre les faits qui surgissent de partout et nulle part rattachables, compréhensibles. Si l’imbrication des interprétations mène à des aberrations ou des impossibilités logiques (« le 11 septembre c’est Ben Laden… proche de la famille Bush »), comme une pièce de puzzle mal placée, il faut alors revoir l’interprétation, qui est soit fausse, soit incomplète.
- Le magazine Time annonçant sa propre mort
À moins de tordre la pièce. C’est là qu’intervient la politique, via l’idéologie dominante. Les pièces tordues, c’est ce qu’on trouve aujourd’hui à profusion dans la presse mainstream, et qui met la puce à l’oreille des lecteurs. On pense à la mort de Ben Laden et son « inhumation » océanique, une des plus belles pièces retaillées (après coup) de ces dernières années. C’est énorme, à la limite du risible, mais les relais médiatiques ont fait leur travail servile de relayeurs d’énormité. La puissance – c’est-à-dire les médias qui parlent d’une seule voix – qui entraîne la persuasion, est un élément à prendre en compte.
Actuellement, la grille d’explication globale officielle génère tellement de pièces mal ajustées que certaines d’entre elles sont retaillées, pour se conformer au schéma pré-imposé, tandis que d’autres sont oubliées, maintenues dans l’obscurité, déclarées dangereuses, ou empoisonnées. Une seule pièce vous manque, et tout est dépeuplé, disait le poète. Aujourd’hui, les informations nuisibles à la grille système s’accumulent dangereusement à sa marge. Leur charge explicative volontairement ignorée est telle qu’une fois assemblées, c’est au contraire elles qui décrochent les pièces mal ajustées du système à elles ! Traduction : la marge dépouille informationnellement le centre.
Pour revenir dans le concret, « l’explication E&R » dépouille aujourd’hui « l’explication Libé », déficiente, de pièces entières : ces dernières ne tiennent ensemble que par la persuasion, la culpabilisation et la saturation, non par l’intelligence. Les mariages forcés finissent toujours mal. La vérité, elle, fonctionne toute seule, comme un noyau agrégeant, pratiquement sans effort. C’est pourquoi médiatiquement, les pauvres peuvent battre les riches. Et aujourd’hui, ces éléphants que sont les médias riches mordent la poussière, abattus par des pygmées rompus à la guérilla informationnelle.
Rappelons qu’il n’y a pas de mauvaise pièce, uniquement un mauvais placement, ou apparentement (on met tout de suite de côté la structure en simple empilement des pièces du puzzle, la pire de toutes, celle des journaux télévisés). Ce sont alors le puzzle et la pièce qui souffrent. De la même façon, les humains qui souffrent sont ceux qui ne sont pas à leur place. Le niveau d’organisation supérieur décide alors lui-même d’un nouvel agencement des faits. Dans notre société, les élites ont voulu prendre la place de Dieu (le coup d’État divin permanent), mais ne peuvent remplacer la Vérité. C’est la conception purement imaginative du réel. Le cerveau possède suffisamment d’éléments pour composer de nouvelles structures de compréhension et chercher les faits qui ont pu lui échapper, ou pour les vérifier.
On peut donc partir des faits (la souffrance ouvrière) pour construire une interprétation du monde (marxisme), ou faire des hypothèses théoriques et les vérifier ensuite. Ce sont deux jeux mentaux, l’un étant basé sur l’analyse (remontée pyramidale à partir des faits), l’autre sur la synthèse (descente de la théorie unitaire vers le réel multifactoriel). Cette interaction permanente permet à la fois de corriger les erreurs et d’avancer, de nettoyer et la structure des interprétations erronées (par rapport au reste des interprétations), et les interprétations elles-mêmes. L’erreur étant ici la bienvenue, en tant que source d’amélioration et de consolidation de la théorie interprétative. Ce système, qu’on appelle aussi Esprit, est dit autonettoyant.
Nous sommes dans l’abstraction, l’abstraction du réel, c’est-à-dire la découpe de morceaux du réel pour recomposer en esprit un monde non pas identique, mais bijectif, et ainsi com-prendre les faits. Les faits génèrent des idées, qui les rassemblent et les organisent, mais les idées à leur tour génèrent des faits nouveaux (hypothèses/expériences), c’est-à-dire des actions. On monte en complexité. C’est le schéma d’enrichissement du dedans ET du dehors, du dedans par le dehors et du dehors par le dedans, la dynamique de la boucle action/pensée/action, ou pensée/action/correction, la pensée n’étant jamais première. Au final, la pensée est sa propre correction.
Les systèmes de pensée ou idéologies qui fonctionnent sont ceux qui, à l’image les hypothèses scientifiques en avance sur leur temps, tiennent la route dans le temps. Mais avoir raison avant les autres ne suffit pas. Car un système de pensée nouveau porte généralement atteinte à une structure de pouvoir. C’est par exemple le cas de la proposition politique patriotique de Jean-Marie Le Pen, d’une cohérence de granit, qui malgré ses 30 ans d’avance a été combattue, jusqu’à ce que… tout le monde finisse par piocher dedans, en laissant quelques éclats de côté. Survie politique oblige. Ceux qui marginalisent une telle proposition peuvent gagner provisoirement, mais au bout du compte perdront le réel, et le futur : c’est l’exemple socialiste. La proposition informationnelle nouvelle peut donc être totalement diabolisée, mais la force des choses fera qu’elle sera découpée et ingérée par morceaux dans le jeu politico-médiatique, voire philosophique. A contrecœur, mais elle sera intégrée, et sous des habits acceptables. La société ne peut digérer brutalement de telles avancées.
Sans tomber dans l’autopromotion vulgaire, la logique E&R est dans ce cas : aujourd’hui diabolisée, elle sera probablement demain acceptée par morceaux, les récupérateurs minimisant sa « violence », qui n’est que la différence et la supériorité du nouveau modèle sur l’ancien. Or le Christ disait que si l’on coud une pièce neuve sur le vieil habit, la pièce neuve se déchire. On souhaite bien du courage à ceux qui sont devenus malgré eux des menteurs, des truqueurs et des dissimulateurs, pour les plus cyniques, les autres étant tellement intoxiqués qu’ils croient détenir une vérité, alors qu’elle fait chaque jour la preuve de sa faillite explicative. C’est l’impasse de la gauche socialiste actuelle.
L’autre moyen de repérer une erreur ou une pièce mal placée dans une grille de lecture des événements, c’est l’impasse morale. Un système d’interprétation menant à une situation amorale (souffrance ou déficit informationnel pour la majorité) a peu de chance de tenir dans le temps. Il y a donc le quantitatif, on l’a vu, et le qualitatif. Ainsi le mensonge couvrant la trahison du monde ouvrier est-il à l’origine de la chute programmée du PS (après celle du PC) – malgré la tentative de remplacement de cette base électorale « automatique » par un agglomérat de minorités à exigences clientélistes – et à l’origine de la montée en puissance du FN par le principe des vases communicants : en politique, rien ne se perd, tout se transforme. La France est toujours un pays de petits employés, du primaire (de moins en moins), de l’industrie (en baisse) ou du tertiaire (en hausse). La réalité française n’est pas seulement le cadre bobo du Xe arrondissement parisien, qui intéresse les médias en priorité pour son potentiel consumériste, mais aussi le savoyard qui fait paître ses moutons dans la montagne l’été, et qui devient pisteur l’hiver pour touristes, dont le bobo du Xe. La France est un ensemble, qui ne peut et ne doit être morcelé.
Alors quel système politique pour une grande majorité de Français, sans faire levier sur une minorité émissaire ? Notons ici que la protection quasi-automatique du bouc émissaire établie par le pouvoir français pro-sioniste (c’est plus prudent et précis que « sioniste ») a conduit à une perversion inattendue : le bouc émissaire d’hier se permettant de graves atteintes à la liberté d’expression de la majorité sous prétexte de souffrance passée sacralisée, de souffrance actuelle hyper médiatisée, voire de souffrance à venir. Sans vouloir tout ramener au sionisme, car nous essayons d’illustrer notre hypothèse de travail par des exemples politiques concrets, qui au final concernent tout le monde. Le bouc émissaire, devenu intouchable, a pris le pouvoir, dans un pays chrétien, qui tenait à ne discriminer personne. La protection des communautés, qui date de la révolution française, qui ne devait pourtant réunir que des individus sous une nation, sans corps intermédiaires, a dégénéré en tyrannie médiatico-politique d’un groupe minoritaire. Ceux qui prétendent le contraire sont des vendus, des lâches ou des tyrans. Ou des intoxiqués, car les médias dominants ne servent plus qu’à cacher cette prise de pouvoir injuste sur une base morale.
La sanction, heureusement, est sous nos yeux : les médias incriminés meurent de véhiculer mensonges et dissimulation. Il y a une morale supérieure. Pour les hommes bafoués et pressés, qui vivent du mauvais côté de la justice, cette morale est souvent plus lente que leur exigence de justice. Mais la justice supérieure impose son rétablissement à toute forme imparfaite de « justice » humaine. L’injustice ne peut tenir dans le temps. Mais ce n’est pas forcément le temps humain.
La pièce du puzzle politique qui donne actuellement un avantage décisif à E&R dans la guerre informationnelle – et cela a un coût – est évidemment la réalité du pouvoir pro-sioniste. Une pièce qui manque par exemple cruellement au Monde diplomatique, ou à Acrimed, qui ne franchissent jamais la ligne rouge. Une pièce qui brûle, car elle a été chauffée au fer rouge. Les limites éditoriales et les difficultés matérielles de ces titres respectables en sont la sanction. Non pas que tout média doive devenir antisioniste lourd, mais quand on fait l’hypothèse d’un « pouvoir pro-sioniste en France », soudain, les autres pièces s’éclairent. Soudain, toute l’énergie circule entre les pièces. Soudain, beaucoup de choses cachées deviennent visibles.
Mais il ne s’agit que d’une pièce, et elle n’explique évidemment pas tout : nous ne somme pas siono-centrés. Il ne s’agit pas d’une obsession mais d’une hypothèse de travail fertile, qui sera admise par la majorité un jour, puis abandonnée pour une pièce supérieure, plus explicative encore. Pour l’instant, on ne se projette pas si loin. Mais toute grille de lecture vivante étant évolutive, une étape de conscience politique est en passe d’être prochainement franchie.