Egalité et Réconciliation
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Le Journal de la Deuxième Grande Dépression 1.5

1.5

Le chapitre géostratégique

La situation que nous vivons est assez proche de celle observable peu après le krach de 1929. C’est pourquoi, sur le plan géostratégie (un domaine où nous avons peut-être 1 % de l’information nécessaire pour porter un jugement), il est intéressant à ce stade de tirer les leçons de l’Histoire – dans ce domaine-là, au moins, nous savons pas mal de choses. Plutôt qu’une présentation faits/interprétations, je vous propose donc trois parallèles historiques, pour cerner les enjeux à court et moyen terme.

Leçon de l’Histoire : L’arme monétaire fut employée massivement, après la crise de 29, pour contraindre certains pays récalcitrants à s’inscrire dans la géopolitique voulue par le condominium anglo-américain – et c’est ainsi que la finance internationale, pour contraindre la France à adhérer au plan de refonte des réparations allemandes, coupa délibérément certaines lignes de crédit aux alliés orientaux de notre pays. On remarquera donc qu’en fragilisant la périphérie de la zone euro (déjà, il est vrai, très fragile en elle-même), la puissance anglo-américaine déclinante met la pression à l’ensemble des européens.

Leçon de l’Histoire : Dans les années 30, les Etats-Unis et l’Allemagne ont entretenu des liens d’une grande ambiguïté. Le capital américain, massivement investi en Allemagne dans les années 20 (origine du redémarrage économique post-1923) est brutalement rapatrié aux Usa en 1930 (couverture des dettes, exactement la situation actuelle). La catastrophe économique qui suit amène Hitler au pouvoir. Celui-ci prend des mesures de nature à attirer le capital américain (austérité, rigueur salariale), et entre 1933 et 1939, de nombreuses entreprises US investissent en Allemagne – et beaucoup de capitalistes américains, presque jusqu’à la guerre, sont des admirateurs avoués du modèle nazi. Ainsi, le rapport entre les deux puissances industrielles principales de l’époque est largement induit du rapport entre les classes sociales au sein d’au moins une des deux puissances.

On remarquera donc, pour faire un parallèle avec la situation actuelle, que les relations sino-américaines vont être extrêmement perverses, puisque chacun des deux partenaires est à la fois l’adversaire stratégique de l’autre, et cependant son allié obligé – sans la Chine, qui recycle ses excédents en bons du trésor américain, le dollar s’effondre, et sans les importations américaines, la croissance chinoise implose. En l’occurrence, il y a donc une double guerre commerciale et monétaire potentielle : les Américains peuvent menacer de prendre des mesures protectionnistes, les Chinois peuvent menacer soit de dévaluer brutalement le Yuan (ce qui achèverait l’industrie américaine déjà en coma dépassé), soit de modifier leur stratégie en matière de réserves de change. Mais d’un autre côté, il y a aussi des luttes sociales au sein des deux puissances : de la classe moyenne américaine en implosion, qui peut devenir révolutionnaire, et du peuple chinois encore (on l’oublie trop souvent) opprimé par un Parti « Communiste » (en fait « libéral-communiste », aussi curieux que puisse sembler le rapprocher de ces deux termes). C’est donc à l’aune des possibilités d’alliance entre les classes dominantes chinoises et américaines contre leurs peuples respectifs qu’il faut, peut-être, penser les relations entre les deux puissances.

Leçon de l’Histoire : Historiquement, la crise de 1929 a été amplifiée par le protectionnisme, auquel les Etats sont brutalement revenus pour protéger une industrie nationale confrontée à la rétraction du marché suite à une crise générale de solvabilité. Entre 1930 et 1933, le commerce mondial est divisé par 3,5 environ. Et ce n’est qu’après cette date que les politiques nationales ont été clairement définies.

LA grande question de l’année 2010 sera donc probablement, en amont de la question des politiques économiques mises en place dans chaque zone, si la mondialisation va exploser en plein vol. Historiquement, les prises de décision des capitalismes nationaux sur le mode de gestion de la crise sont venues, dans les années 30, après que l’architecture de la crise eut été dessinée par l’implosion du commerce international.