Le 24 janvier 2018 se déroulait devant la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris l’audience correctionnelle pour le photomontage Macron « En marche vers le chaos mondial » paru sur le site d’Égalité & Réconciliation et relayé par Gérard Filoche.
Le tribunal était composé de Madame Marie-Bérengère Dolbeau-Mazouz et de Messieurs Marc Pintureault et Thomas Rondeau, qui présidait. Madame Annabelle Philippe représentait le ministère public.
Cinq associations s’étaient constituées parties civiles : le MRAP (Jean-Claude Dulieu), représenté par Maître Jean-Louis Lagarde, l’UEJF (Sacha Ghozlan) représenté par Stéphane Lilti, l’AIPJ, dont le Président, Marc Knobel, était présent assisté par le même, la LICRA (Mario Stasi) était représentée par Maître Ilana Soskin et SOS Racisme (Dominique Sopo), représenté par Maître Marie Mercier.
Alain Soral, poursuivi en tant que directeur de la publication du site Égalité & Réconciliation, était assisté de Maître Damien Viguier dont nous publions ci-dessous les conclusions. Le discours d’Alain Soral sera publié prochainement dans la série Les grands procès d’Égalité & Réconciliation, aux éditions Kontre Kulture.
Le délibéré sera rendu le 20 mars 2018 à 13h30. Le parquet a requis cinq mois d’emprisonnement ferme contre Alain Soral.
Note : les contributeurs au financement participatif de Vincent Lapierre peuvent visionner la version intégrale de ce reportage sur leur espace privé.
Le photomontage incriminé, issu de la rubrique « Les dessins de la semaine » du 12 février 2017 (et disponible chez Kontre Kulture !) :
Les conclusions de Maître Viguier
Le 17 mars 2017 le Parquet de Paris recevait de Stéphane Lilti, avocat commun de Sacha Ghozlan, ès qualité de Président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), et de Marc Knobel, ès qualité de Président de J’accuse…, Action internationale pour la justice (AIPJ), le signalement de « la publication d’un photomontage sur le site internet de l’association Égalité & Réconciliation » (ci-après « le signalement »).
Le 21 mars 2017 la SELARL Jérôme Cohen, Huissier de justice associé (176 rue du Temple 75003 Paris) dressait procès-verbal de constat à la requête de l’association Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA, présidée par Mario Stasi).
Le 14 septembre 2017 Alain Bonnet dit Soral était cité devant le tribunal correctionnel de céans (ci-après « la citation »).
Soral conclut à sa relaxe et reconventionnellement à la condamnation des parties civiles.
Sur l’incrimination
Selon les termes du signalement, le délit serait « de provocation publique à la haine et à la discrimination en raison de l’appartenance à une ethnie, une religion ou une race déterminée » et, selon ceux de la citation, d’avoir « directement provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
La citation vise l’article 24 de la loi de 1881, tel qu’il résulte de la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017, en son alinéa 7.
Cette disposition porte que « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personne à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement. »
La provocation à la haine raciale est d’interprétation d’autant plus stricte qu’il s’agit de l’incrimination d’une provocation même non suivie d’effet. Voir Crim. 13 mars 1989, Bull. 118 ; 13 juin 1995, Bull. 217.
L’infraction est d’autant plus délicate qu’il ne s’agit pas avec la haine, la violence et la discrimination, d’actes clairement définis comme le meurtre ou les coups et blessures. L’interprétation de la provocation incriminée doit en être d’autant plus prudente.
Car les débats de fond sur les questions de société, d’intérêt public ou de politique ne doivent pas être interdits, quand bien même seraient-ils nourris d’expressions d’opinions racistes ou antisémites (cf. pro Crim., 6 mai 2003). Ce délit n’a pas pour objet de sanctionner les expressions d’inspiration raciste ou antisémite. Il ne suffit pas que le propos soit « provoquant », au sens où il choquerait.
Il s’agit uniquement de pénaliser les expressions qui visent à provoquer à un passage à l’acte (Tgi Lyon, 24 février 2009). La seule suggestion d’un simple sentiment de rejet ou de haine est insuffisante à caractériser le délit de provocation raciale. Il faut une exhortation à la commission d’actes. Crim. 28 sept. 2004, Crim. 22 mai 2012.
Sur le fait
I. Descriptif de l’image
Dans le signalement l’image est ainsi décrite : « Le candidat à l’élection présidentielle, capitaine au brassard à Dollar (évoquant ouvertement celui des nazis), est présenté comme la marionnette du " nouvel ordre mondial " conduisant au chaos. » Les propositions selon lesquelles 1° le brassard à Dollar évoquerait ouvertement celui des nazis et 2° le candidat serait présenté comme la marionnette du « nouvel ordre mondial » conduisant au chaos ne sont que des gloses du rédacteur du signalement et n’engagent que l’UEJF et l’AIPJ, sous toutes réserves. Et leur pertinence reste à démontrer. L’expression « nouvel ordre mondial » est dans l’œil du glossateur mais ne figure pas sur l’image incriminée. La citation décrit « un photomontage représentant Emmanuel MACRON, alors candidat à l’élection présidentielle, les bras ouverts, porteur d’un brassard évoquant ouvertement celui des nazis mais où la croix gammée est remplacée par le signe du dollar, avec devant lui le globe terrestre et derrière lui les photographies de Messieurs Patrick DRAHI, Jacob ROTHSCHILD et Jacques ATTALI, et les drapeaux israélien et américain. La légende inscrite sur ce photomontage étant "En Marche vers le chaos mondial". »
II. Éléments constitutifs spéciaux de délit de provocation raciale
A. Personne ou groupe de personnes contre lequel il y aurait provocation
D’après le signalement :
Sur la cible de la provocation
cette image, qui dénonce la main mise des juifs dans le monde des affaires, de la finance et de la politique, reprend tous les codes de la pire propagande anti-juive, tragiquement éprouvée par le passé, consistant à dénoncer un programme juif de domination du monde, selon le mythe incarné au début du 20ème siècle par « Les protocoles des sages de Sion ».
Remarques : 1° il reste à démontrer quels sont les codes en question, et en quoi ils sont repris, 2° l’assertion sur la main mise est gratuite et reste à démontrer, 3° tout le reste est à l’avenant. L’épreuve tragique n’est pas précisée, la dénonciation d’un programme ne figure pas dans le photomontage. C’est plutôt le passé récent et l’actualité qui peuvent raisonnablement faire craindre un chaos mondial.
La dénonciation du complot juif résulte objectivement en l’espère [sic] de l’association en arrière-plan :
de trois personnalités juives du monde des affaires, de la finance et de la politique habituellement associés au « complot juif » dont la dénonciation est omniprésente sur internet : Patrick DRAHI, Jacob ROTHSCHILD, Jacques ATTALI, Georges SOROS étant cité dans l’url mais non représenté à l’image,
Ce passage du texte du signalement appelle les remarques suivantes : 1° Sur l’expression « trois personnalités juives » : la confession, l’appartenance ethnique, la religion ou la race des trois personnalités ne sont pas indiquée sur l’image. Rien ne permet de savoir quoi que ce soit à ce sujet. Les représentants de l’UEJF et l’AIPJ, pourraient dire, en précisant bien d’où ils tiennent chacune de ces informations : en quoi consiste la notion de juif, d’une part, et en quoi les personnalités en cause présentent les caractéristiques de cette notion, d’autre part. 2° Sur l’expression « habituellement associés au complot juif » : l’assertion est purement gratuite. 3° L’expression « complot juif dont la dénonciation est omniprésente sur Internet » (nous soulignons) témoigne d’une idée qui relève du trouble obsessionnel. Il n’y a pas « omniprésence » du complot juif sur Internet.
Le signalement poursuit sa démonstration au sujet de la dénonciation du complot juif :
- du drapeau des États-Unis d’Amérique et celui de l’État [sic] hébreux comme autant de « bastions juifs »,
Mêmes questions : pourrait-on dire ce qu’est un « bastion juif », d’où provient une telle idée, et en quoi les deux pays en question seraient tels, et qui a prétendu une telle chose qui n’est pas dans l’image ?
- de billets de banque européens et américains constituant l’instrument du « pouvoir juif ».
Même question que précédemment.
Il ne fait donc aucun doute que cette publication vise l’ensemble des juifs sans exception, à travers toute l’étendue de leur histoire.
Cette conclusion n’a aucun sens, pas plus que la proposition de départ, sensément démontrée selon quoi le photomontage viserait « la dénonciation du complot juif ». En vérité il y a un doute très sérieux.
Alors qu’en réalité le photomontage désigne bien des personnes physiques : Macron, Rothschild, Attali, Drahi, sans appel à la haine, à la violence ou à la discrimination, mais uniquement en délivrant un message critique à teneur politique.
Peut-être que sont désignés les États-Unis d’Amérique ou l’entité sioniste au travers des drapeaux et, pour les États-Unis, au travers du dollar figurant sur le brassard de Macron et par le billet de banque.
L’aire de la monnaie euro également est évoquée par son billet de banque.
Les billets évoquent sans doute plutôt « la banque » ou « le monde de la finance ».
Le NSDAP peut-être est évoqué lui aussi au travers du brassard de couleur rouge avec un rond blanc. Peut-être s’agit-il d’une allusion au IIIème Reich ou à l’Allemagne actuelle et à son hégémonie ?
Mais rien ne permet de déterminer qu’un groupe de personnes serait évoqué, si ce n’est l’un ou l’autre groupe que formeraient par deux, trois ou plus chacune des personnes représentées (par exemple le trio formé d’Attali, Rothschild et Drahi).
Quand bien même on retiendrait l’idée, qui jusqu’à preuve du contraire n’est jamais que dans l’esprit des auteurs du signalement, que Drahi, Attali et Rothschild sont juifs, et qu’ils sont placés derrière Macron, on en déduirait que des juifs (trois) sont derrière Macron, sans pouvoir aller plus loin, c’est-à-dire jusqu’à imaginer que les juifs, tous les juifs, sont derrière ces trois-là.
B. Sur la violence, la haine ou la discrimination qui serait provoquée
Le photomontage semble uniquement l’expression d’une idée politique, peut-être une critique du « nouvel ordre mondial », une dénonciation en tous cas d’un mouvement historique qui est chaotique et qui, s’il se prolonge, mènerait au chaos mondial.
Là encore le signalement procède de manière outrancière et sans aucune raison valable lorsqu’il énonce :
Sur la provocation à la haine et la discrimination
La mention « En marche vers le chaos » ainsi que la représentation d’un brassard évoquant celui des nazis ajoute à la dénonciation criminogène du « complot juif » une claire exhortation à la haine et à la discrimination à l’encontre de l’ensemble des juifs de France, exposés à la vindicte en tant qu’organisateur [sic] et bénéficiaires du « Chaos ».
Une telle publication ne peut avoir d’autre objet ou effet que de susciter de violents sentiments anti-juifs.
C’est surtout cette manière qu’a le signalement de considérer les choses qui est susceptible d’appeler à la haine, à la discrimination ou la violence.
Vont dans ce sens les lignes qui suivent, directement dirigées contre le concluant :
Ces faits appellent une réponse judiciaire rapide, ferme et dissuasive à l’encontre de Monsieur Alain Bonnet dit SORAL, prédicateur de haine, condamné pour les mêmes faits à de très nombreuses reprises grâce à l’action de votre Parquet mais qui persiste à défier la loi, y compris par l’absence persistante de mention de sa qualité de directeur de la publication du site Égalité & Réconciliation.
Ce sont des accusations très graves, qui ne peuvent rester sans sanction.
RECONVENTIONNELLEMENT
Monsieur Alain BONNET subit du fait de l’action infondée exercée contre lui par les parties civiles un préjudice à la fois matériel et moral qui peut être estimé à la somme de 60 000,00 EUROS
V. FRAIS IRRÉPÉTIBLES
L’UEJF, l’AIPJ et les autres parties civiles ont contraint Monsieur Alain BONNET à engager des frais pour se défendre, aussi y-a-t-il lieu de l’en indemniser à hauteur de 3 000 EUROS
PAR CES MOTIFS
De
Relaxer Monsieur Alain BONNET de tous les chefs de poursuite,
Condamner l’UEJF et l’AIPJ à payer à Monsieur Alain BONNET la somme de 60 000,00 EUROS à titre de dommages-intérêts,
Condamner solidairement l’UEJF et l’AIPJ à payer à Monsieur Alain Bonnet la somme de 3 000 EUROS sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale,
Condamner solidairement l’UEJF et l’AIPJ aux entiers dépens
Ordonner l’exécution provisoire,
À l’origine de la plainte, l’avocate et responsable de la LICRA-NET Ilana Soskin :
Pour information, quelques exemples de l’iconographie invoquée par certaines des parties civiles :
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