Je serai heureux de rencontrer enfin certains d’entre vous qui suivez ici mon travail depuis longtemps, ainsi que d’autres qui auront été simplement attirés par les thèmes de réflexion annoncés.
J’ai demandé aux militants qui m’invitent si gentiment d’avoir du temps et de la liberté pour échanger avec les auditeurs et pour étudier soigneusement les objections qui ne manqueront pas de surgir, notamment à propos du tirage au sort. Nous aurons donc l’après-midi. Je tâcherai de décomposer mon propos en quelques courts exposés, pour permettre aux réactions de s’exprimer au plus près des idées.
Pour l’instant, je prévois d’aborder les thèmes suivants (l’ordre de cette première mouture est à revoir, il faut que je trouve un bon plan), avec libre possibilité d’ouvrir les parenthèses que l’on voudra, au fur et à mesure des échanges :
Conférence-débat sur quelques sujets fondateurs dont les élus ne peuvent pas parler.
Introduction : les élus ne peuvent pas débattre — et surtout pas décider — sur ces sujets-là car ils ont, en l’occurrence, par définition, un intérêt personnel contraire à l’intérêt général : ce n’est pas aux élus et aux hommes de partis de régler les questions institutionnelles car ils y sont mécaniquement en situation de conflit d’intérêt, instituant alors des règles pour eux-mêmes, cause ensuite de tous les abus de pouvoir.
À quoi sert une Constitution ?
Sommes-nous personnellement concernés, dans notre vie quotidienne, par la Constitution ? Que pourrions-nous gagner à une meilleure Constitution ?
Quelles sont les institutions clefs d’une démocratie ?
L’exemple passionnant de la démocratie athénienne.
Dans quel régime vivons-nous ? Ni démocratie, ni dictature : nous sommes depuis longtemps dans une redoutable oligarchie (dans une variante ploutocratique). Redoutable parce que ce genre de régime déclenche sans arrêt des guerres un peu partout pour survivre aux résistances.
L’importance des mots pour désigner (ou pas) l’ennemi : stratégie de la novlangue où les mots des résistants sont ridiculisés, salis, et finalement criminalisés et interdits. Par exemple, le concept même de complot : si le mot est discrédité en l’associant systématiquement à la maladie mentale de la paranoïa, tous les dénonciateurs d’éventuels complots bien réels sont facilement discrédités, et donc désarmés. C’est très malin. Autre exemple : ne nous laisser que les mots démocratie et dictature pour caractériser un régime, sans jamais parler d’oligarchie, ni de cleptocratie, ni de ploutocratie, c’est nous conduire à croire que nous vivons en démocratie à partir du constat de l’évidence que nous ne sommes pas en dictature. C’est très malin. Il y a d’autres exemples, comme réduire la gauche à l’antiracisme en négligeant la justice économique et sociale... Nous en parlerons ensemble, je suis sûr que vous avez des idées là-dessus.
Les auteurs du gouvernement représentatif (c’est le nom de nos régimes actuels, partout dans le monde) voulaient-ils, en 1789, instituer une démocratie, ou voulaient-ils au contraire, explicitement, l’éviter à tout prix ? Pourquoi avons-nous oublié cela ?
Comment le Peuple peut-il, concrètement, reprendre (et garder) le contrôle de ses représentants ?
Élection ou tirage au sort ?
Alors que, toujours et partout, l’élection permet aux riches d’acheter le pouvoir politique, le tirage au sort a permis (pendant 200 ans à Athènes, il y a 2 500 ans) — et permettrait encore — de désynchroniser le pouvoir économique du pouvoir politique. Relisez bien, ceci est absolument essentiel.
Vices de l’élection, essentiellement aristocratique : corruptible et corruptrice, elle pousse au mensonge ; et vertus du tirage au sort, essentiellement démocratique : incorruptible et impartial, il ne déshonore pas les perdants.
Besoin sociétal vital d’un processus constituant désintéressé.
Qu’est-ce qu’un conflit d’intérêt ? Préférez-vous un représentant compétent ou honnête ?
Qui est compétent pour écrire une Constitution ? Qui est légitime ?
Et si le sort vous désignait vous, pour participer à une Assemblée constituante ? Impossible ? Souhaitable ?
Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir : ce n’est pas aux Présidents, aux Ministres, aux Parlementaires, aux Juges ni même aux hommes de Partis (autant d’hommes se destinant au pouvoir), d’écrire, de modifier ou de protéger la Constitution.
L’exemple accablant des institutions européennes, point méconnu par point méconnu.
Le point particulier de la création monétaire.
Comment fonctionne la monnaie-dette ?
L’exemple révoltant de la prétendue "Réserve fédérale" américaine.
Les alternatives monétaires. Monnaie permanente, monnaie fondante (pour dissuader de l’accumuler parce que ça en prive les autres). La guerre permanente, centrale, entre travailleurs et rentiers. Et le choix politique qui en découle DIRECTEMENT, entre chômage et inflation.
Le lien entre souveraineté monétaire et souveraineté politique.
Le rôle de la Constitution dans l’exercice réel de la souveraineté. À qui obéissent les forces armées ?
Faut-il vraiment, comme l’analysait Marx, changer le rapport de force avant de changer le droit, ou bien un changement initial de procédure d’élaboration du droit changera-t-il mécaniquement le rapport de force (en empêchant les riches de tricher avec l’intérêt général en achetant le pouvoir politique) ?
Que peut-on redouter du tirage au sort des constituants ? Quelles sont les institutions correctrices connues ou imaginables pour améliorer encore la fiabilité du tirage au sort ? Que peut-on espérer du tirage au sort des constituants ? Y a-t-il déjà eu des expérience réelles ? Comment cela s’est-il passé ?
Tirage au sort partiel ?
Une assemblée élue (la Chambre des Partis, élite professionnelle de la politique, choisie pour ses vertus) ET une assemblée tirée au sort (la Chambre des Citoyens, représentative de la diversité réelle du pays) ?
Et le meilleur pour la fin... :o)
L’institution centrale du référendum d’initiative citoyenne (RIC).
Le RIC était ardemment défendu par Condorcet et fut curieusement oublié par tous ses successeurs (élus).
Modalités et expériences de RIC à connaître. L’exemple encourageant du peuple suisse (populiste =démocratique ?)
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Conclusion, synthèse :
Donc, pour moi, ce qui est central, ce qui est décisif, ce qui est méconnu, c’est que le peuple lui-même, à la base, sans compter sur les politiciens de métier (qui ne soutiendront jamais une idée qui va les mettre à leur tour au chômage), comprenne la priorité absolue du TIRAGE AU SORT pour s’affranchir durablement de la corruption des RICHES : j’observe en effet que, toujours et partout, l’élection permet aux riches d’acheter le pouvoir politique et nous conduit donc fatalement (il n’y a pas d’exception, nulle part) à l’oligarchie, à la rareté voulue et entretenue (et d’ailleurs aux racismes et aux haines, toujours exacerbés en période de pénurie) et à la guerre, en synchronisant le pouvoir économique et le pouvoir politique.
Et le fait, pour les plus riches, d’avoir, en plus de leur immense richesse préalable, pris le contrôle de la création monétaire elle-même, les rend encore plus effroyablement riches et encore plus capables de corrompre facilement n’importe qui, à commencer par les élus, et presque tous les candidats à l’élection. Tout se tient, pour l’instant, dans un cercle vicieux où l’élection permet à la boucle de se boucler en prêtant le flanc (et même en incitant) à la corruption.
À Athènes, il y a 2500 ans, pendant 200 ans (c’est très long), le tirage au sort a permis — mécaniquement, automatiquement — de désynchroniser durablement le pouvoir économique et le pouvoir politique : les pauvres, nombreux, avaient forcément le pouvoir et les riches, peu nombreux, ne pouvaient jamais l’avoir (ce qui mettait les riches philosophes en colère, d’ailleurs). C’est alors un cercle vertueux qui pousse à la vertu (par des contrôles et des sanctions) et gêne la corruption au lieu de la favoriser.
Ma spécificité, c’est d’envisager les alternatives monétaires par la voie des institutions, et plus précisément par la voir d’un processus constituant enfin désintéressé : la première démocratie au monde sera instituée par une Assemblée constituante tirée au sort, qui prévoira à coup sûr la garantie que la monnaie ne peut être créée que par la puissance publique et sous contrôle citoyen.