Plutôt que la radio du pays réel, Radio Courtoisie est celle de la bourgeoisie profonde. Les vieux réflexes de la vieille droite conservatrice inféodée à la Banque et arc-boutée sur ses privilèges – enfin, ceux que les nouveaux « aristocrates » ont bien voulu lui laisser – sont ressortis à l’occasion de l’émission Le Libre journal de la réaction du 11 juillet 2017, intitulée « Splendeur et misère de la dissidence ».
Libre journal de la réaction ? Par « réaction », comprendre à la fois réactionnaire et contre-offensif. Réactionnaire, nous dirions plutôt conservateur. Quant à la contre-offensive, elle serait plutôt molle : les dirigeants réels de l’État profond n’ont rien à craindre des « pieds nickelés » de l’émission, l’expression dont ils abusent et dont ils affublent Alain Soral en particulier et ses partisans en général.
L’émission est en effet consacrée aux « dissidents », et les piaillements constants de l’animateur et de ses trois invités indiquent que ces petits représentants de la bourgeoisie soumise ont peur, peur d’une certaine catégorie de dissidents : ceux qui ne plaisantent pas. Ils ont beau déverser sur eux (Soral, Hillard et Cerise ne sont pas présents pour se défendre) un tombereau d’insultes et de noms d’oiseaux, on sent le tremblement dans les voix de faussets de Philippe Mesnard, aux manettes de l’émission, Pierre Cormary, qui cachetonne chez Causeur et au HuffPost, Gersande Bessède, la « chroniqueuse » dont le cheval a l’air d’être garé pas loin du 61 boulevard Murat (Paris XVIe), et enfin Grégoire Dubost, journaliste à l’Action française 2000.
Piques et ricanements vengeurs ponctuent ces 90 minutes d’entre-soi satisfait, le temps d’un match de foot. La rancœur le disputant au ressentiment, il doit y avoir une explication psychologique, mais elle nous échappe. Peut-être est-ce le manque de visibilité médiatique qui pousse la petite station à s’attaquer au premier site politique français. C’est de bonne guerre, et ça entretient notre réputation malfaisante. Donc merci.
- Attention, le Libre journal de la réaction va commencer, générique !
Un manque flagrant de courtoisie
Normalement, nous ne parlons pas des guêpes qui nous picotent en permanence, leur venin ne nous faisant plus d’effet. Mais il faut bien répondre, politiquement s’entend, aux attaques. Il est hors de question – que les pieds nique-les [1] se rassurent – de les poursuivre sur le boulevard Exelmans avec des manches de pioches : à attaque politique, réponse politique. Et à attaque sous la ceinture, dédain. Nous nous attacherons donc à montrer que les dissidents d’E&R ne sont pas des « pieds nickelés » (dont le côté populaire n’est pas pour nous déplaire), ces brigands foireux aux maigres butins, mais bien des activistes courageux qui ont tout perdu pour leur combat, un combat qui est loin d’être gagné. Il y a un honneur dans le fait de brûler ses vaisseaux, sacrifier sa reine, miser tout son steak [2].
Nous n’avons rien à perdre, c’est peut-être pour cela qu’on nous craint, et que les invités de l’émission nous conchient en vérifiant régulièrement du coin de l’œil et de la main que la porte est bien fermée. Il est question de « révolutionnaires », un terme qui fait encore peur. Pourtant, nos intentions sont pacifiques, comme dirait le monstre de Gotlib : E&R prône le rassemblement de forces politiques qui semblent contraires, mais qui sont faites pour s’entendre, la droite des valeurs et la gauche du travail. Radio Courtoisie se dit « la radio de toutes les droites », ce qui inclut la droite des valeurs, mais aussi la droite libérale, autrement dit la droite financière, héritière de la Haute banque du XIXe siècle, qui vient d’ailleurs de donner le dernier président de la Ve République à la France.
Des arguments de lycéens de bonne famille
Ces deux droites sont ontologiquement incompatibles, et si elles cohabitent, l’une finit immanquablement par bouffer l’autre. Au vu des forces objectives en présence, c’est la droite financière qui dévore la droite conservatrice. On l’a vu récemment avec la défaite de Fillon, massacré par les médias aux ordres de la droite financière, si l’on peut se permettre ce pléonasme, mais surtout avec l’ascension de Nicolas Sarkozy au sein de la droite gaullienne dans les années 1990-2000, jusqu’à en bouffer le cœur, symbolisé par Charles Pasqua. Et à en liquider l’héritage, tout en conservant la devanture, pour donner le change à un électorat nostalgique. Nicolas Sarkozy, l’homme de tous les réseaux – que l’on voit aujourd’hui ouvertement détruire le Travail – a été poussé par la Haute banque, entre autres le banquier Bernheim, qui l’a fait, et qui a été le père (spirituel) de Bolloré, Arnault et compagnie. Bernheim a ensuite été remplacé, à la tête du capitalisme financier « français », par Claude Bébéar, mais c’est une autre (longue) histoire...
- Antoine Bernheim
Il y a là incompatibilité foncière, les deux droites ne pouvant cohabiter longtemps. En revanche, la gauche du travail, dont les responsables et invités de Radio Courtoisie se foutent comme de leur premier rallye, elle, est compatible avec la droite des vraies valeurs, qui n’incluent pas la peur du possédant... N’allant pas aussi loin dans le concept et l’histoire politique (leur culture semble avant tout littéraire), il est évident que les petits joueurs de pipeau de la Réaction (qui sont loin d’être des avions) ne peuvent appréhender l’impasse politique dans laquelle ils végètent. Une impasse qui se matérialise dans leur audience, au 13 398e rang national le 31 juillet 2017, selon le compteur Alexa.
Rappel : E&R se situe au 310e rang...
Ceci explique le fatras politico-psychologique qui tient lieu d’argumentaire dans la bouche des trois invités et de l’animateur, qui s’en donne personnellement à cœur joie. Il arrive même à chiper un argument habituellement utilisé par les sionistes :
« Le dissident, c’est celui qui a la haine de soi »
Merde alors, des années d’études et de culture de droite pour finir en Finky du XVIe ! Les invités s’engouffrent dans le registre de la « haine », comme la très cavalière Gersande (à 8’28), toujours à propos du « dissident » :
« C’est un petit bourgeois parisien qui a la haine absolue du bourgeois... C’est un ennemi viscéral de la liberté sexuelle... C’est un défenseur de la race blanche qui en même temps se plie en quatre pour lécher les babouches des musulmans parce qu’il estime que ce sont des grands guerriers virilistes qui vont régénérer cet Occident dégénéré… »
- En bas à droite, Gersande essaye de protéger son honneur (moite) des mains (crochues) des envahisseurs (barbares)
Quel tempérament ! Nul doute que Gersande ne se laissera pas tripoter par les barbares islamistes quand ils envahiront Paris XVIe et Louveciennes. Elle saura défendre son honneur jusqu’au bout, si l’on ose dire. On a l’air de se moquer, mais il y a de la qualité, chez les uns et les autres, surtout quand ils font preuve de méchanceté. Mesnard frôle même (à 11’36) le discours courageux lorsqu’il évoque la Chose qui fait la loi dans les médias, en politique et dans les prétoires. Prudent, il se rattrape heureusement aux branches :
« Ceux qui dénoncent les maux de l’époque qui sont quand même effectivement une certaine censure, un contrôle a priori, une éjection de la rente médiatique au profit de certains et contre d’autres… »
Ça reste très vague, subtil, effleuré, mais on sent qu’en poussant un peu le Mesnard, on arrivera à lui arracher le nom du lobby qui n’existe pas. L’animateur préfère enfourcher son poney (dont le ventre traîne à terre) et sabrer de son épée de bois (reçue au Noël de ses 5 ans) le mécréant dissident, en insistant sur sa propre vertu (à 16’22) :
« Nous ne sommes pas des dissidents pieds nickelés, mais ce que nous reprochons à la dissidence pieds nickelés, c’est d’une part cette espèce de critique systématique et en même temps un esprit moutonnier systématique »
Bien dit le Couillu ! Cela dit, ça commence à faire beaucoup de définitions du « dissident », il faudrait commencer à se mettre d’accord sur une définitive...
On enchaîne et on termine avec un florilège des interventions, qui s’arrêtent à la 54e minute, parce qu’après, à vrai dire, on a un peu lâché l’affaire. Vaccinés de radio Courtoisie pour deux ans au moins !
- L’animateur courtois
17’38 – Mesnard de la dissidence : « Elle passe son temps à adorer ce qu’elle vomit »
17’32 – Cormary (la voix de fausset qui a marché sur un oursin) : « Le dissident effectivement c’est un pied nickelé mais c’est un terroriste quand même potentiel, c’est quelqu’un qui est effectivement, qui est dangereux pour les libertés individuelles »
26’25 – Mesnard : « Est-ce qu’Alain Soral par exemple est un dissident ? »
Gersande : « Ah ah ah il aimerait bien ! »
Mesnard : « Mais est-ce que ce n’est pas la figure même du dissident pied nickelé en chef ? »
Gersande : « Oui, enfin je pense que c’est même lui qui a remis au goût du jour toutes les idées les plus idiotes qui traînent dans le milieu dissident aujourd’hui »27’41 – Gersande de Soral : « C’est un sous sous sous sous sous Onfray, c’est dire… donc Soral va surtout relancer la pensée conspirationniste en fait »
29’11 – Gersande : « Pyongyang qui est un camp à ciel ouvert, c’est plus un pays, c’est un camp de la mort »
31’18 – Mesnard : « Grégoire Dubosc, vous qui n’aimez pas trop les conspirationnistes… »
32’04 – Mesnard à Dubost : Est-ce que à votre avis le conspirationnisme est un des marqueurs de la dissidence pieds nickelés ? »
32’23 – Grégoire Dubost : « Très souvent en tout cas on en revient à l’antisémitisme, à cette élite perverse qui va peut-être ouvrir une pizzeria pédophile… »
35’56 – Cormary de la revue « Éléments » de décembre 2014 :« Il y a une interview d’un certain Lucien Cerise, propos recueillis par Alain de Benoist, qui s’appelle “Le système cherche à nous dissoudre”, et alors là on est en plein cœur du dissident… Je lis simplement le chapeau : “le chaos n’est plus l’ennemi des classes dirigeantes, le chaos est devenu la stratégie privilégiée du système.” »
38’25 – Mesnard : « Le dissident pied nickelé qui refuse la complexité du monde et qui préfère lui substituer une version totalement paranoïaque… Le dissident effectivement considère que tout est un vaste complot parce que c’est beaucoup plus simple de considérer que le fait qu’il y ait une grève des camionneurs poubelliers à Marseille est totalement connecté avec la manière dont vraisemblablement les scientifiques nous mentent sur le réchauffement de la planète et dont où en fait les ours polaires sont en train de proliférer dans une Ultima Thulé qui a été dissimulée par l’État profond euh au fin fond des cités aztèques qui sont couvertes par le secret de la NASA à peu près je résume. »
40’37 – Mesnard : « Nous pensons surtout que ce sont les dissidents pieds nickelés qui eux sont carrément fous »
47’50 – Grégoire Dubost : « Alors peut-être que ça nourrit l’orgueil des dissidents qui du coup sont convaincus d’avoir compris tout ce que les autres ignorent, ça nourrit surtout leur paranoïa bien sûr mais paradoxalement ça nourrit aussi leur espoir parce que dès lors qu’on imagine que quelqu’un tire les ficelles, ça suppose qu’il y a des ficelles, alors qu’en fait y en a pas des ficelles. Mais dès lors qu’on imagine qu’il y a des ficelles, on peut rêver de faire le sien [?] et de devenir marionnettiste. »
Trois pieds nickelés terrorisent toute la (vieille) droite
La chance de ces pieds non nickelés, c’est qu’ils n’ont pas assez tiré sur la corde des Maîtres pour sentir le pouvoir, le vrai pouvoir, leur serrer la gorge. Économiquement, juridiquement, médiatiquement et physiquement. La persécution n’est pas à l’ordre du jour chez ces bien-nés, centrés sur Paris XVIe, loin des réalités du « pays réel ». Ils peuvent railler le concept d’« État profond », et ne pas lire Scott, Quigley ou Guyénot, mais il manquera une grosse pièce dans leur vision du monde, qui devra s’arrêter à ce qu’on leur a enseigné dans les écoles et les médias. Ils se contenteront de taper sur les Arabes et les musulmans, à défaut d’affronter le lobby sioniste et la véritable répression protéiforme. On sent chez eux la vieille crainte héritée du possédant vis-à-vis du moins-que-rien qui n’a plus rien à perdre et qui peut se permettre de dire la vérité.
On a les mensonges de ce qu’on a à perdre...
Avec Alain Soral, les petits orphelins d’Henry de Lesquen ont flairé le vrai renard qui renverse les valeurs, pas le gauchiste de pacotille qui fait la pseudo-révolution pour le grand « marionnettiste » (qui selon eux n’existe pas). Un gauchiste qui joue le jeu de son alter ego de la droite bourgeoise, avec leur valise commune vide de valeurs et de courage, un bagage conceptuel qui ne mène nulle part, si ce n’est à la trahison des gens. Alors des deux côtés qui s’entendent finalement assez bien de la droite du travail (libérale) et de la gauche des valeurs (sociétale), on cogne sur ceux qui menacent la tranquillité intellectuelle... des nantis et des velléitaires.
Pour finir, les auditeurs attentifs auront noté les appels du pied du représentant de la station aux représentants de la droite siono-compatible, c’est-à-dire Zemmour et Polony. Une main tendue qui ressemble à un geste de noyé...
Y aurait-il besoin chez Kurtoisie de nouveaux investisseurs prêts à racheter d’une bouchée de pain (azyme) un résidu de bourgeoise chevalerie ?