Parmi les organes de presse qui prétendent à la rupture avec le médiatiquement correct, Rue89 excelle dans l’imposture depuis sa création en 2007.
Ce journal en ligne était membre (jusqu’en 2009), avec ses concurrents – pardon, « confrères » –, de la SPIL [1] (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, qui regroupe @rrêt sur images, Bakchich, Indigo Publications, Médiapart, Slate.fr et Terra Eco).
Indépendants, mais pas des subsides de l’État (via le Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne, devenu en 2009 le Fonds stratégique pour le développement de la presse).
Des prétendus révélations aux dossiers brûlants, c’est ce site d’alter-information « petit bras » pour bobos en manque de sensations qui est dans la tourmente aujourd’hui.
Faussement naïve, la rédaction de Rue89 feint de s’émouvoir de sa reprise en main par son patron, Le Nouvel Obs, dont le propriétaire est Claude Perdriel (photo ci-dessus), qui pourtant n’a jamais caché son mépris pour les médias en ligne – sauf quand il les posséde :
« En théorie, c’est l’univers de la liberté. Dans la réalité, c’est celui des citations et rumeurs infondées. Aucune éthique, aucun contrôle, aucun moyen de démentir la fausse nouvelle. C’est pire encore que l’absence de régulation financière. »
Qui peut croire un seul instant que lorsqu’on est tenu par les cordons de la Bourse à travers un groupe comme celui de ce monsieur Perdriel, on puisse avoir les coudées franches pour mener un vrai travail d’investigation ?
Qui est Claude Perdriel ?
Perché sur une fortune estimée à 110 millions d’euros en 2013 [2], industriel, propriétaire de SFA (sanibroyeurs) et SETMA (baignoires et autres spas), magnat de la presse (Le Nouvel Observateur, Sciences & Avenir, Challenges, Rue89.
Né catholique, il se sent plutôt appartenir à sa famille juive d’adoption, via la marraine de sa mère [3], qui l’a « initié à la culture et à la politique ».
Riche, donc de gauche, il soutient Mendès-France puis Mitterrand, et déclare à propos de son engagement politique :
« Mon tempérament est de me révolter. J’ai découvert la conscience politique par la lutte contre l’antisémitisme. Je suis de gauche pour de mauvaises raisons, comme les enfants peuvent l’être. Je suis de la gauche du cœur, pas de la gauche partisane. Le monopole du cœur est ce qui fait la différence entre les courants politiques : à gauche, on regarde les gens avant de regarder les chiffres. Je suis pour la défense des pauvres et contre l’injustice. J’ai toujours souhaité contribuer à améliorer le sort des gens. »
« Ouvert aux questions de société », il se lance dans la lucrative messagerie rose lors de l’apparition du Minitel dans les années 80. On ne s’étonnera donc pas qu’il fasse partie des soutiens de DSK [4] en vue des présidentielles de 2012… jusqu’à l’affaire du Sofitel, puis soutien de Hollande.
De l’échec de l’aventure du Matin de Paris à sa tentative de prise de contrôle du Monde (via son ami Alain Minc), Perdriel n’a eu de cesse de diffuser ses idées libérales-libertaires dans la presse française.
Très endetté et victime du rejet, comme toute la presse française, de lecteurs trop longtemps pris pour des imbéciles, Le Nouvel Obs pourrait voir, suite à l’arrivée d’un généreux mécène, un changement de direction [5], et le retrait d’un Perdriel devenu minoritaire. Nul ne sait dans quel autre canard en perdition atterrira son actuel directeur de la rédaction, Laurent Joffrin, ou de son vrai nom Laurent André Marie Paul Mouchard (qui, cédant à son penchant naturel à la soumission, affirmera que Claude Perdriel « a le sens du défi et le panache des chevaliers du Moyen Âge [6] ».
Maintenant que le nœud se resserre autour du cou de la rédaction de Rue89, celle-ci s’inquiète et assène : « La nature et la soif d’information ont horreur du vide [7]. » Oui, c’est vrai ; mais ce vide est déjà rempli, et le sera encore plus demain, par des sites comme Égalité & Réconciliation.