Sur plainte du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le parquet vient de lancer une nouvelle procédure, cette fois au tribunal pénal, contre les éditions Kontre Kulture. En cause, les cinq ouvrages déjà attaqués par la LICRA, parmi lesquels le dictionnaire de Paul-Éric Blanrue, Anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme. Paul-Éric Blanrue comparaissait lui-même mardi 16 juin devant la 17ème chambre correctionnelle de Paris pour le documentaire Un homme, consacré à Robert Faurisson. L’occasion pour nous de revenir sur la saga judiciaire dont fait l’objet la réédition par Kontre Kulture de son Anthologie.
Dans une procédure lancée en 2013, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) a déposé devant le juge des référés cinq demandes concernant cinq ouvrages publiés par les éditions Kontre Kulture.
La LICRA demandait d’abord le caviardage de quatre ouvrages : Le Salut par les juifs, de Léon Bloy, Le Juif international, de Henry Ford, La Controverse de Sion, de Douglas Reed, et La France juive d’Édouard Drumont.
Pour le livre de Paul-Eric Blanrue, la demande était encore plus radicale puisque la LICRA demandait l’interdiction et la mise au pilon de l’Anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme.
Selon la LICRA, il n’était même pas nécessaire de s’attacher à sélectionner certains passages antisémites de l’ouvrage, car comme elle l’indiquait dans son assignation, « ils le sont tous ».
L’association d’Alain Jakubowicz reprochait à l’auteur de ne pas commenter ces propos et ainsi de révéler habilement des « messages subliminaux » d’encouragement à la haine raciale.
La procédure de référés
À l’été 2013, la LICRA a décidé dans un premier temps de saisir le juge des référés. La procédure de référé est une procédure dite « d’urgence » qui permet au juge de prendre des mesures rapidement lorsque la situation le justifie.
Concernant l’ouvrage de Blanrue, la LICRA a invoqué « un trouble manifestement illicite », se basant sur l’article 809, alinéa 1 du Code de procédure civile, qui indique que :
« Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »
Selon la LICRA, le trouble manifestement illicite aurait été caractérisé « par le danger pour l’ordre public résultant de la diffusion d’un ouvrage qui entreprend de relativiser l’antisémitisme et de justifier la haine du juif ». Elle ajoutait : « L’interdiction, la saisie et la mise au pilon de l’ouvrage constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui… »
La LICRA demandait également des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 €. La loi française permet en effet aux associations – lorsqu’elles justifient d’un intérêt à agir – d’agir en justice et de se faire allouer des sommes d’argent, parfois importantes, qu’elles gardent pour elles-mêmes. Dans le cas de la LICRA, cet argent servirait selon elle à combattre le racisme et l’antisémitisme : financement d’actions, paiement des salariés, paiement des avocats pour de nouvelles procédures, etc. (Pour aller plus loin sur cette question, voir La République des censeurs de J. Bricmont, éd. de l’Herne).
La décision du juge des référés : l’interdiction de publication
Le 13 novembre 2013, le juge, Madame Touzery-Champion, a rendu des décisions pour le moins étonnantes.
Concernant d’abord les quatre ouvrages dont il était demandé le caviardage, le juge a fait droit à la demande de la LICRA, y compris pour les ouvrages qui étaient édités par d’autres éditeurs, comme l’ouvrage de L. Bloy, Le Salut par les juifs.
Le juge a ainsi ordonné le caviardage des quatre ouvrages et accordé à la LICRA 2 000 € de dommages et intérêts et 2 000 € de frais de justice par ouvrage, soit 16 000 € au total…
Concernant l’Anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme, d’un côté, le juge a ordonné l’interdiction de la publication du livre pour « trouble manifeste à l’ordre public », de l’autre, il a conditionné cette interdiction à la saisine du juge du fond afin que ce dernier puisse juger de l’intention de l’auteur et de l’éditeur.
Ainsi, d’un côté, le juge a considéré que l’édition de l’ouvrage constituait « un trouble manifeste à l’ordre public » en ce qu’il constituait une incitation à la haine raciale ; de l’autre côté, il a renvoyé le dossier devant le juge du fond, se considérant incompétent pour juger de l’intention de l’auteur. Par ailleurs, pour l’ouvrage de Paul-Éric Blanrue, le juge refuse à la LICRA l’allocation de dommages et intérêts ainsi que le remboursement de ses frais de justice.
Ainsi, dans un cas, le juge a considéré que la réédition de certains ouvrages dont il était demandé le caviardage était fautive et justifiait un dédommagement de la LICRA et dans l’autre cas, pour le livre de Paul-Éric Blanrue, la réédition, qui doit pourtant être interdite en ce qu’elle constitue une incitation à la haine, n’est pas fautive et ne justifie pas que l’on alloue des dommages et intérêts à la LICRA…
Le juge du fond déboute la LICRA de ses demandes
Suite à l’ordonnance du juge des référés, la LICRA a donc saisi le juge du fond pour qu’il décide que le livre de Paul-Éric Blanrue était porteur d’incitation à la haine raciale, en particulier contres les juifs, pour ordonner son interdiction et condamner solidairement la société Kontre Kulture et Alain Soral à payer 10 000 € de dommages et intérêts.
Le tribunal, dans un jugement du 2 décembre 2014, a rejeté la demande de la LICRA. Il a considéré qu’ « on ne peut reprocher à l’auteur – et à son éditeur – ces propos, puisqu’ils sont simplement rapportés dans un but affiché de compilation à destination du grand public et que bien que l’auteur ait une vision toute personnelle de l’Histoire, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l ‘Homme garantissait la liberté d’expression et aucun motif ne justifiait l’interdiction de l’ouvrage ».
Face à une décision du juge des référés des plus discutables, le juge du fond a appliqué la loi et débouté la LICRA de ses demandes.
La LICRA a fait appel de ce jugement ; la procédure est actuellement en cours.
Une nouvelle procédure contre le livre de Paul-Éric Blanrue,
cette fois au pénal…
On aurait pu penser que cela s’arrêterait là, mais les éditions Kontre Kulture ont récemment reçu une convocation relative à l’ouvrage de Paul-Éric Blanrue et aux quatre autres ouvrages pour incitation à la haine, cette fois devant le tribunal pénal. Le tribunal correctionnel aurait été saisi directement par le parquet suite à un signalement du CRIF.
Le CRIF aurait donc repris les découpages élaborés par les avocats de la LICRA lors de la procédure devant le juge des référés et les aurait envoyés au parquet. Ce dernier, indigné, aurait alors initié une nouvelle procédure, ces faits méritants sans doute d’être jugés deux fois…
Affaire à suivre.
NB : Concernant les quatre autres ouvrages dont le juge des référés avait ordonné le caviardage, la procédure est actuellement en appel, le juge des référés n’ayant à l’époque pas demandé la saisine du juge du fond.
Annexe
La citation en appel d’Alain Soral au tribunal correctionnel, reçue le 18 février 2015, qui dresse la liste des passages incriminés pas la LICRA :