Gustave Lebon fut un des grands maîtres à penser de de Gaulle, et a sans doute contribué à l’inspirer en direction de l’abandon qu’il a fait de l’empire de la France outremer, puisque théoricien de l’impossibilité d’assimiler les peuples non français aux valeurs universalistes que la France (républicaines ou chrétiennes) se croyait à tort ou à raison le devoir de rayonner. Gustave Lebon a plutôt fait l’éloge de la formule britannique en matière d’impérialisme, où il ne s’agit pour la métropole, ou plus exactement, pour l’élite métropolitaine, que de récolter des bénéfices matériels des colonies tout en gouvernant les peuples par des techniques de manipulation identitaire les flattant dans le sens de leur penchant identitaire le plus régressif (pour les abêtir rentablement), et du diviser pour régner.
Et c’est bel et bien ce que la France a fait à partir de l’ère gaullienne : sacrifier l’AOF et l’AEF, pour garder l’aspect purement financier de la Françafrique. La France a donc adopté, par l’entremise de ce chef d’état dont la carrière a quand même décollé grâce à un parti-pris pro-britannique très fortement assumé, le mode britannique de gestion coloniale (fondé sur l’acceptation du constat cynique de l’impossibilité, en grande partie biologique ou écologique, de faire accéder les peuples au développement ou de les soustraire à la misère tout simplement), malgré toute sa résistance personnelle à l’ordre anglo-saxon en raison du mépris qu’il en a essuyé.
L’abandon de l’Algérie par de Gaulle fut assez explicitement justifiée par lui grâce à des arguments à la Lebon, ce alors même que presque la moitié de la population algérienne voulait tout compte fait continuer à faire partie de la France. La Vème république tout en se voulant une sorte de revanche purement économique sur le monde anglophone n’opéra cette courte revanche qu’en sacrifiant son âme en l’américanisant à l’envi, en commençant par gérer son ex-empire colonial à l’anglo-saxonne. Et le résultat a été très vite la gestion du peuple français lui-même par la manipulation identitaire et le diviser pour régner.
De Gaulle adorait certes beaucoup la France mais un peu trop comme un châtelain d’origine bourgeoise adore son grand domaine : la paysannerie qui en vit étant presque de trop, "des veaux" indignes à tout le moins de la beauté du décor qui l’entoure. Parce que sans une certaine idée universaliste jamais la France métropolitaine elle-même n’aurait vu le jour sur la carte du monde.
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