Après les « torches de la liberté », les « granules de l’idiotie »
La triste et sérieuse intervention anti-homéopathie de l’humoriste Jérémy Ferrari est bien loin de la distance et de la légèreté attendue pour la promotion d’un spectacle comique. Mais c’est un sésame qui lui ouvrira à coup sûr tous les plateaux télé.
Dans les années 30, Edward Bernays, pour le compte de l’industrie du tabac états-unienne, avait eu l’idée géniale de promouvoir les « torches de la liberté » pour modifier le regard de la société sur une pratique jusque-là masculine. Glamour et photogéniques, ces actrices et mannequins avaient fait la une de tous les journaux, et fait vendre beaucoup de cigarettes.
Dans la France de 2020, on devra se contenter de Jérémy Ferrari pour détourner la population d’une façon de se soigner écologique et économique, population qui doit revenir dare-dare sur les sentiers battus des molécules brevetables.
À relire : « Homéopathie : le débat hors sujet »
Puisqu’on peut allègrement ignorer plusieurs centaines de milliers de manifestants dans la rue en se satisfaisant d’un « j’ai compris votre colère », on peut tout aussi bien ignorer les dizaines de milliers de doses homéopathiques d’Arnica qui s’achètent chaque jour dans le monde. C’est la démocratie, n’est-ce-pas !
Déplacer son regard sur le dossier « homéopathie » au-delà du domaine purement thérapeutique est une expérience intéressante. Elle nous donne l’occasion de nous pencher sur la fabrique de l’opinion : la recette est la même en politique, comme en médecine. Ainsi la bataille de l’homéopathie va nous servir de révélateur. Rationalistes raisonnables, scientifiques chevronnés, dépassez votre agacement ! Retenez vos commentaires sur l’effet placébo, le nombre d’Avogadro ou la mystique de l’homéopathie. Nous nous proposons dans cet article de nous concentrer sur l’ingénierie autour de l’homéopathie, d’autant plus facile à mettre en place qu’elle provoque réactions épidermiques et réflexes pavloviens en chaîne. Il ne sera pas question ici de querelles médicales ou d’argumentations scientifiques, mais de manipulation d’opinion, de story-telling, d’éthique et de travers épistémologiques. L’homéopathie poursuit sa route depuis presque deux cent cinquante ans, et reste, au regard des variations des théories et protocoles classiques auxquelles la médecine hospitalière nous a habitués, d’une incroyable stabilité dans le temps. Dès lors on peut se demander pourquoi la discrète homéopathie fait-elle couler autant d’encre. N’y aurait-il pas une forêt à cacher ? Une forme de dictature médicale se met en marche, et la guéguerre entre partisans et opposants de l’homéopathie en prépare bien gentiment une des étapes. Nous y avons tous à perdre, homéopathes ou non, utilisateurs satisfaits ou sceptiques critiques, beaucoup plus que nous l’imaginons.
État des lieux
L’homéopathie bénéficie d’une solide tradition depuis le milieu du XIXème siècle en France, où son fondateur, Samuel Hahnemann, a passé les huit dernières années de sa vie. Elle correspond à une vraie culture pour une part importante de la population qui s’en trouve bien. La méfiance du public envers les molécules chimiques qui ont montré leurs limites et leur dangerosité, ainsi que la volonté de se soigner de façon plus écologique et plus humaine, explique sans doute son succès. Ainsi, dans un contexte de suspicion généralisée, la confiance des français en l’homéopathie est intacte : 77 % des français souhaiteraient qu’elle soit prescrite en première intention [1]. Aujourd’hui l’homéopathie représente 30 % de l’ensemble des médicaments non remboursés achetés sur le territoire : cela constitue une preuve de l’attachement des français à cette médecine, même lorsqu’ils doivent mettre la main au porte-monnaie. On pourrait même dire que sa popularité, fondée sur l’expérience et le bouche-à-oreille, est inversement proportionnelle au dénigrement qu’elle subit. Dénigrement, sarcasmes et attaques incessantes auxquelles elle ne peut riposter, et pour cause : le lobbying homéopathique est inexistant. La médecine conventionnelle est-elle si efficace que cela sur les maladies chroniques, – qui sont bien sûr le champ d’action revendiqué de l’homéopathie – pour se montrer à ce point supérieure ? Pourquoi les patients se fourvoieraient-ils à essayer autre chose ? De toute manière, c’est bien ce qu’ils font ! Pour ne donner qu’un exemple, la proportion des consultations de médecins proposant des solutions alternatives à la médecine conventionnelle pour les troubles musculo-squelettiques chroniques, dont les homéopathes font partie, est devenue largement majoritaire [2]. De leur côté, les sages-femmes prescrivent massivement des remèdes homéopathiques depuis qu’elles y ont été autorisées en 2011. Elles y trouvent une alternative non toxique et efficace à toutes les contre-indications de la grossesse et de l’allaitement. Beaucoup de médecins généralistes, au contact permanent des patients, suivent ou accompagnent également ce mouvement dans l’intérêt des malades. Aux premières loges, ils sont conscients de la coupure entre le discours médical officiel et la cruelle absence de solutions thérapeutiques pour les maladies fonctionnelles et chroniques. Ils recherchent d’autres pistes, et l’homéopathie en offre une.
Attaques en temps réel en France
L’histoire de l’homéopathie, de sa naissance à aujourd’hui, montre une succession de périodes de plein essor suivies d’attaques virulentes. La dernière date du printemps dernier. Tout est parti d’une minuscule tribune (124 professionnels de santé) parue dans Le Figaro en mars 2018, dont nous nous étions aussi fait l’écho dans notre article Vous avez dit charlatans ?. Comme un coup de tête subit venant d’on ne sait où. Ces médecins réclamaient l’arrêt de sa prise en charge, – à 30 % –, par l’assurance maladie. En mai 2018, la ministre de la Santé Agnès Buzyn définit l’homéopathie comme « une médecine qui a probablement un effet placebo mais ne fait pas de mal ». Traduire : l’homéopathie est inefficace. En réalité, cette petite phrase énoncée l’air de rien dans une interview est très importante. En effet, l’homéopathie a toujours eu un statut à part des autres médicaments. En 1992, La directive 92/73/CEE a admis qu’on ne pouvait pas imposer aux médicaments homéopathiques les mêmes exigences qu’aux médicaments allopathiques. Elle a institué un système d’enregistrement pour ces médicaments en dérogation à l’autorisation de mise sur le marché (AMM). En effet, cette thérapeutique fonctionnant sur l’infinitésimal et non pas sur la dose pondérale, l’évaluation pour services rendus est délicate. C’est comme si on cherchait à étudier le fonctionnement de l’électricité en pesant et en mesurant les fils électriques ! La méthodologie doit être différente. À cette étape, ce qu’il faut retenir, c’est que l’efficacité de l’homéopathie n’a jamais été évaluée de manière classique, et que madame le ministre tient là son argument. Un mois plus tard, soit fin juin 2018, c’est au tour du Conseil national de l’Ordre des médecins d’intervenir dans le débat. Il décide de prendre position contre l’homéopathie, et en profite pour rappeler qu’ « il est interdit de présenter comme salutaires et sans danger des prises en charge ou des thérapeutiques non éprouvées » [3]. C’est interdit, donc nous n’allons pas le faire. Cette prise de position du Conseil a fini de préparer le terrain puisque, en août 2018, le ministère de la santé a saisi la Haute Autorité de santé (HAS) de l’évaluation des médicaments homéopathiques. Ainsi, la HAS évaluera « le bien-fondé des conditions de prise en charge et du remboursement des médicaments homéopathiques » et tranchera avant fin février 2019. Un scenario cousu de fil blanc, bien préparé, comme l’avait été la saga des vaccins l’année dernière. Dans un monde différent, on aurait cherché à mieux évaluer la balance bénéfice/risque de la vaccination, et recommandé le recours à l’homéopathie en première intention chaque fois que cela aurait été possible.
Très chères granules
Selon le journal Le Monde, l’homéopathie représente 0,30 % du remboursement de la totalité des médicaments remboursés en 2016 [4]. Soit une goutte d’eau. Sans doute pour majorer leur impact, les articles à charge incriminent le poids des Préparations Magistrales (PM). Une PM est une préparation effectuée pour un patient précis à la pharmacie, en l’absence de spécialité pharmaceutique correspondant à son besoin. Ces PM représentent effectivement 60 % des remboursements homéopathiques. Mais, puisque nous savons compter, les PM représentant 60 % de 0,30 %, pèsent… 0,18 %. Gros impact en perspective ! Si l’on peut admettre qu’il n’y a pas de petites économies en temps de crise, il est concevable de réfléchir au déremboursement de l’homéopathie, même pour une part si faible. Ce qui est douteux en revanche, c’est de le présenter comme une solution sérieuse à un public qui le croira sur parole. Faire autant de publicité pour ce montant ridicule, en noyant le poisson sur les chiffres réels, relève de la malhonnêteté. C’est comme si l’on supprimait l’olive du cocktail de bienvenue au Grand Réveillon de Big Pharma pour faire des économies, et que l’on s’en félicitait !
Voie de garage pour Homéopathie
Ainsi le déremboursement de l’homéopathie ne soulagerait guère les dépenses publiques en matière de santé. En revanche, cela ne sera pas sans conséquence pour la formation des médecins, le confort des homéopathes en exercices, leurs patients, et la gamme de remèdes homéopathiques disponibles. Ce qui se joue, c’est la standardisation de la pratique médicale et la réduction du choix thérapeutique. La fronde orchestrée contre l’homéopathie et la relance du débat sur son efficacité ont déjà eu des répercussions économiques. Les résultats du premier semestre 2018 du groupe Boiron, dont le principal marché se situe en France, sont en baisse. Son directeur général Christian Boiron, fils et neveu des fondateurs Jean et Henry Boiron, a annoncé son départ. L’entreprise familiale française créée en 1932 sera dirigée pour la première fois par quelqu’un d’extérieur à la famille [5]. La guerre est aussi économique. Comme toute autre entreprise soumise aux lois du marché, la baisse du chiffre d’affaire entraînera sans doute l’accélération de la disparition des remèdes et des souches peu rentables, qui faisaient toute la richesse de l’approche homéopathique.
Autre conséquence de taille : l’accès à la formation. En effet, à la suite de ces rebondissements, la faculté de médecine de Lille a annoncé début septembre la suspension de son diplôme d’homéopathie pour l’année universitaire 2018-2019. Elle se déclare « en attente » de la position de la HAS. La semaine suivante, la faculté d’Angers lui emboitait le pas en supprimant le DU d’homéopathie par un simple tweet de son vice-doyen Frédéric Lagarce : « Juste un petit mot pour vous annoncer que la Fac d’Angers supprime définitivement le DU d’homéopathie ».
Ainsi se prépare la raréfaction de l’offre de soin pour le public. Dommage. L’impossibilité de se former et de pratiquer l’homéopathie dans des conditions sereines en dit long sur le degré d’autonomie de la profession. Aujourd’hui, les homéopathes sont dans le collimateur. Mais demain ? L’obligation pour les professionnels de santé de ne plus prescrire que ce qu’on leur ordonnera ? L’interdiction d’enseigner telle ou telle autre discipline ? Réduire la formation du médecin, c’est réduire le choix du patient, car la liberté de prescription du médecin est étroitement liée à la liberté de choix thérapeutique du patient. Évidemment, si aucun médecin ne peut plus proposer d’approche différente, il n’y aura tout simplement plus rien à choisir.
« Perte de chance » à géométrie variable
La notion de « perte de chance » est l’idée que les remèdes homéopathiques qui auraient été prescris, – sous-entendu à tort – pour des troubles dit « graves », et qui bien sûr n’auraient pas fonctionné, auraient pris la place d’autres traitements dit « sérieux », – sous-entendu : ces derniers auraient évidemment fonctionné. Cela fait beaucoup de conditionnel. On oublie juste au passage que les homéopathes sont diplômés de la Faculté de Médecine, et qu’à ce titre, ils sont capables de distinguer un trouble bénin d’un trouble grave aussi bien que n’importe quel autre médecin. Mais revenons à notre perte de chance : pour l’illustrer, on a l’habitude d’évoquer le cas dramatique d’une enfant décédée d’une méningite en 2017. Remarquons qu’on ne fait plus pleurer les chaumières avec les enfants morts de la rougeole : ça c’était pour les 11 vaccins et le dossier est clos. Aujourd’hui, c’est au tour de la petite fille morte d’une otite mal soignée par homéopathie. En revanche, des autres cas de méningite, il n’en est pas fait mention. Les associations, – Meningitis par exemple – parlent de 600 cas de méningite par an en France, dont 10 % sont mortels, souvent en moins de 24 heures. Pourquoi tant d’articles effrayants sur le seul cas lié à l’homéopathie ? Toujours la même technique : relayer systématiquement un cas dramatique mais non représentatif, et passer sous silence le vécu positif et le bon état de santé de l’ensemble des utilisateurs. On s’offusque au nom de la science, mais on joue sur la corde sensible des émotions humaines pour faire passer son message. Comme quoi, on peut être rationnel que lorsque cela nous arrange !
L’absolutisme de la médecine majoritaire
Mais derrière l’affect de ces déclarations se joue une autre partie : la croyance que la médecine est une science exacte. C’est évidemment faux : toute ordonnance est absolument subjective. Une ordonnance est un choix. La HAS fait des choix. Or, ce choix n’est pas scientifique et comportera toujours une part d’inconnu. Au mieux il traduira le talent du thérapeute, au pire le pouvoir de persuasion du visiteur médical. Ainsi, la formule « Perdre une chance de survie » sème le trouble de façon perverse : elle donne au malade l’illusion de la rationalité et de l’universalité de la médecine. Ce qu’on nous sert, c’est qu’il existerait une bonne manière de se soigner, validée par la science une fois pour toute. Cher malade, cher lecteur, un peu de patience, nous serons bientôt fixés : la HAS va nous dire si oui ou non l’homéopathie est une bonne façon de se soigner. En réalité, il existe évidemment une manière rigoureuse de pratiquer la médecine. Rigoureuse, mais jamais absolue. C’est-à-dire que les voies pour y parvenir sont aussi nombreuses et variées que les cultures et les époques. En effet, soigner est ce mi-chemin pas toujours confortable entre l’évaluation du risque, la chance, et les usages du moment.
Pour les besoins de la démonstration, quittons l’homéopathie pour prendre l’exemple du consensus sur la mammographie. Ne pas s’y soumettre est considéré comme une « perte de chance » de prévenir le cancer du sein. Pour être bien sûr d’assurer toutes ces super chances aux françaises de 50 à 74 ans qui y ont droit, le dépistage organisé est pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie. Pourtant des publications déjà anciennes, notamment canadienne, britannique et suédoise avaient remis en cause l’utilité des mammographies systématiques, parce qu’elles montraient que les femmes suivies par mammographie n’avaient pas moins de risque de mourir d’un cancer du sein que les autres. En revanche, elles risquaient un sur-diagnostic, c’est-à-dire la détection de très petites tumeurs qui n’auraient pas eu d’impact du vivant de la personne concernée. Alors, le roi est mort ? Fin de la perte de chance pour les femmes ne se soumettant pas à la mammographie ? Presque.
Les choses en effet ont failli basculer en octobre 2016, suite à la remise du rapport du comité d’orientation à la ministre de la santé de l’époque Marisol Touraine. Ce rapport mettait en doute les bénéfices du dépistage organisé du cancer du sein, et pointait du doigt des carences, des anomalies et des dysfonctionnements. On pouvait y lire : « La situation actuelle ne répond pas aux exigences d’information, de décision en connaissance de cause, et de validité scientifique recommandées pour proposer un dépistage à des femmes en bonne santé ». Il recommandait l’arrêt du dépistage systématique au profit de mesures individualisées. Marisol Touraine avait alors annoncé de manière très discrète une « rénovation profonde », à laquelle elle a finalement renoncé. Elle n’a pas franchi le cap. En revanche les publications, elles, continuent de tomber : une étude basée aux Pays-Bas parue en décembre 2017 conclut que la réduction de mortalité imputable au dépistage est marginale, alors que celle attribuable aux traitements est de l’ordre de 28 % [6].
Conclusion : la mammographie est encore provisoirement une sorte de petite chance. Mais on pressent que ce programme vit ses derniers instants, et lorsqu’il s’arrêtera, la mammographie ne sera alors plus une chance du tout. La chance, la malchance (pour les patientes sur-diagnostiquées) et la perte de chance sont décidément des notions bien relatives. Il est vrai que la vérité d’hier est souvent devenue la moquerie d’aujourd’hui : la mammographie et la vaccination seront peut-être les clystères, les saignées et les purges de demain...
Le libre arbitre est le vrai perdant
Parler sur la perte de chance d’un tiers, c’est parler à sa place. De ce point de vue, la perte de chance est également en contradiction avec la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Logiquement en « Démocratie Sanitaire », on devrait pouvoir choisir et pouvoir refuser sa chance. La maladie est une affaire privée. C’est précisément à cet endroit que le raisonnement trouve sa limite : il suppose l’adhésion à un cadre consensuel illusoire. La vision du risque, le niveau de concession sur les effets secondaires, la conception de ce qu’on appelle « qualité de vie » ou encore les priorités que l’on s’accorde sont des notions très personnelles. Le rabâchage sur la perte de chance et l’inconscience de ceux qui s’y adonnent nie le concept essentiel de libre arbitre. Il suppose que vivre en accord avec nos valeurs et nos principes ne peut pas être laissé à notre entière appréciation. Comme si nous n’étions ni majeur ni responsable pour peser les risques et décider par nous même. Il suppose qu’il faille qu’une autorité supérieure puisse s’arroger le droit de disposer de notre vie à notre place, par la contrainte, et bien sûr pour notre bien. C’est très ennuyeux et très dangereux. Notre corps nous appartient-il encore ou est-il la propriété de l’État, des experts et des laboratoires ? Le troupeau humain est déjà piqué, pourquoi ne pas envisager de le gaver de force, et finir par le pucer ?
La chasse à l’homéopathie est un loisir de pays riches
Les attaques contre l’homéopathie semblent proportionnelles à la richesse du pays. Tant qu’il y a un marché potentiel et de l’argent à se faire avec des produits plus chers, on peut parier sur le fait que l’homéopathie rencontrera de nombreux opposants. En revanche, dans les pays plus pauvres, on sait en reconnaître la valeur. En effet, l’homéopathie est une arme thérapeutique requérant peu de moyen financier et peu de matériel.
À ce sujet, la position de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est très éclairante. De fait, l’OMS reconnaît depuis fort longtemps l’homéopathie comme une des cinq médecines officielles et traditionnelles. Elle renouvelle de décennie en décennie sa confiance et son soutien à la médecine traditionnelle(MT) et à la médecine complémentaire(MC) dont l’homéopathie fait partie.
« La MT/ MC constitue un pan important et souvent sous-estimé des soins de santé. Elle existe dans quasiment tous les pays du monde, et la demande de services dans ce domaine est en progression. La MT, dont la qualité, la sécurité et l’efficacité sont avérées, participe à la réalisation de l’objectif d’un accès aux soins universel ». (Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2014/2023 [7])
Les exemples ne manquent pas. En Inde, l’homéopathie fait partie des six systèmes traditionnels de médecine reconnus officiellement avec l’Ayurvéda, le yoga, la naturopathie, la médecine unani et le système siddha. Le pays compte 508 établissements d’enseignement supérieur qui peuvent accueillir chaque année 25 586 étudiants de premier cycle, et 117 accueillent aussi 2 493 étudiants de deuxième cycle [8].
À Cuba, Fidel Castro a laissé en héritage un système de santé unanimement salué pour sa qualité, et qui a été classé au 33e rang mondial par l’OMS en 2000. L’homéopathie y a toute sa place. Ce qui est remarquable, c’est qu’en 2007, l’homéopathie a procuré un traitement préventif de 2,3 millions de cubains, en l’absence d’un vaccin disponible pour contrer une épidémie de leptospirose, une maladie contagieuse. En quelques semaines, la population traitée par homéopathie a vu le nombre de cas chuter de 37 à 4 pour 100 00 habitants. Sur un échantillon aussi important que 2,3 millions de personnes, c’est un résultat bluffant. D’autant plus que dans la population non traitée par homéopathie, le taux d’infection a rejoint les prévisions historiques.
Le même raisonnement est applicable en temps de crise, quand rien ne marche. L’exemple qui va suivre est historique, et requiert un petit voyage dans le temps et l’espace. Les États-Unis de la fin du XIXème siècle sont un pays de pionniers qui sort affaibli de la guerre de Sécession. Les médecins disposent de peu d’outils : saignée, purgatifs, métaux toxiques. On meurt beaucoup, souvent des suites du traitement plus que de la maladie. Malades et médecins cherchent à sortir de l’impasse, et c’est l’homéopathie qui va relever le défi. En très peu de temps, les expériences positives s’enchaînent. Les médecins d’abord, puis les hôpitaux eux-mêmes se convertissent à l’homéopathie. Les résultats sont spectaculaires sur les épidémies. Le Mississipi State Hospital par exemple passe d’une mortalité de 55 % en 1853 avant sa conversion à l’homéopathie, à 7,6 % en 1854. En l’espace d’un an ! La suite est moins réjouissante. Les attaques virulentes et répétées contre les homéopathes ainsi que les écoles dispensant cet enseignement vont porter leur fruit : en seulement 20 ans, l’homéopathie se verra marginalisée. Pour le plus grand profit de l’industrie pharmaceutique naissante, comme le conte si bien Thierry de Lestrade dans son livre Le jeûne, une nouvelle thérapie ? [9].
Aujourd’hui, malgré toutes ces attaques passées et présentes, l’homéopathie est pratiquée dans les cliniques de plus de cent pays au monde, par plus de trois cent mille médecins, en plus des homéopathes. Comment nier l’amélioration constatée des médecins et des patients eux-mêmes depuis si longtemps et partout dans le monde ? Sans technologie, sans iatrogénie, l’homéopathie est capable de maintenir une population en bonne santé.
Un atout pour demain ?
Solution efficace et peu onéreuse donc, mais solution d’avenir aussi. En effet, le Rapport de l’OMS sur la situation mondiale des maladies non transmissibles alerte depuis 2011 sur l’accroissement attendu de la charge mondiale des maladies chroniques. Elle « constitue la raison la plus urgente de développer et de renforcer la collaboration entre le secteur conventionnel et le secteur de la MT/MC » selon les propres mots de l’OMS. En effet, « la MT/MC sert non seulement au traitement de maladies, surtout de maladies chroniques, mais aussi, très largement, à la prévention et à la promotion et à la préservation de la santé, et elle a fait la preuve de son bon rapport coût-efficacité pour certains pays. » [10].
L’arrogance scientiste
Comme il existe un ethnocentrisme condescendant, lorsque les sociétés primitives sont décryptées selon les critères des sociétés contemporaines occidentales, on peut se demander s’il n’existe pas une forme de sciento-centrisme, sans doute tout aussi condescendante.
Car il faut bien différencier le travail de l’expérimentateur qui constate l’effet du traitement ou du médicament d’une part, et le théoricien qui cherche à résoudre les « énigmes scientifiques » soulevées par l’expérimentateur de l’autre. La médecine devrait s’appuyer sur l’expérience et chercher à soigner, quand la science devrait chercher à comprendre les phénomènes inexpliqués. Les deux sont complémentaires, mais pas superposables. Ainsi l’homéopathe possède un savoir médical et cherche à donner la guérison, quand le scientifique pose des hypothèses et les vérifie. L’homéopathie est un mystère : il y a certes une absence d’explication, mais non pas de démonstration, et – nous venons de le voir –, sur de très grands échantillons. En réalité, les homéopathes ne sont pas les seuls à ne pas savoir comment ils guérissent leurs malades. C’est le lot de tout chercheur véritable qui laisse primer les faits sur leur interprétation. Malheureusement, le dogme, c’est-à-dire la vérité intangible, préside en force dans le milieu médical et dicte ses pratiques. Il est à craindre que la validation scientifique de la HAS se fasse au regard de critères existants dans un cadre fini, cadre incapable de saisir le phénomène de l’infinitésimal, et sans tenir compte de critères globaux. C’est là son écueil épistémologique majeur.
La fabrique du consensus négatif sur l’homéopathie
Les lecteurs ne seront pas dépaysés : toute proportion gardée, le fonctionnement des médias reproduit un processus bien rodé quand il traite un sujet sensible, qu’il soit purement politique ou médical. Les mêmes techniques sont à l’œuvre. Nous l’avons illustré au printemps 2018 à propos de la fausse polémique sur les 11 vaccins obligatoires dans notre article La santé dé(sin)formée.
Il est courant par exemple d’organiser un débat « pour ou contre ». Cela donne une impression d’impartialité et d’ouverture. Mais à y regarder de plus près, il y a plus d’invités « contre » que d’invités « pour ». Cela déséquilibre considérablement le temps de parole final tout en isolant le « pour », à qui on fait tenir le rôle du marginal. Amusez-vous aussi à compter le nombre d’articles ou d’émission à charges : cela finit par être du matraquage.
Malheureusement, le monde scientifique n’échappe pas à la règle. L’ouvrage de Skrabanek et McCormick Idées folles en médecine, plaidoyer pour l’esprit critique au sein de la médecine [11] fait la démonstration magistrale de la manière dont se fabrique une idée « majoritaire ». Il suffit de la décliner à propos de l’homéopathie. À qui accorde-t-on des crédits ? On ne passe pas si facilement le filtre des sociétés savantes. Quelle revue aura le courage de publier sur l’homéopathie ? Quelle publicité fera-t-on dessus ? Il existe bien quelques publications, elles ne sont quasiment jamais relayées. Ainsi, on retrouvera dans la littérature, au fur et à mesure que le consensus s’étoffe des formules du genre « les preuves s’accumulent », puis « il est généralement admis que » pour finir avec un péremptoire « chacun sait que ». Ensuite, les homéopathes exclus du débat, sont simplement montrés du doigt !
En quoi l’homéopathie vous dérange-t-elle ?
Personne ne vous oblige à essayer ni à approuver si cela vous rebute. Restez donc tranquille quand un livre de poche du genre « soignez vos enfants grâce à l’homéopathie » traine sur la table du salon de vos amis, et tolérez que votre épouse préfère consulter un homéopathe à l’autre bout de la ville. Pourquoi se laisser diviser pour si peu ? Soyons bien conscients qu’il s’agit d’un prétexte pour tester la solidité de la digue. Si elle lâche, tout le monde y perdra. Se battre pour ou contre l’homéopathie est une perte de temps et d’énergie. Bien que sans doute elle compte en ses rangs le même pourcentage d’escrocs et de charlatans que partout ailleurs, l’homéopathie est non toxique et ne coûte quasiment rien à la Sécurité Sociale. La notion de « perte de chance » est une construction. Si vous continuez de penser qu’elle est dangereuse, c’est que le système dogmatique est décidément très fort ! Ce qui est certainement inquiétant en revanche, c’est la restriction des choix thérapeutiques. C’est de laisser la médecine devenir un système dispensateur de soins normatifs, planifiés en haut lieu et dont les médecins seraient les exécutants dociles. Il y a des combats bien plus nécessaires : lutter pour éviter d’être la courroie de transmission de Big Pharma, gavés de propagande, et exécutant sans broncher les bonnes pratiques médicales du moment.