Argument
La Grèce, la grève.
Hôpitaux, ports, impôts, écoles, collectivités locales... ! Les syndicats pourris avaient de plus en plus de mal à saboter les grèves ou à les dévoyer. Dans les hautes sphères le spectre de la grève générale insurrectionnelle hantait les grosses poires hellènes.
Soudain un membre d’Aube Dorée tue un rappeur, Pavlos Fyssas. Fissa ! Quelle aubaine : dès l’aube, le lendemain le gouvernement rétiaire procède à « un spectaculaire coup de filet » [1] dans l’aquarium néo-nazi. Beaucoup de menu fretin mais aussi des gros poissons : dix-huit députés et le führer du parti Nikos Michaloliakis sont sous les verrous. Chef d’inculpation : « association de malfaiteurs. »
Mobilisation extraordinaire. C’est l’union sacrée de la Démocratie contre le Fascisme-assasssin. Enterrée la lutte de classes ! Capitalistes, ouvriers, chômeurs, tous unis contre l’ennemi commun. On n’entend plus, ou presque plus, parler du FMI, des plans sociaux meurtriers de la Troïka, mais de la Montée du Fascisme !
Désormais la descente antifasciste des fascistes domine tout.
Et dans cette perspective Syriza fait des offres de service. Reçues cinq sur cinq par la Troïka.
(Les promeneurs solitaires pourront toujours continuer la lecture, mais d’une manière générale les excursionnistes pressés s’exempteront de l’excursus [2] interminable, inutile et parfaitement inadmissible, qui suit.)
Meurtre d’un rappeur antifasciste
Tout d’abord il conviendrait d’être sûr qu’il a bien été assassiné parce qu’il était antifasciste et non parce qu’il était rappeur. En soi, ce n’est pas du tout la même chose. Même si les aversions sonores ont une bonne part dans le goût des vieilleries politiques. Les tintamarres ténébreux appellent l’Aube silencieuse (et le silence est doré).
Mais la reductio ad silentium d’un Rappeur ne saurait être réduite ad hitlerum. Elle peut tout autant être l’œuvre d’un Silencieux que d’un mélomane, amateur de marches militaires allemandes.
Si un philosophe a pu dire que « sans la musique la vie serait une erreur » [3], avec le Rap elle devient une horreur. Et dans notre monde de branleurs tout le monde ne devient pas sourd.
(Socialement parlant, [4] la dialectique est la suivante :
Le Chômage, fléau des classes travailleuses, et le Travail, honni des classes qui rappent, font du Rap la plaie des classes qui chôment. Ex→ Une voiture allemande de 250 000 euros fonçant à tombeau ouvert, l’autoradio bluetooth android beuglant du Rap à fond la caisse, est une véritable agression antifasciste pour le chômeur vautré sur le trottoir, qui ne s’entend plus mendier.
Sait-on assez que plusieurs frères de ces automobilistes retentissants, barbes noires et tabliers de boucher, partis en Syrie en saigner, entre deux mantras coraniques, s’excitent aussi avec des scansions rappeuses ?)
Soyons fous, soyons Fas ! [5]
Quoi qu’il en soit, tuer un rappeur antifa est un geste parfaitement déraisonnable : l’extinction d’un seul rappeur n’éteindra pas l’Espèce rappante. Et un antifa refroidi, loin de diminuer l’ardeur antifa, la réchauffe.
Nous en savons quelque-chose nous autres, d’ex-France, avec l’affaire Esteban, Fa prisonnier politique. Car si en Grèce ils ont des fascistes, nous en France on a les Fas. Ne pas confondre.
Le fa est au fasciste, ce que le chat est au chat-tigre, la chatte à la hairy-pussy-riot, le chiot de garde à chiennerie femen. Une pâle épilation, un succédané, et même une contrefaçon.
En Grèce ce sont d’authentiques marathoniens fascistes qui marchent, jambe alerte et bras tendu, purs et durs. Là bas Aube se lève parée de belles couleurs rouges et brunes toutes dorées.
Gros Media n’a de cesse de mettre en avant ses liens symboliques avec feus les nazis. Pourtant sa filiation réelle est d’abord avec le régime des colonels grecs, régime pro-américain, épaulé par la CIA.
Les Colonels c’était plutôt du Pinochet avant la lettre, voyez vous.
Aujourd’hui encore des secteurs entiers de l’armée, mais aussi de la Police, sympathisent avec Aube, jusqu’au soir inclus.
Pourriez vous décemment imaginer nos fliquettes antiracistes, nos francs-gendarmes guyanais, nos commissaires fils aimant de la Veuve, sympathiser ici avec nos Fas ? Songez au bien-nommé Granomort, modèle de flic français !
« L’Aube, exaltée ainsi qu’un peuple de colombe » [6]
Or donc depuis quelques temps Aube recevait, sonnant et trébuchant, les dons dorés d’une fraction de la classe dirigeante hellénique. Même ce que les journalistes nomment l’establishment politique, l’a discrètement soutenue, afin d’en faire si besoin une alternative à l’anticapitalisme de plus en plus radical de la jeunesse révoltée et de la classe ouvrière. Aube disposait d’ailleurs d’unités paramilitaires entraînées par l’armée.
De la sorte, en fonction des besoins du moment, les gouvernements au service de la Troïka, peuvent décider à leur gré de mettre les fascistes en avant, ou derrière les barreaux.
Il semble clair pour tout le monde aujourd’hui, que l’option fasciste classique, car la Grèce est un des derniers pays où pour des raisons historiques les plus riches auraient pu tenter de sauver leur peau en remettant le pouvoir à une variété de fascisme, soit périmée.
Pour deux raisons. Étroitement enlacées.
Primo, parce que les plus riches majoritairement Grecs, ne pèsent rien en face des beaucoup plus riches, majoritairement non-Grecs.
Secondo, alors qu’on attendait d’Aube d’adorer l’Or, le Veau d’Or et son Maître, Aube dorait la pilule plutôt aux hellènes de souche.
Pire encore, Aube contestait la Vérité Officielle sur l’Holocauste !
Décidément nazis ou néo-nazis c’est blanc bonnet et beau nez blanc. Incurables.
La Domination ne veut plus jamais voir se lever cette Aube nationaliste là. Car avec sa violence, son farouche ostracisme à la Xénophon, ses liens passés avec les vieux colonels, la jeune Aube voulait sincèrement une renaissance grecque.
Et ça c’est terminé. N’en déplaise aux gauchistes et leur train antifâchiste de retard.
L’heure est au Crépuscule.
À la décomposition. Des peuples, des nations. Le contraire du fascisme.
SYRIZA fait risette à Troïka.
Un parti bien crépusculaire, bien décomposé, c’est la Coalition de la Gauche qui se dit elle-même radicale : SYRIZA. Une sorte de front de gauche local.
J’avais moi même cultivé quelques illusions, ici, O légères,
sur ce ramas hétéroclite de petits-bourgeois « intransigeants. » C’est d’avoir vu un de ses dirigeants vautré à la tribune d’un meeting internationaliste, organisé par le POI, le 3 juin 2012 à Paris.
« Non au memorandum ! » qu’il gueulait cet hypocrite. Le memorandum ils s’en foutaient bien. (Et le POI qui leur servait la soupe.)
Dès le décès du rappeur, SYRIZA a immédiatement répondu présent à l’Antifascisme institutionnel, en se plaçant immédiatement en rangs serrés derrière le gouvernement, qui rit sous cape.
Par la voix de son dirigeant Alexis Tsipras Syriza prône l’alliance avec Nouvelle Démocratie, le parti bourgeois pro-américain, contre le Fascisme.
De la sorte il apporte insidieusement son appui aux mesures d’austérité brutales visant la population laborieuse. Bien entendu le parti communiste grec, le KKE, fidèle à sa tradition stalinienne, lui emboîte le pas.
Dans la situation pré-insurrectionnelle grecque, SYRIZA est donc jugée plus utile qu’Aube Dorée. L’antifascisme bien meilleur que le fascisme, pour dévoyer la colère des masses, feindre leur parti, tout en soutenant en pratique les mesures d’austérité et de paiement de la dette aux banques.
Rien de mieux pour tout pourrir que le choix de Syriza et de l’immigration, donc d’une nouvelle législation dite antiraciste qui va museler et détourner la haine de classe en haine de race.
Gageons qu’à ce moment là, Aube aura encore un rôle à jouer.
D’ores et déjà, Alexis Tsipras a été mandé à Francfort pour rencontrer les dirigeants de la Banque Centrale Européenne.
Comme les autres gauchistes partout ailleurs, les gens de Syriza sont de véritables « en.... »
Et en cette matière, les grecs n’ont pas de leçons à recevoir des autres nations.