Objet : demande du respect du principe d’égalité pour les polygames et polyandres.
M. le Président,
Vous venez de faire tomber un des derniers bastions de l’héritage culturel français, le mariage. Je vous en remercie. Celui-ci constituait en effet une entrave à la pensée libérée de notre temps. Il faut évoluer, n’est-ce-pas ?
Donc, mes amis homos peuvent désormais se marier, adopter des enfants, y compris dans des pays où l’homosexualité est perçue comme un comportement contre nature (et donc où ces enfants ne pourront plus jamais renouer de liens avec les leurs). Maintenant, au nom de l’égalité, ils vont pouvoir faire appel à des mères porteuses et des donneurs anonymes. Laissons tomber ces longues années de débats sur la bioéthique, tout cela est réduit à néant. L’égalité, c’est pour les adultes, pas pour les enfants (qui peut-être auraient tenu à connaître leurs origines).
Moi, je suis polyandre. Ne me demandez pas de quel héritage socio-culturel ou religieux ça vient, c’est ma nature. Je suis née ainsi. Dès mon adolescence, je ne savais pas qui choisir entre mes prétendants. Ils me plaisaient tous et je n’aurais pas eu le cœur à leur faire de la peine.
À 20 ans, mes trois amoureux étaient tous adorables. Crise économique aidant, nous nous sommes retrouvés à vivre ensemble, ce qui a facilité le dialogue entre nous. Et les échanges. Un peu à la Arielle Dombasle, ma maîtresse à penser, et à son mari, l’homme le plus intelligent de France, puisqu’il est partout sans n’avoir jamais reçu le moindre mandat ni été élu (enfin, on se comprend, élu, il l’est par nature, mais je parle de l’élection républicaine par les ploucs français qui, certes, ne saurait avoir la même valeur). Eh bien, vous me croirez ou non, nous nous cachons depuis des années !
La voisine, qui reçoit son amant tous les après-midis, nous traite de « pervers ». Mes parents, petits-bourgeois catholiques bien pensants, ne veulent plus me voir et n’ont jamais reçu mes hommes. Quelle étroitesse d’esprit.
Quand nos enfants sont nés, nous n’avons pas cherché à savoir de quel spermatozoïde ils étaient issus. Peu importe, on s’aime et c’est pour la vie. Et puis, c’est un peu comme pour les couples homos : ils n’ont pas à savoir.
Aujourd’hui je revendique bien naturellement l’égalité des unions polyandres et polygames. Si Alain venait à nous quitter, pour un autre couple par exemple, quels seraient ses droits vis-à-vis de nos enfants, qu’il a élevés au même titre que les deux autres ? Si Moualek venait à disparaître (il n’est pas en très bonne santé, surtout mentale, en ce moment), quelle serait la part d’héritage pour ses enfants ? Car pour qu’il n’y ait pas de jaloux, en l’absence de tout dispositif réglementaire ou législatif pour des gens comme nous, nous avons renoncé à tout pacs, tout mariage, et j’ai déclaré seule mes trois enfants. Quant à Jack, l’annonce du mariage gay a transformé sa vie. Lui, son truc, c’est les enfants. Il se demande s’il va enfin pouvoir officialiser son union avec notre fils. C’est juste une question de temps, dit-il. Pourquoi les homos auraient-ils plus de droits que lui, dont la nature profonde est d’aimer faire l’amour avec des enfants ? Enfin, merde, quand même !
Je suis ravie de la charte sur la laïcité et du programme de l’éducation nationale. À 10 ans, ma fille sait dessiner des bites et des vagins, elle a eu un 9/10 au contrôle (elle avait oublié les testicules, une honte !). Elle ignore cependant pourquoi son ami Diwill ne mange pas de porc, ni pourquoi la sœur de sa copine Nora ne va plus à l’école depuis qu’elle porte le voile. Elle n’a jamais joué avec un enfant juif, car il n’y en a aucun dans l’école (enfin, pas des « vrais ») mais elle a déjà eu droit au chapitre sur l’holocauste.
Je ne relève pas les fautes d’orthographe de l’enseignante, qui a dû réussir brillamment son examen avec un 4/20. Qu’elle confonde le verbe être et néglige les accords, quelle importance ? Sa sévérité dans la notation est de bon augure, il faut les mater ces petits !
C’est avec l’immense respect que je dois à votre fonction que je vous salue, M. Le Président, en souhaitant que vous fassiez de ma demande un projet de loi et que ce sujet soit débattu devant les parlementaires si soucieux de l’avenir des Français.
Bien à vous,
Isa T. (encartée PS)