Germain Gaiffe-Cohen, directeur adjoint de la publication d’E&R, incarcéré à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, se voit empêché par le ministère de l’Intérieur et l’administration judiciaire de déposer sa candidature aux élections législatives. Il conteste cette décision dans deux lettres reproduites ci-dessous, adressées à son chef de détention et au préfet.
Lettre au chef de détention
GAIFFE Germain
15144 / A210
Maison centrale
Saint-Martin-de-Ré
Bonjour Chef !
Bon alors, si j’ai bien tout compris, ma demande qu’un agent préfectoral soit dépêché ici, prendre ma déclaration de candidature, est montée jusqu’à Place Beauvau. Là haut il a d’abord été décidé qu’il y soit donné droit, mais ensuite « on » a finalement donné l’ordre que non, ceci au motif que c’est au juge de l’application des peines de faire ce qu’il faut, permission de sortie sous escorte, pour faire en sorte que je puisse remettre ma déclaration de candidature « personnellement », traduisez « tel qu’exigé par l’article L. 127 du Code électoral », un juge de l’application des peines à qui la loi donne tous pouvoirs pour y pourvoir, notamment, n’en déplaise au ministre de l’Intérieur, celui de donner l’ordre au préfet de dépêcher un agent préfectoral en l’établissement comme susdit.
Ainsi, alors que, tiré du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, la loi définit que c’est le juge de l’application des peines, et dès lors pareillement la Chambre du même nom, qui ont le pouvoir de donner l’ordre au Préfet, et dès lors pareillement au ministre de l’Intérieur, de dépêcher un agent préfectoral en l’établissement, et non pas l’inverse, c’est-à-dire un pouvoir qui n’est donc PAS donné par la loi au ministre de l’Intérieur et au préfet, de donner l’ordre au juge ou à la Chambre de l’application des peines de m’accorder une permission de sortie sous escorte, (car cet ordre serait manifestement illégal, délictuel au sens des articles 432-1 et 2 du Code pénal, méconnaîtrait ledit principe constitutionnel et celui de l’indépendance de la justice), un tel ordre a donc été donné par le ministre de l’Intérieur, au juge et à la Chambre de l’application des peines.
En conséquence, et étant donné que c’est vous, merci, qui m’avez transmis cette information, je vous saurais gré de faire savoir au ministre de l’Intérieur, que la loi déterminant que cela s’impose à lui sous la contrainte d’une obligation positive (définie par les dispositions combinées des articles 1er et 2 de la loi du 17 juillet 1979, et de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, et dont le non respect par lui, engagerait sa responsabilité pénale, civile et professionnelle, par application des articles précités du Code pénal), je lui demande de me produire la décision expresse de rejet de ma demande qu’un agent préfectoral soit dépêché en l’établissement pour prendre ma déclaration de candidature, décision expresse de rejet obligatoirement écrite, qui, aux termes des dispositions que j’ai évoquées ci-dessus entre parenthèses, doit mentionner l’identité et la fonction du fonctionnaire ou du membre du gouvernement qui l’a prise, ainsi que les motifs de droit et de fait sur le fondement desquels cette personne l’a prise.
Voilà. Comme ça, j’enverrai illico tout ce joli petit monde devant le tribunal correctionnel, voire le cas échéant, devant aussi la cour de justice de la République, par voie de citation directe, ceci avec, évidemment, toute la publicité pour le respect de l’État de droit qu’il convient d’y donner.
Et Vive la France !
Je vous en suis reconnaissant à l’avance, et vous prie d’agréer, Chef, mes sincères salutations.
Lettre au préfet
Germain GAIFFE
Maison centrale
« La Caserne »
17410 Saint-Martin-de-Ré
Préfecture de la Charente Maritime
17000 LA ROCHELLE
Objet : dépêcher d’un agent préfectoral en l’établissement pour recueillir ma déclaration de candidature aux élections législatives de 2017
Monsieur le Préfet,
Nonobstant l’avis contraire que vous a donné le ministre de l’Intérieur la semaine dernière, je vous réitère ici ma demande de dépêcher un agent préfectoral en l’établissement pour recueillir ma déclaration de candidature aux élections législatives, et ceci, désormais, en extrême en urgence, à savoir ce jour ou demain, vendredi 19 mai 2017 étant la date limite pour y procéder.
En effet, premièrement, par ordonnance du 15 mai 2017, Madame MARTINEZ, présidente de la chambre de l’application des peines de Poitiers, a confirmé celle du 2 mai 2017 par laquelle le juge de l’application des peines de la Rochelle avait rejeté ma demande de permission de sortie sous escorte, Madame MARTINEZ persistant à cette occasion en la position qui consiste à soutenir, mais sans user des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de vous en donner l’ordre expressément, je cite « c’est à un agent de la préfecture de se déplacer à la Maison centrale de Saint-Martin-de-Ré pour la recueillir ».
Et deuxièmement, alors que lundi 15 mai 2017, le chef d’établissement m’ayant fait savoir, par le chef de détention, que le ministre de l’Intérieur avait stipulé qu’il fallait que je saisisse céans le juge de l’application des peines d’une nouvelle demande de permission de sortie sous escorte, ce que j’ai fait immédiatement, et alors que nous sommes aujourd’hui le jeudi 18 mai 2017, à savoir la veille de la date limite pour le dépôt des candidature, il appert que ce magistrat n’a nullement statué sur celle-ci.
Ainsi, quand bien même serait-il disposé à le faire avant que ladite date limite n’intervienne, c’est-à-dire demain, et à donner droit à ma demande, que le temps nécessaire à trouver une escorte de police ou de gendarmerie disponible, et à la mobiliser, serait hélas insuffisant.
En conséquence, et bien que j’aie procédé à tout ce qui m’était légalement possible de faire, je me trouve ; du fait donc de ces décisions de justice qui sont rigoureusement contraires aux termes même de la loi ; avoir été placé dans l’impossibilité absolue, et totalement indépendante de mon fait, j’insiste, de déposer personnellement ma déclaration de candidature, et par là je suis spolié en l’état, du droit qui m’est consenti par la loi de me présenter aux élections législatives.
Dès lors, et comme en tant que représentant de l’État pour la Charente-Maritime, c’est à vous qu’il incombe de faire en sorte que l’exécution de la loi soit rétablie, en ordonnant la seule et unique mesure qui puisse y pourvoir en l’occurrence, à savoir dépêcher un agent préfectoral comme susdit, et cela, évidemment, avant la date limite du vendredi 19 mai 2017 à 18 heures, je vous saurais gré de le faire.
Je vous en remercie à l’avance.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations distinguées.