Après le chaos terroriste, le chaos migratoire, voici le chaos politique. Avec les affaires qui sortent de partout – on s’y attendait, mais pas à ce point – la France est entrée dans un cycle de turbulences dont on ne voit pas la sortie. Car si Fillon est éliminé en troisième semaine de la série Fillon 2017, alors Macron file tout droit vers le titre. Oui mais voilà : une France à cran acceptera-t-elle d’être dirigée par un banquier, fut-il brillant, de 39 ans ? Autant dire que ça sent la grève générale, et de longue durée. Il y a des limites aux manipulations oligarchiques, merde !
Oh, rien de personnel contre le sympathique Manu (Macron, pas Valls, qui a été éliminé en première semaine), mais la lourdeur avec laquelle on nous l’impose a quelque chose de très vexant, d’un point de vue intellectuel. Comme si on était des veaux qui ne voient pas l’entourloupe. Hé, les seigneurs de la France d’en haut, les chose sont changé, il y a l’Internet, les échanges d’information, le « P to P », l’horizontalité, la solidarité des dominés ! On n’est plus en 1950, quand la communication était verticale, à sens unique, sans discussion... le coup de règle sur les doigts !
Ce jeudi 2 février de l’an de grâce 2017, Fillon s’enfonce dans le marécage, on ne voit plus que sa tête. Il cherche de l’air, mais sur les bords du marais, ça canarde sévère. Pas de pitié pour celui qui voulait – en paroles du moins – remettre la France droit sur ses pieds (droits), soit le catholicisme et le gaullisme, le social ayant un peu disparu entre-temps. Grâce au Fillongate, le Canard enchaîné, qui avait perdu plus de 20% de ses ventes, donc de ses lecteurs, s’est refait une santé. Passant de 300 000 à 500 000 ventes ces deux dernières semaines.
Ce sursaut rappelle celui de Charlie Hebdo, quand la bande à Val & Cabu, ou plutôt la bande à Val, fit son beurre sur l’islamophobie. Les ventes atteignirent des sommets, renflouant les caisses d’un hebdo que plus grand monde ne lisait, tant il avait trahi les fondamentaux de la vraie gauche, l’anti-impérialiste et l’antilibéralisme. On n’ira pas jusqu’à dire que les vieux papis du Canard risquent de finir sous les balles des fillonnistes ultra, s’ils existent, mais cette participation calculée à un lynchage a quelque chose d’amoral.
Cependant, le Canard n’est pas seul dans la curée. Ce soir, Envoyé spécial, l’émission qu’on a épinglée plusieurs fois pour sa soumission grossière à l’ordre dominant et sa fabrication de sujets en service commandé, y va de son petit parpaing sur le supplicié. On se demande si Têtu ne va pas lui/elle aussi embrayer sur la meute, mais ça paraît peu probable. Ce mensuel gay n’a aucune influence (Bergé l’a refilé-e pour un euro), et aujourd’hui, la presse people se charge des règlements de comptes d’alcôves. Il n’y aura bientôt plus de limites dans les révélations : on mélangera le financier, le politique, le relationnel, le sexuel...
Si la presse se refait une santé sur le dos de Fillon, cela ne l’empêche pas de souffrir. Et quand la paille vient à manquer, les chevaux se mordent les uns les autres. C’est ce qui est arrivé à Marianne et Mediapart, qui sont sensiblement sur le même créneau, la gauche donneuse de leçons, avec un prisme sioniste plus marqué chez Marianne, et une préférence sociale chez Mediapart.
Figurez-vous que Laurent Mauduit, un des cofondateurs du site de Plenel, qui vient d’écrire un livre sur la concentration de la presse (tu parles d’une découverte), a osé un La Face cachée de Marianne, dans lequel, selon l’hebdomadaire papier, le pure player dirigé par Edwy Plenel, ex-journaliste du Monde, règlerait ses comptes avec le journal de la paire Cohen-Péan, qui avait, il y a 14 ans, coulé la réputation du Monde avec la torpille La Face cachée du Monde (200 000 ventes). La phrase est un peu longue, on s’en excuse, mais on voulait insister sur le fait que ça défouraille de partout. On dirait qu’une digue a cédé... que les barrages ont été ouverts, avec des arrière-pensées...
Extirpons-nous de ce marécage, qui réserve de glauquissimes surprises (à ce rythme il n’y aura plus un candidat debout le 23 avril [1]), et partons sur les océeans respirer le grand air marin.
Avec le Charles-de-Gaulle, fleuron de notre flotte de combat. On va freiner sur le lyrisme car notre super-raffiot, il est au garage, et ça va nous coûter la bagatelle d’un milliard trois. Un virgule trois milliard d’euros. Le géant des mers a quelques problèmes intestinaux, voyez-vous. Nous on veut bien payer pour la réparation – de toute façon on n’a pas trop le choix, et puis des casses de Gitans qui rafistolent les porte-avions, ça court pas les banlieues – mais on veut savoir pourquoi. La fierté nationale, d’accord, mais avec les factures.
C’est Le Figaro – ô hasard, Dassault équipe le CDG en Rafale – qui explique de quoi souffre notre monstre marin, notre mosasaure national. « Selon nos informations, l’opération est programmée pour le 7 février », prédit le quotidien. Il va falloir une grosse table d’opération, ha ha ha ! Bon, celle-là, on la laisse pour Ruquier.
Dix remorqueurs de la marine nationale seront mobilisés. La manœuvre est délicate compte tenu des mensurations du porte-avions, avec ses 261 mètres de long, 75 mètres de haut et 31,5 mètres de large, à la ligne de flottaison (64,36 mètres au niveau du pont d’envol) et ses 42 500 tonnes de déplacement. Son « parking toulonnais » est à peine plus spacieux, avec 275 mètres de long et 46 mètres de large…
Dans Le Figaro, on ne fait pas dans le dithyrambe à deux balles :
Une fois le Charles-de-Gaulle, au préalable désarmé, bien installé au centre du bassin, les équipes de DCNS remettront en place les bateaux-portes en les coulant, à 14 mètres de profondeur, au fond du bassin. Dès lors, on pourra vider « la baignoire » : 177 000 mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 47 piscines olympiques, doivent être pompés afin que le Charles-de-Gaulle repose sur un rail composé de 165 blocs de béton surmontés de bois, appelé « ligne de tins ».
On ne va pas tout mettre, juste vous expliquer que le navire va passer à la 5G, que la cybersécurité va être consolidée (histoire d’éviter l’épisode délicat du contrat des sous-marins Barracuda à l’Australie), que les derniers Super Étendard vont prendre leur retraite (il avait bien servi contre les Anglais pendant la guerre des Malouines) pour être remplacés par 30 Rafale (contre 24 auparavant, comme ça Le Figaro pourra embaucher des journalistes).
Pour calmer les pacifistes, on dira que derrière cette bête de guerre, il y a 4 millions d’heures de boulot pour nos vaillants travailleurs. Les patriotes seront heureux d’apprendre que seuls les États-Unis et la France disposent de porte-avions à propulsion nucléaire. Mais les Chinois arrivent...
Au-dessus de nos guéguerres nationales, il y a le Grand Jeu. Et au-dessus de tout ça, le Cosmos et son insondable mystère.
C’était pour relativiser.