Thème central du jour, pour ceux qui n’auraient pas envie de chercher : le libéralisme, c’est (de) la triche. On sait bien que c’est très facile d’incriminer toujours les mêmes trucs, le libéralisme, l’oligarchie, les lobbies, tout ça. Même nous des fois on en a marre, on voudrait dénoncer autre chose, par exemple les curés, les flics, les CRS, les chasseurs, les beaufs, mais il y a trop de monde sur le créneau, la concurrence est trop forte. On est obligé de se spécialiser sur la dénonciation un peu foireuse dont personne ne veut, celle qui fait mal à la tête, rapport aux coups qu’elle provoque. Car s’en prendre aux cibles « normales » est non seulement autorisé, mais encouragé, et bien rémunéré par l’oligarchie. Ah mince !
Un petit fait divers de rien du tout avec une résonance politico-économique : un cycliste de 43 ans s’est fait choper avec un vélo à moteur. OK, où est le mal ? Eh bien le gars participait à une course de 3e catégorie, c’est-à-dire que c’est un semi-pro – mais encore amateur – d’après la FFC, la fédération française de cyclisme sans moteur. Le coquin s’est évidemment fait pincer après avoir grimpé une côte trop facilement. Faut être con quand même. Cependant, ce moteur caché lui a permis d’engloutir pas mal de primes, les gendarmes sont d’ailleurs en train de lui faire cracher le total à ce sujet.
Sur cette vidéo, les commentateurs espagnols se posent des questions sur le vélo de Froome qui avance tout seul)
L’intérêt de cette histoire réside dans la concurrence acharnée que les amateurs se livrent désormais. Au bout, il y a la carotte du fric et de la gloire, et ça fait vite franchir la ligne rouge de la morale, sportive ou autre. En politique, elle est franchie depuis longtemps, mais c’est le domaine du machiavélisme, pas de la morale. Accuser un homme politique d’être amoral c’est comme accuser un crocodile d’avoir des dents ou de ne pas être un pingouin : ça n’a aucun sens.
À propos de politiques et de morale, Xavier Niel en a sorti une bonne ce lundi 2 octobre 2017 au journal Le Parisien , devant un parterre de 4 entrepreneurs, le tout dans les nouveaux locaux de Station F, là où il incube des dizaines de start-up.
« Un entrepreneur est plus capable de changer le monde qu’un politique » (Xavier Niel, 2017)
Xavier, qui se présente comme une espèce de Steve Jobs français, pragmatique et créatif, va pourtant en sortir une bien grave sur les entrepreneurs :
« L’entrepreneur moyen français a fait une grande école, est blanc, issu d’un milieu favorisé. Bien qu’autodidacte, je m’intègre dedans. N’est-on pas capable de créer un autre type d’entrepreneuriat avec plus de femmes, de personnes issues de milieux plus défavorisés, de la diversité ethnique, religieuse ? »
Là on ne voit pas trop le rapport : ça compte d’avoir tant de % de non-Blancs ou de non-mâles ou de non-chrétiens à la tête des entreprises ? L’entrepreneur blanc, mâle et chrétien serait-il à l’origine des discriminations à l’embauche et au niveau de la vocation d’entrepreneur ? En revanche, point d’antipatronisme primaire chez nous. L’idée de Niel d’intégrer dans Station F tous les services de l’État (Pôle emploi, Urssaf, Poste) est bonne. Mais quel entrepreneur petit ou moyen peut se payer ce luxe ? Et puis, dans son interview, il balance une jolie contradiction :
« Quand j’entends “je n’arrive pas à être financé parce que je suis en France”, je réponds : “C’est parce que ton projet n’est pas bon” » est suivi 5 réponses plus loin par « On a besoin de pousser les gens à investir dans les start-up. Les Français sont parmi les plus faibles investisseurs ». Tout le monde n’a pas eu la chance de commencer dans le proxénétisme ! Heureusement, Xav’ est aujourd’hui casé avec la fille Arnault, donc la morale est sauve. Ils sont tous deux dans le top 10 des milliardaires hexagonaux.
Alors stop au Niel-bashing, nom d’une pipe : lui et son fonds d’investissement soutiennent 2 ou 3 start-up par semaine, soit plus de 1 000 en tout, dont la moitié à l’international. Et le travail collectif – le partage de connaissances – y est développé… chez les développeurs (de l’école 42). Et maintenant, voici le credo de Xav’ :
« Une très bonne idée avec un mauvais entrepreneur, on ne va rien faire. Un bon entrepreneur avec une mauvaise idée, on peut essayer de faire quelque chose. »
Tiens, si on appliquait cette phrase aux politiques ? Si l’idée – la préférence nationale – du FN est une bonne idée, qu’en est-il de celle qui l’incarne actuellement ? Si une grande idée politique ou une vision est incarnée par un homme de valeur, on pense à De Gaulle ou à Chavez (OK Lapierre, on a oublié l’accent), alors ça fait des étincelles. Mais si vous avez une idée généreuse, par exemple le socialisme, incarnée par Hollande, voire Cambadélis – il veut reprendre le parti, il le dit dans son bouquin tout frais sorti – alors là effectivement on fait comme Xav’, on balance le bébé avec l’eau du bain.
Dupont-Aignan, lui, est courtisé de toutes parts : par le FN de la paire Ménard & Collard, et par Les Patriotes de Philippot, qui vient tout juste d’en faire un quasi-parti politique. Du coup, Dupont-Aignan a choisi lui aussi de monter sa cabane, Les amoureux de la France !
.@dupontaignan "J'ai lancé la plateforme https://t.co/kO3TdWiebG pour en finir avec les querelles des partis et consulter enfin les Français ! #AmoureuxDeLaFrance " #Les4V pic.twitter.com/a1XUMBwRCo
— Debout la France (@DLF_Officiel) 2 octobre 2017
D’après nos calculs, cette plateforme participative qui a pour but la rédaction d’un programme politique commun (40 ans après celui de la gauche) à toutes les droites de France, ça sent le rapprochement avec Ménard & Collard, les Dupond & Dupont du nationalisme islamophobe pro-sioniste. Mais on peut se tromper, la politique est une science tellement inexacte !
NDA tend la main à Wauquiez, qui se fait déjà accuser de « fascisme » dans les médias de gauche – bientôt on devrait le voir en « nazi » en une de Libé avec interview de BHL et encadré de Moix – et à ce qui reste du FN sans Philippot. Là, ça sent quand même l’OPA du petit – Debout la France – contre le gros, le FN ! Mais dans le monde des affaires, un petit peut dévorer un gros. Regardez ce que Xavier Niel, qui a commencé tout petit en franchissant quelques interdits, est devenu 30 ans plus tard avec l’opérateur Free... sur le dos de la téléphonie publique.
On dirait que la re- ou dé-composition du gros poisson national aiguise les appétits des petits poissons autour !