Les 400 Culs c’est le blog le plus lu de Libé, alors le quoditien le moins lu de France y tient. On y parle sexe, mais sous toutes ses variantes : historique, politique, sociologique, biologique, ah, et aussi sexuelle.
Sous le titre L’amour libre : une utopie libératrice ?, rien que par le point d’interrogation, on sent qu’on s’interroge. Qu’on s’interroge sur le bien-fondé de la révolution sexuelle et toutes ses conséquences. Car normalement, une révolution, ça abat quelques privilèges et ça donne un peu de pouvoir au peuple, ou alors quelques avantages ou avancées, sociales par exemple. Sexuellement, la société, un jour de 1970, a levé son pistolet et a donné le top : pan !, maintenant, tous à poil, que tout le monde baise avec tout le monde, c’est la grande troustafana infernale ! Et le bonheur au bout de l’orgasme collectif reichien !
Dix ans plus tard, grosse désillusion : le sida venait mettre un terme aux envolées lubriques. Il fallut faire attention, ne pas coucher avec tout le monde, redevenir un peu fidèle, c’est-à-dire frustré. Il y en a sûrement qui ont dû penser que les inventeurs du sida venaient de la cathosphère. Agnès Giard, dans sa critique du livre de Michel Brix, analyse ce qui « remet en cause l’idée reçue : n’en faire que selon ses désirs rend malheureux ». Un petit air de déjà lu pour qui connaît Misères du désir.
En réaction au dolorisme chrétien et aux discours d’abnégation, Fourier pense que l’ascétisme provoque le malheur. Pour être heureux, en harmonie avec dieu et l’équilibre du monde, il faut que les humains réalisent leurs envies, « sans en réprimer aucune », même celles « de l’abondance, du luxe voire du superflu ». Cette morale en apparence hédoniste (qui préfigure le consumérisme naissant) cache cependant une forme pernicieuse d’encadrement autoritaire.
La frustration, c’est le mal... ou le bien ?
On a pu remarquer que la grande partouze généralisée entre adultes n’a pas apporté le bonheur espéré. En la matière réaliser ses désirs, c’est bien, mais c’est tout. Le prix à payer est celui de la destruction du couple, puis de la famille, par extension. On sait tous que les enfants ont besoin d’un cadre clair, et, si possible, de deux parents qui s’aiment et ne se foutent pas trop sur la gueule. La pratique de la partouze bourgeoise discrète peut éventuellement concilier les désirs personnels et la norme sociale.
- Aujourd’hui grand-mère, Linda essaye désespérément de faire disparaître ce cliché gênant
Faire sauter les carcans sociaux et la morale religieuse crée un individu d’un genre nouveau, individualiste et solitaire, voire sadique – au sens sadien – et asocial. Adieu vie en communauté, conscience du collectif (pléonasme) et autres constructions humaines basées sur la réciprocité, le respect, et l’épanouissement... social ! C’est pourquoi le socialisme, dans sa version capitalistique, est mort. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, l’intime et le social. Enfin, pas à 100% de chaque côté.
Le social, justement, c’est ce qui nous intéresse, on l’appelle aussi le politique. En ce moment, il ne se passe pas une journée sans barouf. Le barouf du jour, enfin d’hier, c’est la journaliste de BFM TV qui se fait insulter pendant le meeting parisien de François Fillon. Il y aurait deux raisons à cela (le groupe média de Patrick Drahi a choisi son poulain, le frétillant Macron ; de surcroît, Fillon est l’objet d’une étrange campagne de démolition orchestrée par les journalistes, dans un bel ensemble), que nous ne cautionnons pas, car la pauvre femme a dû passer un sale quart d’heure. Heureusement, elle n’a pas été tripotée comme à la Saint-Sylvestre allemande, elle a juste essuyé quelques gros mots. On y survit. Ça durcit le cuir. Vincent Lapierre, notre courageux reporter, peut en témoigner.
VIDEO :@JulietteWallon, journaliste #BFMTV, copieusement INSULTÉE par les militants #Fillon ne peut assurer le direct ! #FillonLaVillette pic.twitter.com/GVya4SS1nY
— fandetv ن (@fandetv) 29 janvier 2017
Vous allez nous dire, « tu parles d’une info, une journaliste mainstream se fait secouer », oui mais attendez, on n’est pas dans un meeting de la fachosphère, on est chez la bourgeoisie de droite, là, les gars ! Qu’un jouvenceau donneur de leçons démocratiques aux joues roses et aux fesses renbondies de Quotidien, l’émission de Yann Barthès, se fasse un peu houspiller chez les lepénistes, rien que de très logique, avec ce qu’ils mettent dans la gueule à Marine du matin au soir. Mais là, on est chez les gens bien élevés (qui partouzent peut-être le samedi soir), et ça part quand même en sucette. C’est donc un signe – inquiétant pour certains, jubilatoire pour d’autres – que la contestation antimédias est encore montée d’un cran. On ne sait pas jusqu’où ça va aller, à ce train. Cela nous rappelle l’expulsion de Finky place de la République, à Paris, un soir de Nuit debout. Après, les jeunes gauchistes vont se plaindre de pas être invités dans l’émission du sioniste de droite sur France Culture. On ne peut pas tout avoir, les gars ! Le beurre et l’argent du beurre !
On ne quitte pas le politique – franchement c’est trop cool en ces temps LGBT de pouvoir masculiniser un mot aussi important – pour la guéguerre du moment. Retour sur les faits : Hamon et Valls font campagne pour représenter le PS au premier tour des présidentielles le 23 avril. Pas ou peu de coups bas pendant les débats entre les deux ex-ministres du président Hollande, dont ils n’ont pas trop parlé (il faudra enquêter pour savoir pourquoi). C’était même très poli, chacun avançant ses arguments : le revenu universel pour l’un, la répression universelle pour l’autre. On schématise un peu, sinon on y passe la soirée.
- Alléchés par le revenu universel de Benoît Hamon, des milliers de Martiens ont débarqué sur notre Terre
Oui mais voilà que Valls, donné perdant par les sondages (et le terrain) pour la finale dans les urnes du 29 janvier, durcit le ton. Il est invité, on l’a vu, le jeudi 26 janvier sur Radio J par Frédéric Haziza, qui le branche sur les 220 volts de l’antisémitisme, l’antisionisme, l’islamophilie, bref, la « préférence » islamiste dont le clan Hamon se rendrait coupable par le truchement de ses deux conseillers : Pascal Cherki et Alexis Bachelay. Haziza rappelle avec beaucoup d’excitation deux déclarations pro-palestiniennes des deux députés PS. Nous en avons largement fait écho. Mais les accusations proférées sur Radio J ont eu des conséquences néfastes sur la vie de Bachelay, résumées par Europe 1 :
« Je reçois des menaces de mort... Je le dis à Manuel Valls, je suis extrêmement choqué de ces manipulations. Depuis qu’il a fait ça je reçois via les réseaux sociaux des menaces de mort, a déclaré le député des Hauts-de-Seine, invité de LCP. Il a ensuite précisé que ces menaces, principalement sur Twitter, sont du type "islamo-collabo, on va te crever". »
Une fracture de plus entre « frères » socialistes : le PS, qui avait fait le ménage sous l’impulsion de sa direction, était devenu un parti majoritairement pro-israélien, dans les actes. Les « palestos » se retrouvant éjectés ou relégués à l’extrême gauche ou chez les écolos. Ce sont ceux-là que BHL visait quand il dénonçait cette gauche complice de l’« islamo-fascisme », cette descendance des « rouges-bruns ».
- Cette image est évidemment un montage : les toreros n’ont pas leur nom écrit sur leurs fesses
Eh bien par un revirement dont l’Histoire, cette grosse déconneuse, a le secret, pour des raisons de survie – le PS ayant perdu les ouvriers lorgne désormais sur les classes défavorisées d’immigration récente – la palestinophilie revient inopinément à la faveur du vote de banlieue, ce que personne ne peut contester. Et si Hamon n’a pas bénéficié le 29 janvier du vote dit immigré, il n’en représente pas moins la gauche immigrationniste, et ne s’en cache pas : il n’a pas condamné le voile, n’a pas amalgamé les musulmans aux islamistes, prenant en cela l’exact contre-pied de Valls. Qui lui n’y est pas allé de main morte, poussé par son petit génie Haziza. À l’arrivée, 60/40 dans les dents. Les électeurs orphelins du très israélophile Valls (lire dans la page Facebook de Gil Taieb le Demain j’irai voter pour M Valls…) pourront se consoler chez Macron, qui est très accueillant de ce point de vue.
Un emmerdement de plus pour l’oligarchie : tout le boulot de décontamination de la gauche de pouvoir est à refaire !