Difficile de se faire une place dans l’actu de ce lundi 4 avril, à côté de la bombe atomique (factice) des Panama Leaks. Un coup médiatique de l’Empire relayé par tous les grands médias aux ordres. Comme ça, au moins, on sait qui est de quel côté.
On dit souvent qu’autour d’un chêne, rien ne pousse. C’est vrai : eh bien dans l’actu c’est pareil, l’événement massif écrase tout sur son passage, et fait oublier le reste. Qui peut être, parfois, plus important. Car souvent, dans nos contrées civilisées où le totalitarisme se planque derrière le pluralisme, la chambre d’écho médiatique privilégie un non-événement, et coupe la lumière et le son sur quelque chose de plus important ou intéressant. Comprendre que ce sont les médias qui font les événements, et pas la réciproque. Alors, de quoi le pseudo-scandale du Panama est-il le contre-feu ?
On a tous compris qu’il s’agissait d’une attaque ad hominem sur Poutine, emballée dans un papier aussi brillant que bruyant. Rien n’arrête notre système médiatico-politique, pas même le ridicule ou la lourdeur. On a pourtant notre ancien Premier ministre, François Fillon, qui a fait une sortie inattendue pour un membre de la classe politique qu’on croyait complètement soumise à l’Empire. Ouf, ça change de Hollande, le secrétaire général de Netanyahou à l’Élysée. Voici le bon morceau de sa déclaration dans Marianne :
« Dans ce contexte, une seule puissance a fait preuve de réalisme : la Russie. Que Moscou ait ses propres intérêts dans la région est évident, mais qui n’en a pas au Moyen-Orient ? Aux prises depuis longtemps avec les fanatiques islamiques sur leur propre territoire, les Russes ont choisi leur camp. C’est moins celui d’Assad que celui du combat total contre tous ceux qui veulent d’un califat qui ferait flotter son drapeau noir sur une grande partie de la planète – ou en rêvent. »
Poutinisation de la droite post-gaulliste française
Fillon, c’est le petit nouveau qui monte à droite, et pour qui le chanteur de gauche Renaud veut voter en 2017. Certes, Renaud a perdu un peu de son d’inspiration et de sa voix en route (du rhum), mais son avis compte. Qui sait, peut-être est-il encore capable d’entraîner le vote de centaines de milliers de jeunes (ou de vieux), faisant basculer à lui tout seul l’élection présidentielle de 2017. Un revirement qui provoque une déflagration à gauche : Mélenchon, invité du Grand Jury RTL-Le Monde le dimanche 3 avril, a promptement réagi, rappelant qu’un gauchiste vote à gauche : « Quand on est Renaud, on ne vote pas Fillon ! »
Mélenchon – Méluche pour les intimes – se dressera vent debout contre le Kapital en 2017 en tant que chef de file des Insoumis, le nouveau mouvement qu’il a créé après avoir lâché le Front de Gauche. Dernièrement, aux présidentielles de 2012, il avait été évincé du second tour par la candidate du FN, Marine Le Pen, qu’il pensait battre. Ce coup-ci, on lui prédit un score un peu plus sévère encore, mais rien ne l’arrêtera. Ses meetings place de la Bastille à Paris, place du Capitole à Toulouse, et sur la plage du Prado à Marseille en avril 2012 lui avaient donné des ailes. C’est parmi les jeunes et les pauvres (donc a fortiori les jeunes pauvres) que le leader populiste de gauche cartonne. Justement, à Marseille, les jeunes pauvres, c’est pas ce qui manque. En général, le désœuvrement les amène à devenir des ultras de l’OM, le club local. Qui n’est pas en très bon état, c’est le moins qu’on puisse dire…
La mort de l’Olympique de Marseille préfigure-t-elle celle de toute une ville ?
Une grande ville peut-elle mourir ? Il y a 30 ans, désindustrialisation oblige, la ville de Valenciennes avait failli disparaître. Seul un apport d’argent massif de l’État et une politique d’incitation en direction des entreprises, avec d’énormes avantages fiscaux, avait contribué à redresser la barre. Redressement qui avait valu à Jean-Louis Borloo de devenir plus tard ministre de la Ville sous les gouvernements Raffarin (2002-2004), et presque Premier ministre.
Donc Marseille, qui s’enfonce à son tour dans, non pas la désindustrialisation, puisqu’elle est effective depuis la perte des grands marchés du port, ou le retard pris sur les concurrents français (Le Havre) ou européens (Rotterdam), mais dans une crise économico-sociale sans précédent. Gros taux de chômage, faiblesse de la proportion des actifs par rapport à la population totale, faible niveau de formation (25% des Marseillais sont sans diplôme), un revenu annuel plus faible que la moyenne… tout ça dans la deuxième ville et métropole de France. Concrètement, la ville dépend des indemnités chômage et des prestations sociales. Elle tient sur la solidarité nationale, et rien ne vient illuminer cette situation à l’horizon. C’est la fin de l’empire colonial français qui a sonné le déclin de ce complexe industrialo-portuaire, comme l’écrit justement Alternatives économiques. Aujourd’hui, pour ce secteur d’activité, il est trop tard : de l’autre côté de la Méditerranée, les investisseurs mettent du lourd sur Tanger Med, la plate-forme logistique la plus moderne de la Méditerranée, au croisement de tous les trafics intercontinentaux de conteneurs.
- « Ça y est, dépucelé : j’ai eu droit à mon cambriolage ! On a dit pas avec la famille les gars ! » (Le compte Twitter officiel de Lassana Diarra)
Plus prosaïquement, pour le péquin moyen, Marseille c’est la kalach et la drogue, un cliché de chez cliché. Pour ne rien améliorer, le club de la ville, générateur de fierté, s’enfonce lui aussi dans la crise : gouvernance dépassée, actionnaire détaché, joueurs cambriolés (au tour de Lassana Diarra, pourtant le meilleur des Marseillais), voici l’analyse de Pascal Praud sur son blog yahoo :
« Résultats catastrophiques. Fiances calamiteuses. Image déplorable. Margarita Louis-Dreyfus ne pense qu’à une chose : partir. Mais personne ne veut acheter son club. »
Idem pour la ville ? Qui veut racheter Marseille ? Heureusement, Plus belle la vie va bien, après quelques sueurs froides. Car la pépite de France 3 a failli partir sur TF1, qui vient de racheter la société de production Newen, qui produit donc la série. Le chèque que France Télévisions fait à cette grosse boîte de prod se monte, tenez-vous bien, à 100 millions d’euros par an. Mais PBLV permet à France 3 de se maintenir à un peu plus de 9% d’audience, par rapport aux autres chaînes. Sans le feuilleton, elle passerait à 8%. Dana Hastier, la directrice de France 3, avait parlé à ce propos d’un « enjeu colossal ». Une chaîne qui coule doucement, et dont la viabilité dépend d’une série à la limite de la débilité. On est bien, tiens !
Si ce n’est pas PBLV, qu’est-ce qui pourra sortir Marseille de sa torpeur économique ?
La mode islamique ? Avec sa diversité culturelle, Marseille est la ville qui compte le plus de musulmans en France, soit environ 200 000 personnes… et un nombre relativement faible de mosquées par rapport à cette population de croyants. Sauf que le voile, ces quelques grammes de soie ou de coton, sinon de fibre synthétique, fait à nouveau des vagues dans les médias et l’opinion (l’opinion étant l’avis général fabriqué par les médias). Après les sorties de Laurence Rossignol (ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes) contre la mode islamique, et celle très remarquée de la grande humaniste et héritière de Publicis Élisabeth Badinter, c’est au tour de Mélenchon de taper du poing républicain sur la table des valeurs, toujours pendant Le Grand jury RTL-Le Monde du 3 avril :
« Oui, je suis choqué, je trouve que c’est renoncer à une certaine forme de responsabilité. Dans la religion catholique, il y a une image que tout le monde connaît, c’est Jésus chasse du temple les marchands. Dans cette histoire, les marchands ont envahi le temple. C’est-à-dire que vous avez des marchands qui se sont approprié la religion musulmane pour en faire du fric. »
On l’aura compris, Mélenchon n’aime pas le fric. C’est pas lui qui se fera organiser des dîners à 350 000 dollars, comme le (faux) couple Amal & George Clooney pour la candidate de leur choix, Hillary Clinton. Mais il faudra bien qu’il en trouve, pour sa campagne nationale, le Méluche. C’est pas sa clientèle jeune et pauvre qui va lui en refiler, même si chaque sou semble justifié dans ses comptes de campagne. Et puis, il ne pourra pas, comme les deux grands partis de l’alternance, bénéficier de rétro-commissions sur les grands contrats d’armement, qui dégoulinent en ce moment de tous côtés. Les contrats, pas les rétro-commissions.