Dans la France de Hollande, Valls et DILCRA, il est possible de voyager dans le temps, par exemple reculer à celui de Zola. C’est ce qu’a fait Dominique, qui a eu un accident cérébral, puis a été expulsée de son logement insalubre par son délicat proprio. Les Thénardier, c’est pas que dans les romans.
Pourquoi la DILCRA ? Parce que, au lieu de refiler 100 millions d’euros, piqués dans notre porte-monnaie national, à des chasseurs d’antisémites qui n’existent que dans leur imagination malade, on pourrait aider des Dominique jetées à la rue par un concours de circonstances négatives, toutes induites par le libéralisme asocial. Le libéralisme n’a du coeur que sur TF1 ou France 2, lors des soirées Téléthon ou Restos du Coeur. C’est pas facile d’être locataire, on dépend du bon vouloir de son propriétaire.
Écoutez à ce propos le témoignage de Dominique sur France Bleu.
Les juges rendent majoritairement des jugements favorables aux possédants, car la justice entérine tout simplement ce qui est, c’est-à-dire l’injustice sociale. C’est trivial mais ce sont souvent les pauvres qui ne peuvent pas payer aux riches (relire cette phrase plusieurs fois) ! Il ne s’agit pas de fusiller les bourgeois à la bolchevique, mais de protéger les locataires en détresse dans un monde du travail qui s’oriente vers la précarité généralisée. Trouver le fric du loyer devient un sport, un boulot en soi. La relation entre le locataire et son proprio s’apparente à la relation employé/employeur. En période de « crise », les lois sociales se tendent et explosent, laissant la place à cette bonne vieille loi de la jungle, qui est simplissime : le gros bouffe le petit. Sauf quand les petits s’unissent, mais c’est un autre débat, un peu trop politique.
C’est ainsi que l’on voit apparaître, depuis l’avènement du libéralisme économique en France (1983-1984), une nouvelle race d’hommes, Homo Silvus, les hommes des bois, dont la première génération a colonisé celui de Vincennes. Une tribu quelque peu éclatée – à tous points de vue – de 300 individus, dont 80% de mâles. Pour la reproduction, ça risque d’être la guerre.
« Avant, il y avait des canapés, des buffets… Certains avaient même reproduit une salle à manger. Il faut bien comprendre qu’ici les habitants se reconstituent un chez-eux, s’approprient l’espace »
Tout ça c’est terminé, la mairie de Paris flique les sauvages, qui n’ont pas le droit de dépasser le stade de la tente améliorée, question habitat. Il y a même, nous dit Le Monde, un « chargé de mission SDF » à la mairie de Paris. Qui subit la pression des habitants de ce coin chic, qui côtoient désormais le quart-monde. Comme un retour de boomerang en plein visage, ou une ironie de Dieu.
Maraude (dans le sens de tournée) du Secours Catholique au bois de Vincennes :
« C’est mieux qu’à la street, explique Lucas qui, à 24 ans, a déjà de longues années de galère derrière lui. À Paris, on se fait chasser tous les matins à l’aube. C’est crevant. Ils mettent même des produits désinfectants pour nous empêcher de revenir. »
D’après le journal du milliardaire Xavier Niel enrichi sur le dos du service public (ben quoi ?), une certaine solidarité se crée parmi ces homo silvus. On se dépanne, on se protège mutuellement. Mais on est lucide :
« Et toi, tu voudrais qu’un jour on prenne en photo ta déchéance ? » interpelle Jean, la cinquantaine, dont six ans au bois.
Heureusement, Dominique (de la mairie, pas l’expulsée de Mimizan), a de l’humour :
« Depuis un an, nous constatons une recrudescence des agressions et des règlements de comptes, des tentes incendiées… Nous ne pouvons tolérer que le bois devienne une zone de non-droit »
Ah ça non, on ne peut pas le tolérer. Le discours d’en bas est plus cash :
« Des jours ça va, mais d’autres, tu crèves la dalle. La première semaine du mois, tu vis sur ton RSA ; la deuxième, c’est dur ; la troisième t’es cuit. Le bois, c’est une semaine de fête et trois semaines de merde », lâche Stéphane.
Le droit, il y a longtemps qu’ils n’y ont plus droit, au bois ! Et maintenant, la stat finale, grandiose :
En 2015, l’association a réussi à orienter 62 personnes, dont une vingtaine dans des structures dites « de stabilisation » et sept dans des logements « adaptés », dernière étape avant un logement ordinaire.
C’est-à-dire qu’on trouve de quoi loger 12 000 clandos de Calais ou d’ailleurs d’un coup, et qu’on n’a même pas quelques dizaines de logements pour les habitants des bois ? C’était le monde de Hollande, Valls et DILCRA.
Les migrants se font offrir des places en châteaux (c’est une image, ils ne sont pas tous logés chez les Rothschild, n’exagérons pas), et le pire, ou le plus drôle, c’est que les jeunes, une fois arrivés dans les centres d’accueil, se barrent dans la nature ! On ne sait pas trop laquelle, d’ailleurs, puisqu’on ne les retrouve pas dans le bois de Vincennes ni dans les dernières grandes forêts françaises. Alors où ? Probablement dans les grandes villes, là où il y a de la maille et de la graille.
Les forêts françaises, un trésor national :
On se casse le cul pour leur gueule et voilà comment ils nous remercient ! Le site d’accueil de Sion (en Meurthe-et-Moselle, pas en Palestine occupée) a reçu un super lot de 40 jeunes de Calais. En trois jours, 19 s’étaient déjà fait la malle. Idem à Fouras, en Charente-Maritime, où la moitié des jeunes s’est fait la tchave (voir le dictionnaire gitan). Sur les 21 restants à Sion, seuls trois veulent rester en France, nous explique L’Est Républicain.
Les habitants de Sion devraient peut-être, pour la prochaine fournée de jeunes migrants, apprendre à parler anglais couramment pour donner envie à leurs invités de marque de rester. Quant aux fugueurs, ils sont tout simplement repartis en direction de Calais, pour rejoindre l’Angleterre, peuplée d’Anglais qui viennent vivre par milliers en France...
Un qui retourne dans la nature, mais volontairement, c’est Sylvain (Sylvus ?), le fils de Philippe Tesson, ce critique de théâtre qui voulait fumer Dieudonné. Le fils semble moins sanguinaire que le père, puisqu’il passe son temps à aller là où les hommes ne vont plus, ou ne sont jamais allés : lac Baïkal, forêts de Sibérie, et maintenant, son dada, c’est la France ultra-rurale, celle des déserts humains. Ça change des touristes qui se marchent dessus au pied du Mont-Blanc, sur la Mer de Glace, où en une journée trois tonnes de déchets ont été ramassées par une centaine de bénévoles...
Sylvain dans sa cabane de Sibérie (s’il a du mal à parler c’est parce que ce casse-cou s’est pété la gueule en dés-escaladant un immeuble à Paris) :
Voilà. Il y a ceux qui fuient la Misère, mais la Misère leur colle au cul, et ceux qui fuient la misère humaine.